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Ultime chance

17 mai 2009, 14:43

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Si les dirigeants politiques tiennent parole, les prochaines législatives pourraient être un tournant dans notre histoire politique. Le choix d’aller à trois plutôt que de faire alliance marquerait la fin d’un temps, le commencement d’un autre. Cette configuration donnerait l’opportunité de corriger bien des dysfonctionnements de notre systéme. Elle verrait plus de justice dans notre espace démocratique, voire un assainissement de nos moeurs électorales.

Tout le mal qu’on peut penser de ces alliances électorales conclues à la vieille des scrutins, on l’a dit. Elles sont des nids d’instabilité. Les différentes ententes MSM- MMM, celles de 1982, de 1991 et de 1995, ont engendré des gouvernements fragiles, des partenaires incapables de travailler ensemble longtemps. Demain, le risque d’instabilité aurait été encore plus grand. L’échec de leurs accords passés et le souvenir de leurs coups bas ont usé la capacité de tolérance des dirigeants des trois blocs politiques. Tout gouvernement composé de tels partenaires aurait mis en danger le pays qui a besoin de direction et de constance avec les défis économiques à l’horizon.

Mais plus déplorable, ces accords n’ont fait qu’aggraver l’inégalité inhérente à notre systéme électoral de « first past the post » . La faiblesse de celui- ci, on le sait, est la grande disparité qui existe entre le nombre de votes et le nombre de siéges. Bien que conscient de l’injustice que ce systéme occasionne, le parti politique accepte de s’en accommoder, de tricher en quelque sorte. Puisque seul compte non pas d’obtenir le plus de votes, mais d’être élu, puisque seul compte de « past the post » , il se met en alliance et perpétue la perversion. Tant pis si manquent convictions et affinités communes.

Personne ne la regrettera donc, l’alliance préélectorale.

Cette lutte à trois, en revanche, nous laisse entrevoir la possibilité de réaliser la réforme du systéme longtemps souhaitée. Le contexte d’une lutte à trois est assurément une motivation réelle à l’adoption de la proportionnelle.

Dans une telle situation où les votes risquent d’être divisés, il semble logiquement plus avantageux pour chaque parti que le pourcentage de votes acquis soit pris en compte dans l’allocation de siéges parlementaires. Un systéme mixte – la derniére proposition de Rama Sithanen est une liste de 24 candidats ajoutés aux 62 élus en « first past the post » - serait en outre une occasion de renouvellement du paysage : les partis, allant seuls, ils auront la possibilité de mettre plus de personnes, dont ces gens de qualité que les affaires publiques intéressent mais pas le mode électoral actuel.

Mais l’aprés- 2010 reste flou. L’évocation répétée de 1976 laisse croire à l’éventualité d’une coalition post- électorale pour garantir une majorité confortable au parti ayant eu le plus de votes. Cet épisode, dont nous ne sommes pas trés fiers, est- il nécessaire de le répéter ? Face aux 30 siéges du MMM, SSR, qui n’en avait obtenu que 25, s’était allié au PMSD pour obtenir les 7 siéges qui lui offraient la majorité. Cette coalition « sauvait » le PTr vieillissant mais allait renforcer politiquement le MMM. Le leader de l’opposition allait faire ses armes. Il allait devenir, cinq ans plus tard, le Premier ministre le plus efficace de notre histoire. La situation est différente aujourd’hui : le PTr - qui est déjà en alliance - est au mieux de sa forme, le MMM vieillissant. Le scénario le plus souhaitable est peut- être que le MMM, installé avec une forte présence parlementaire, en profite pour se reconstruire, au lieu de laisser cette place au MSM en faisant un « working arrangement » avec le gouvernement. Ce n’est vraisemblablement pas ce qu’il espére.

Parce qu’elle semble désormais trop accessible pour qu’on ne s’y engouffre pas, la réforme électorale devrait être notre priorité ; le budget est un « non- event » , a dit le ministre des Finances. Le Parti travailliste osera cette réforme si les simulations mathématiques de Rama Sithanen révélent qu’il y gagnera. Il semblerait que oui.

Il reste la rapidité de la décision politique. Que le Premier ministre ne persiste pas à nous faire croire qu’il lui faut absolument le « consensus » pour réformer. C’est un prétexte.

Et une bêtise. La plupart des citoyens de ce pays ne maîtrisent pas ce dossier fort technique des systémes électoraux. On fera confiance. On ne saisit pas non plus tous les « technicalities » de l’économie, on veut pourtant bien croire que celui qui s’y connaît nous protégera de la crise.

Ariane Cavalot-de l''Estrac