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Une logique nationale
Certes, nous avons connu d ’intenses moments de communion nationale. Entre autres pendant les quelque 20 secondes de la finale olympique de Stephan Buckland à Athènes, pendant les quelques heures d’attente torturée, avant la nouvelle fatale du décès de Chaitlall Gunness, à Mumbai. Autrement, le modèle de nation qui nous est proposé par les politiques, par leur mode d’exercice du pouvoir et par leurs divers relais sociaux, ce modèle-là, lui, fait de la nation, davantage, une construction religieuse, dont les communautés sont les véhicules. Pour mieux jouir de ses droits de citoyen, il importera donc de pouvoir se réclamer d’une langue ancestrale et d’accepter de se situer dans l’édifice national à l’emplacement strict qu’impose le tandem ambigu religion/communauté. Et c’est cet appareil-là que le comité des droits de l’homme des Nations unies vient dérégler.
Que nous nous y sentions invités par la flamme de Nita Deerpalsing ou la mesure de Jean-Claude Véder, nous ne pourrons longtemps continuer à nous dispenser d’une réflexion sur la laïcité. L’enjeu n’est pas neutre et on ne peut le séparer du changement de mentalités auquel inviterait une éventuelle abolition du Best Loser System. Il nous faut, sur cette question, nous donner quelques principes clairs, susceptibles de protéger l’Etat contre les pratiques discriminatoires que peuvent valoir l’hyper-correction en matière de respect de la liberté religieuse. Également quelques principes pour contenir, sans contraindre, les sentiments spontanément hostiles à la manifestation religieuse. Sans doute faut-il commencer par noter que c’est l’Etat qui est laïc. Cela veut dire que l’Etat n’a pas de religion.
A Maurice, où l’hymne national, depuis quarante-quatre ans, nous fait chanter «beloved country, May God bless thee», on ne peut même pas dire que l’Etat est incroyant, pas même agnostique. Comme les Britanniques qui confient leur souverain à Dieu et les Américains qui chantent « In God is our Trust », nous acceptons, nous, dans le Motherland, d’être un peuple théiste. On aurait certainement pu s’en passer mais tant que cela ne vaut pas des pratiques discriminatoires à nos patriotes incroyants, on peut considérer que le souci est bénin. Voilà, notre Etat croit en Dieu, philosophiquement, et nous ne sommes pas en mesure de l’en empêcher. En revanche, s’il se piquait d’avoir aussi une religion ou une autre, là, il y aurait matière à inquiétude.
On a entendu, çà et là, des suggestions quant à la nécessité d’effectuer un nouveau recensement, cette fois, peut-on comprendre, en prenant note des distinctions communales. Parce que le comité des droits de l’homme de l’Onu a fondé son rejet de la pratique imposée aux candidats aux législatives sur le fait qu’il n’existe plus de chiffres fi ables en matière de taille des communautés. Les nombres, on le sait, c’est aussi ce à quoi tiennent les groupes religieux qui reçoivent des subventions de l’Etat. Une vraie laïcité impliquerait-elle la fi n de cette pratique ? Pas forcément. S’il était établi que cet argent était bien utilisé, qu’il permettait au bras social de ces groupes religieux de venir en aide à des personnes dans le besoin ou en situation de souffrance, il n’est pas établi qu’un Etat laïc s’interdirait de donner à des citoyens responsables les moyens d’une action de solidarité reconnue. En revanche, c’est peut-être davantage au titre de la gouvernance et de la responsabilité fiscale qu’il y aurait des questions à poser quant à cet argent.
La disparition du système de Best Loser établira enfin, entre Mauriciens, une parfaite égalité en matière de justice parlementaire. Plus personne n’entrera à l’Assemblée nationale pour, soi-disant, représenter une communauté, soit une entité sans consistance juridique et sans détermination politique. Accueillons la laïcité tout autant que la fin du régime communal.
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