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Un bel avenir
C’est une page qui manque à son programme. Mais il l’a déroulée sur l’estrade à Rivière-des-Anguilles : l’île Maurice de Navin Ramgoolam sera radicalement différente de celles de sir Seewoosagur et de sir Anerood. Ces démocrates-là ont toléré la libre expression. Lui, n’est pas un mollasson. La presse indépendante, il la fera taire. Il y a déjà tenté en leur coupant les vivres, la publicité d’Etat. Il essaiera la violence. Et tant pis si cette presse-là a permis au citoyen de comprendre les actes et les intentions de ceux qu’il a, ainsi librement, portés au pouvoir. Tant pis si elle a aidé le citoyen à se faire
une opinion sur les questions d’intérêt national et sur ses dirigeants. Tant pis si la presse indépendante a évité à ce pays le sort de ces dictatures pourries, corrompues et misérables…
Nous l’avons maintes fois dit, nous le répétons. Que la presse soit critiquée par Navin Ramgoolam ou Paul Bérenger ne représente aucun danger pour ce pays. Bien au contraire. C’est signe de bonne santé pour la démocratie. Le propre d’un contrepouvoir, c’est de réclamer au pouvoir des comptes. Cela n’a jamais plu aux gouvernements, quels qu’ils soient, toujours prompts à mettre la presse en accusation.
Et leurs réactions, toujours, titillent l’ego du journaliste qui y voit la preuve de son effi cacité. Mais il ne s’agit pas ici de critiques. Il s’agit de menaces. Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth veulent intimider. Ils veulent faire peur. Des menaces volontairement fl oues, suggestives, lancées avec toute la violence que confèrent aux propos les estrades des meetings. «Ar mwa to pou koné…»
«Tou sa la pou areté»… Cette posture extrêmement dangereuse, les dirigeants de l’Alliance de l’avenir la justifi ent en évoquant les actes de «propagande» et de «manipulation» dont se serait rendu coupable «l’express». C’est une aberration. Des propagandistes, il y en a effectivement dans la presse, à la MBC en l’occurrence. Le propagandiste a le souci de l’image, d’une image lisse, parfaite, cohérente. Son objectif est de provoquer l’adhésion. Sa stratégie, c’est de rassurer, de persuader, d’infl uencer, de masquer les failles. Nous ne nous reconnaissons pas dans ces traits. Informer, c’est exposer les failles, les dérapages des uns et des autres. Nous l’avons fait. La stratégie de celui qui informe, c’est de faire connaître, comprendre, par l’analyse et les arguments. Ce n’est pas de rassurer, c’est d’éclairer. Si la communication rassure, l’information dérange, déstabilise. Si le souci de celui qui communique est l’image, le souci de celui qui informe, la réalité. Le monde de l’info, c’est celui de la vie. C’est le nôtre.
La «manipulation» est tout autant une fabulation. C’est faire insulte à l’intelligence de nos journalistes que de croire qu’un seul d’entre eux pourrait accepter de signer un article disant le contraire de ce dont il a été témoin. Car les articles sont bien signés du nom des journalistes qui ce faisant, assument leurs écrits.
En apposant son nom, chacun engage sa personne, dit que ce qu’il a vu, ce qu’il raconte, il le fait avec honnêteté et avec toute la rigueur possible, avec les moyens dont il a disposé à ce moment-là.
Il reconnaît qu’il peut y avoir des imperfections, des approximations, parce qu’il l’a écrit avec sa sensibilité, forcément. On ne voit pas en quoi cette honorable et respectable posture vaut aux journalistes d’être traités comme des trafi quants ou des criminels.
Ni propagandiste, ni manipulateur, nous ne sommes pas pour autant parfait. Il y a certainement des imperfections dans notre couverture. Ce sont autant d’accidents liés à la nature de notre profession. Le journaliste est tenu de produire vite, plus encore en campagne électorale.
Entre la fi n des réunions nocturnes et la mise en route de la presse, il n’y a qu’une heure contre laquelle le journaliste court. Travailler dans l’urgence, accumuler de longues journées, c’est prendre le risque de faire des erreurs, même si des barrières sont érigées pour les éviter. C’est un risque que nous assumons par d evoir d’informer. Et bien que certains discours politiques parfois ne valent guère l’effort.
Accepter, comprendre la nature de la presse, c’est ce que Navin Ramgoolam n’est jamais arrivé à faire, développant une sorte de paranoïa à son égard depuis vingt ans. Pourquoi cette haine, poussée à un point tel que «l’express» est devenu enjeu de campagne ? Pense-t-il que notre rôle est d’assurer sa communication ? Peut-être, puisqu’il reproche à «l’express» de le montrer embrassant une femme hindoue, au lieu d’une femme créole, ou dans un bain de foule plutôt que face à la foule, ce qui aurait permis au lecteur d’estimer sa force…
Il faudra alors qu’il accepte la petite leçon des internautes, dont nous reproduisons plus loin les commentaires postés jusqu’à 16 heures hier. Eux savent : les journaux, comme les radios, appartiennent aux actionnaires et propriétaires. Mais la liberté de la presse appartient au peuple.
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