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Interview de...
Jugdish Joypaul: «Ma popularité s’est érodée en me retrouvant dans un camp»
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Jugdish Joypaul: «Ma popularité s’est érodée en me retrouvant dans un camp»
Pour une surprise, c’en est une. Personne ne l’aurait cru si c’était un 1er avril. Mais c’est bien le 1er- mai que le journaliste, que bon nombre de Mauriciens appréciaient pour ses analyses objectives sur «Radio Plus» – surtout quand il mettait en garde contre l’excès de zèle de la majorité et du speaker lors des travaux parlementaires – a fait son «coming out» politique et a endossé le polo orange… Il balaie d’un revers de la main le mot «chatwa» même s’il accepte des critiques. Confidences.
Êtes-vous conscient du fait que votre engagement en politique a surpris beaucoup de monde et votre adhésion au MSM encore plus ?
Bien entendu. Après 40 ans dans le journalisme, les Mauriciens auraient aimé que je poursuive dans cette voie. Nous journalistes sommes au service de la population, nous avons beaucoup de valeurs et de principes et nous prônons la justice et contribuons à améliorer la vie de tout un chacun. Mais ce n’est pas tout à fait une surprise, car avant moi, il y a eu beaucoup de journalistes qui se sont engagés en politique. Que ce soit à Maurice ou à l’étranger, il y a eu des artistes, des acteurs, qui ont franchi cette étape. Il y a le cas de Boris Johnson et de Donald Trump qui ont été journalistes avant de devenir politiciens. Évidemment, loin de moi l’idée de me comparer à eux. Mais comme eux, je suis désormais investi d’une autre mission.
Vous parlez de valeurs, de principes. Pensez-vous que le parti auquel vous avez adhéré possède ces qualités ?
Oui. J’ai rejoint une équipe pragmatique. Pravind Jugnauth fait preuve de pragmatisme dans le sens où il apporte un équilibre entre le social et l’économie. C’est une des premières valeurs de ce parti, car sans la croissance, il n’y a pas de partage de ‘gâteau’, ni de profit. Le deuxième aspect : les valeurs morales que prône le parti. Il peut y avoir des faiblesses et des erreurs, mais on peut les corriger et on doit veiller à ce que le pays se dirige davantage dans la bonne direction.
Pardonnez-nous d’insister. Vous parlez de valeurs. Êtes-vous à l’aise de vous retrouver aux côtés de ceux qui font face à des allégations de corruption, on pense notamment au Stag Party, au scandale de Molnupiravir, ou encore de meurtre dans l’affaire Kistnen? Quid du speaker, que vous avez-vous-même condamné à la radio ?
Vous l’avez bien dit, il s’agit d’allégations. Alors tant qu’il n’y a pas de preuves, du concret, contre ces personnes, on ne peut pas les condamner. Mais je le répète, s’il y a des faiblesses et des erreurs, je contribuerai à les corriger. En tant que journaliste, on émet toujours des critiques constructives. Pour le Parlement, je dirai que c’est une institution suprême. Je suis les travaux parlementaires depuis 1976. Il y avait un speaker en la personne de sir Harilal Vaghjee, pour qui tout le monde avait le plus grand respect. Oui, il faut veiller à ce que les institutions fonctionnent comme il se doit. Il faut veiller à ce que le Parlement soit au service des élus et de la population.
Vous pensez donc que vous aurez votre mot à dire s’il y a des dérapages ? Certainement. Je ferai entendre ma voix.
Pourquoi avoir choisi le MSM et pas un autre parti politique ? J’ai constaté que le MSM et son leader sont à l’écoute de la population. Au risque de me répéter, c’est un parti qui prône le pragmatisme. Si nous regardons son parcours, je dirai que le MSM est le parti du présent et de l’avenir. Ayant dit cela, j’ajoute que depuis 1886, il y a des élections à Maurice. Il y a eu différents gouvernements. Chacun a apporté sa contribution au développement. Le PTr, depuis 1936, a beaucoup fait pour le pays. Le PMSD, après la coalition de 1969, a beaucoup apporté au niveau du tourisme. Le MMM a consolidé la démocratie. En 1982, avec son partenaire, le Parti socialiste mauricien, il a fait voter un texte de loi qui rend obligatoire les élections générales tous les cinq ans. Et depuis 1983, le MSM a pris le relais pour poursuivre le progrès…
Il ne faut pas non plus oublier qu’entre 1983 et à ce jour, il y a eu le règne du PTr pendant une dizaine d’années… Oui, effectivement. Je veux dire que chaque parti, chaque gouvernement, a apporté sa pierre à l’édifice. Il ne faut jamais escamoter la vérité. Il faut lui rendre hommage.
On sait que la famille Joypaul était proche du «Labour». Vous-même avez des relations familiales avec les Ramgoolam. Votre frère, le défunt Vijay Kumar, a épousé la sœur de Navin Ramgoolam. Beaucoup de personnes pensaient ainsi que vous alliez adhérer à ce parti si vous comptiez vous lancer en politique…
Au-delà des relations familiales, il y a la liberté de choisir. Au sein d’une famille passionnée par le football par exemple, chacun soutient différentes équipes, Liverpool, Manchester United, Chelsea, Burnley ou autre. Et cette famille regarde un match dans le même salon, ensemble, sans qu’il y ait de l’animosité. Il y a le respect, le choix de chaque personne. Il y a même eu dans le passé deux frères qui ont été candidats pour de deux partis différents dans une même élection. Je parle de la famille Bhayat, Kader au sein du MMM et Suleiman au PTr. Il y d’autres exemples comme ceux-là.
Vous avez côtoyé Navin Ramgoolam pendant de longues années. Vous connaissez bien ses qualités et ses défauts. Aujourd’hui, on constate que souvent, il y a des coups bas distribués par des adversaires politiques, si bien que la vie des uns et des autres est exposée sur la place publique. Et on voit bien ce qui se passe entre Pravind Jugnauth et Sherry Singh. Lors d’une campagne pour obtenir des votes, des politiciens attaquent sous la ceinture. Se pourrait-il que vous soyez tenté d’imiter votre leader ?
Non, ce n’est pas dans ma nature de me faire des ennemis. Comme je l’ai toujours dit à la radio, je suis l’ami de tous et l’ennemi de personne ! Je suis pour une campagne saine et efficace. Ce qui importe, c’est la famille, les travailleurs, les jeunes, les enfants. Il faut regarder vers l’avenir.
Et le passé ?
Le passé nous sert d’exemple. Je suis très sensible à la misère humaine. C’est cela l’essentiel. Les dénonciations sur la vie privée ? Non je ne suis pas d’accord avec cette pratique.
Sur les réseaux sociaux, des internautes vous traitent de «chatwa». N’allez pas nous dire que vous ne vous attendiez pas à ce qualificatif… D’autant que la transition a été brutale ; mardi matin, on entend votre voix à la radio et le lendemain, mercredi, vous êtes sur l’estrade du MSM!
Pour la deuxième partie de la question, j’avais un engagement envers la radio. J’ai donné un préavis et je devais le respecter. Il est arrivé à terme le 30 avril et c’est la raison pour laquelle j’étais à la radio jusqu’à cette date. Pour ce qui est du qualificatif de chatwa, je fais en sorte de l’ignorer. J’ai toujours respecté la liberté d’expression, la liberté de penser. La démocratie nous donne le droit de faire des commentaires, d’émettre des critiques. Mais il y a des limites aux dérives. Il faut respecter l’opinion des autres. J’ai toujours respecté ce principe, mais cela doit être réciproque.
Vous aviez pris votre décision avant le 1er-Mai. Est-ce pour cela que vous avez été complaisant envers le pouvoir dans vos dernières émissions ?
Non pas du tout. J’ai toujours gardé mon indépendance. Jamais je n’ai été complaisant ni envers le gouvernement, ni envers l’opposition.
Et pourtant, lors d’une interview du ministre Mahen Seeruttun, le vendredi 26 avril, alors que vous saviez déjà que vous alliez rejoindre son parti, vous vous êtes montré plutôt «bienveillant» à son égard, n’est-ce pas ?
L’interview du ministre Seeruttun avait été calée bien avant. C’est le gouvernement qui l’avait délégué. Et Radio Plus, dans son indépendance, donne toujours la parole à tous les représentants des partis politiques. Non je n’étais pas complaisant. C’est mon style, ma façon d’interviewer les gens. Je ne les bouscule pas. Lors de plusieurs émissions animées en tandem avec Nawaz Noorbux – que je remercie en passant – j’ai toujours gardé cette indépendance.
Les gens appréciaient beaucoup vos émissions radiophoniques. Vos jeux de mots en créole mettaient un sourire sur le visage des gens tout en reflétant bien ce qui se passait dans le pays. Maintenant que vous êtes associé à un parti politique, n’estimez-vous pas que vous avez perdu un peu, voire beaucoup, de cette popularité ?
Oui je suis conscient de cela. Ma popularité s’est érodée. Quand on choisit un camp, il faut s’attendre à cela. Mais je suis sûr qu’une fois la campagne lancée, la population m’appréciera. Je sais que la majorité de la population me soutiendra.
Vous étiez sur l’estrade aux côtés des dirigeants du MSM. Il est donc certain que vous obtiendrez un ticket ?
Non pas du tout. Cette question n’a pas été abordée.
C’est le MSM qui vous a sollicité ou est-ce le contraire ?
J’ai obtenu une proposition du MSM sans aucune condition.
Mais vous me dites que la question d’investiture n’a pas été abordée !
Oui, cette question n’a pas été abordée. C’est le leader du parti qui décidera si je serai candidat ou non.
Ainsi, vous ne savez même pas dans quelle circonscription vous serez candidat ?
Non. Si toutefois j’obtiens une investiture, je suis prêt à être candidat dans n’importe quelle circonscription. Évidemment, dans certaines d’entre elles, il faut prendre en considération le profil ethnique d’un candidat. C’est la réalité du pays.
Ne pensez-vous pas que vous avez pris un pari risqué ?
Dans la vie, il faut toujours prendre des risques. Mais si j’ai rejoint la politique, ce n’est pas pour l’argent. Avec la fin de ma carrière de journaliste, c’est une autre page qui se tourne pour moi.
Vous estimez que n’avez rien à perdre?
Absolument. Je le répète, il ne s’agit pas de faire de la politique pour de l’argent. Il ne s’agit pas de vendre sa conscience. Nous sommes tous nés pour accomplir une mission dans la vie. Moi je considère qu’à travers le journalisme, qui est une profession noble, j’ai servi le pays et j’estime que la politique possède également ses lettres de noblesse.
Mais si vous n’obtenez pas de ticket, que ferez-vous ?
Je peux servir le parti autrement. Au niveau de la communication et de l’organisation, par exemple.
Êtes-vous confiant d’une victoire du MSM aux prochaines élections générales ?
Absolument. Mais il faut travailler dur. Plus la lutte est dure, plus la victoire est belle.
Bio express
Après ses études secondaires, Jugdish Joypaul a travaillé comme enseignant au collège Eden. Il enseignait l’anglais, le français et l’histoire. Il s’est joint au journal Nation. Il a obtenu une bourse pour des études en journalisme en France. Il a ensuite été nommé rédacteur en chef de ce journal. Il a poursuivi sa carrière à la MBC et après sa retraite, il a rejoint «Radio Plus».
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