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Un débat d’a(d)vance
Par des temps où la presse écrite – telle qu’on la connaît – risque davantage de disparaître que de foisonner, l’arrivée, ce vendredi, de deux nouveaux titres dans le paysage médiatique local ne peut qu’être un motif de satisfaction. Peu importe si l’un, Advance, est l’organe de presse d’un parti politique tandis que l’autre, Le Citoyen, prétend ne pas l’être. Bienvenue aux confrères ! Les civilités accomplies, intéressons-nous maintenant aux questions de fond.
La première concerne le nouvel essor de la presse politique. Celle-ci a eu son heure de gloire durant les années 70 et 80 avec Le Populaire du PMSD, Advance du Parti travailliste (PTr), The Sun du MSM ou le Militant du MMM. Puis, cette presse-là a inexorablement périclité pendant les années 90. Faute de ressources financières et humaines mais aussi de lectorat. Le dernier représentant de cette catégorie de journaux, le Militant, a ainsi vivoté avant de disparaître en mai 2010. Mais il apparaît que les partis politiques veulent réinvestir dans la presse écrite pour asseoir une présence médiatique et exercer un contrôle plus complet sur leur communication.
Puisque le PTr est le seul à avancer à visage découvert dans sa volonté d’avoir son journal, examinons le cas Advance. Cet hebdomadaire du vendredi obéit à une double logique. D’abord celle d’être un outil de communication pour le gouvernement et le Premier ministre. Sa mission est de vendre le bilan du régime en place tout en corrigeant les « faussetés » véhiculées par la « presse politique ». Ensuite, régler « oeil pour oeil » et de manière parfois personnelle des comptes avec des adversaires politiques et des journalistes jugés hostiles par Ramgoolam.
Advance est toutefois soumis, comme toutes les autres publications, aux lois régissant la presse dans notre république. Ainsi, si dans leur empressement à régler des comptes, les responsables de ce journal outrepassent quelques barrières en calomniant ou en portant atteinte à la vie privée sans motif d’intérêt général, ils seront passibles des mêmes procès au civil que n’importe quel autre journal indépendant. Ils sauront, espérons-le, faire le choix de la responsabilité.
Le vrai choix, toutefois, c’est le lecteur qui l’effectue. Car un journal de parti reste un produit de presse comme un autre. Il a besoin d’un lectorat pour exister réellement. Or, le lecteur, qu’il soit diehard rouge ou non, n’a aucune obligation d’acheter ou de lire Advance.
Même si le journal était distribué gratuitement, ceux qui le tiendraient entre leurs mains auraient encore la possibilité de le lire ou de le mettre à la poubelle. Certes, des quotidiens sans – ou avec si peu de – lectorat existent déjà. L’un déguisé en GovernmentGazette bis, tant il déborde de communiqués gouvernementaux payants et l’autre sous forme d’Advance bis. Face à l’impossibilité d’assurer le succès populaired’Advance, le PTr se retrouvera probablement tôt outard devant un choix crucial. Continuer à investir unedizaine de roupies, en seuls frais d’impression et depapier, par numéro pour vendre chacun à Rs 10 ? Oualors privilégier une solution déjà usitée ?
On la connaît. Elle s’appelle Mauritius Broadcasting Corportation. Et à la différence d’un produit de presse classique – partisan ou non –, elle n’offre quasiment pas de choix au spectateur. En effet, ce qui se pratique à la télévision nationale ne correspond pas aux objectifs statutaires de la MBC. Qui sont, notamment, de « strikea fair balance in the allocation of broadcasting hours amongvarious (…) political (…) standpoints » ou de « ensure tothe best of its ability that the news bulletins broadcast areaccurate and presented in an impartial manner ».
La MBC contrôle ainsi un marché captif. Son téléspectateur n’a pas le choix. Soit il regarde ses bulletins propagandistes, soit il renonce à toute information télévisuelle sur son pays. De même, le téléspectateur n’a aucun mot à dire par rapport aux Rs 100 de redevance mensuelle dont il doit s’acquitter.
Contrairement au lecteur qui, ne se retrouvant plus dans un journal, peut librement décider de cesser de l’acheter. Par contre, si un téléspectateur n’est pas satisfait des bulletins d’information ou de la programmation de la MBC, ou s’il ne la regarde plus, l’obligation de verser Rs 100 chaque mois en payant sa facture d’électricité demeure.
Qu’importe l’avenir ou le succès populaire ou relatif d’Advance. Pour le PTr, un nouvel adage sera toujours de circonstance : une MBC vaudra toujours mieux que deux Advance !
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