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Vivre avec le VIH
«J’étais une épouse fidèle et sans histoires»
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Vivre avec le VIH
«J’étais une épouse fidèle et sans histoires»
(Photo d'illustration)
Vanessa* a contracté le VIH dans son lit conjugal. Depuis, cette mère de famille continue à vivre et à élever ses enfants en vivant avec la maladie et en suivant son traitement. Mais la stigmatisation et les préjugés lui ont causé beaucoup de torts. Pour aider d’autres personnes à affronter cette situation, elle s’est engagée dans le monde associatif après avoir perdu son emploi à cause de son statut sérologique. La nouvelle tendance de la contamination à Maurice est par voie hétérosexuelle et c’est à ce niveau que se situent les inquiétudes aujourd’hui.
Nous la surnommerons Vanessa mais elle aurait tout aussi bien pu s’appeler Kumari, Ayesha ou Anne. Sa crainte est qu’on la reconnaisse. «Il faudrait juste veiller à ce que l’on ne parvienne pas à m’identifier. Certes, j’assume pleinement ma séropositivité et les choses vont mieux depuis que mes trois enfants connaissent mon statut sérologique et que j’ai leur soutien. Mais je ne souhaite pas que d’autres membres de ma famille et de mon entourage l’apprennent. Je sais à quel point ils peuvent être intolérants et leur attitude risque de me causer plus de tort qu’autre chose», dit la quadragénaire, qui nous reçoit dans le petit bureau où son rôle consiste à écouter le vécu des personnes vivant dans le désespoir.
Vanessa n’a pas toujours de solution pour toutes ces personnes. Mais l’écoute et la compassion qu’elle offre sont souvent d’un grand réconfort. Et puis, elle sait qu’elle peut redonner espoir en expliquant aux personnes nouvellement testées positives au VIH que le traitement permet de continuer à mener une vie normale. Ce traitement gratuit, fourni par l’Etat, relance le système immunitaire et rend le virus indétectable chez le patient. Ce dernier ne transmet alors plus le VIH. «J’ai choisi de m’engager pour aider les autres. Dans l’organisation non gouvernementale où je travaille, quand des personnes se présentent à nous, je les encadre et les canalise vers les services appropriés en fonction de leurs besoins. Je leur fais comprendre qu’elles doivent se prendre en main, être régulières avec le suivi médical et qu’elles ne doivent pas céder à la déprime. Moi, quand j’ai appris que j’étais séropositive je n’ai bénéficié d’aucun soutien et cela m’a fait grandement souffrir.»
«Contaminée dans le lit conjugal»
C’était il y a une quinzaine d’années. «L’infirmier du centre de santé qui m’a annoncé mes résultats m’a simplement dit que mon test sanguin était positif. Je vivais avec le VIH. Pour moi, cela signifiait que c’était fini. Qui s’occuperait de mes enfants ? Qu’est-ce qu’ils deviendraient ? J’étais effondrée.» Employée d’un laboratoire médical, elle était alors mère de deux enfants et menait une vie normale avec son époux. «J’étais une personne qui avait sa routine. Je sortais travailler, je rentrais m’occuper de mes enfants et de ma maison. J’étais une bonne mère, une épouse fidèle sans histoires.»
Ce que Vanessa ignorait, c’était que son époux menait une double vie. Une réalité qui l’a rattrapé plus tard lorsque l’homme dont elle partageait la vie a commencé à avoir des soucis de santé. Elle l’a encouragé à aller se faire dépister. «C’est sans surprise que j’ai compris qu’il était positif. Pour moi aussi c’était clair, j’avais été contaminée dans le lit conjugal. Je savais qu’il fallait que j’aille faire le test et celui-ci a confirmé mes craintes.»
Sans soutien, sans conseil, Vanessa s’est repliée sur elle, s’enfermant dans un monde sombre et elle a cédé à la déprime.«Je pensais à la mort. Je me disais que plus rien ne valait la peine. Je n’avais personne à qui en parler, je savais que je serais jugée et rejetée par mon entourage. On me blâmerait pour une chose dont je ne suis pas responsable. Je sais comment mes proches peuvent être intolérants quand on parle du VIH.» En quête de réponses et d’écoute, elle s’est tournée vers Prévention, Information et Lutte contre le Sida où l’équipe en place l’a encadrée et l’a aidée à se reprendre en main. Le traitement aux antirétroviraux a stabilisé sa santé : «Grâce aux médicaments, je mène une vie normale et je peux continuer à m’occuper de mes enfants.»
Son époux, lui, a fait d’autres choix et s’est séparé de la famille. Devenue mère célibataire, elle s’est occupée au mieux de ses enfants. Dans son travail, quand des personnes se présentaient pour des tests, en écoutant leur histoire, elle savait détecter ceux qui avaient eu un comportement à risque. «Je les prenais à part et je leur conseillais de faire un test de dépistage en leur expliquant qu’ils auraient alors accès au traitement.
Collègues hostiles
Malgré son dévouement au travail, elle a noté un changement de comportement chez son patron et chez certains de ses collègues, qui lui étaient devenus hostiles. «Ils ont tout fait pour me pousser vers la sortie. J’ai compris que c’est parce qu’ils avaient appris que je vis avec le VIH. À l’époque, cette intolérance était très forte et je n’y pouvais rien. J’ai cherché du travail ailleurs, mais je suis dans un milieu où chacun se connaît. Le message est vite passé et à peine recrutée que j’étais remerciée. On me disait simplement qu’on n’avait plus besoin de mes services.»
C’est durant cette période qu’elle a rencontré son nouveau compagnon. «Dès le départ, je lui ai expliqué ma situation. Il m’a dit qu’il m’acceptait telle que je suis. Nous nous sommes mis en couple au bout de quelque temps.» Cette nouvelle situation était une raison supplémentaire pour elle de rester vigilante par rapport à son traitement. Sur les conseils des spécialistes, son compagnon a accepté de se faire tester régulièrement. Il est négatif jusqu’à présent. «Un jour, je me suis rendu compte que j’étais enceinte. L’hôpital a aussitôt appliqué les procédures pour éviter que le VIH ne soit transmis à mon bébé. Comme le veut le protocole, j’ai accouché par césarienne quand j’étais enceinte de huit mois. Juste après sa naissance, mon fils a eu accès au traitement et trois ans plus tard, son test s’est avéré négatif. Grâce à ces protocoles, jusqu’à présent, il jouit d’une bonne santé.»
«Ce n’est le regard des autres qui tue»
Pendant qu’elle et son enfant étaient en traitement pour d’autres complications de santé, Vanessa a été une fois de plus confrontée à la stigmatisation, qui prévaut toujours auprès de certains professionnels dans ce milieu. «Des médecins et des infirmiers avaient peur de s’occuper de moi parce que mon statut sérologique était précisé dans mon dossier. J’ai vu un infirmier mettre trois gants pour me voir, j’ai entendu un anesthésiste passer des remarques à mon sujet. Tout cela a été très difficile.» Il a finalement fallu l’intervention du National AIDS Secretariat pour qu’elle soit traitée normalement.
Aujourd’hui que son aîné travaille, Vanessa compte beaucoup sur son aide pour élever les plus jeunes. Le cadet veut poursuivre ses études et le benjamin découvre la vie et ses nombreuses possibilités. Vanessa est fière d’être ce soutien qui les aide à avancer vers leurs rêves et leurs ambitions. «J’espère qu’ils trouveront le bonheur. Ce sera ma plus grande joie. Pour les patients avec qui je travaille, je leur souhaite avant tout la santé en leur disant qu’avec le traitement, ils ont leur destin en main et ils doivent se montrer responsables.» Marquée par les blessures du passé et consciente d’une réalité qui persiste à cause de la méconnaissance ou de la bêtise humaine, elle ajoute ceci : «Aujourd’hui, ce n’est pas le VIH qui tue. C’est le regard des autres.»
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