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Histoire

La bosse du commerce des musulmans à Rodrigues

27 mai 2024, 20:00

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La bosse du commerce des musulmans à Rodrigues

L’auteur Assad Bhuglah recevant un tableau représentant la signature d’un sultan ottoman.

Rendre plus visible une minorité : les musulmans de Rodrigues. C’est l’objectif du nouvel ouvrage d’Assad Bhuglah intitulé Muslim presence in Rodrigues. Ce livre a été lancé au Hennessy Park Hotel le 14 mai.

L’auteur souligne d’emblée une différence fondamentale avec les musulmans de Maurice. Leur arrivée à Rodrigues n’est pas due à l’engagisme. L’auteur rappelle qu’«only small vessels could touch the shore of Port Mathurin. While ships loaded with labourers and goods were frequently plying between Calcutta and Mauritius, there were also several batches of Muslim traders, craftsmen and seamen from the seaports of Gujrat, Kutch, Bombay and the western coast of India in search of a new life in Mauritius». Leurs voiliers faisaient escale à Rodrigues où les vents forts les contraignaient à accoster. «They quickly discovered that the small island was a granary but cruelly lacked the logistics and transport facilities for exporting (…) Ideas of commerce instantly germinated in the minds of the Muslim traders and they did not lose time in implementing them.»

Au 19ᵉ siècle, ces commerçants ont développé un commerce triangulaire Rodrigues-Maurice-Inde, souligne l’auteur. Important des textiles de la Grande péninsule pour le marché rodriguais. Important du sucre et des articles ménagers de Maurice. Faisant le plein de bétail, de maïs, de haricots pour rentrer en Inde.

WhatsApp Image 2024-05-27 at 16.38.00.jpeg Cassam Valimamode et l’ex-président de la république, Cassam Uteem.

Patiemment, Assad Bhuglah marche dans les pas de ce groupe religieux. Il part des traditions orales autour du lieu appelé Baie-des-Lascars. Il note qu’«effective muslim presence in Rodrigues started around 1850». Il marque un temps de recueillement au «most ancient monument to remind one of the presence of Muslims in Rodrigues», c’est-à-dire la mosquée Noor ud Deen. Située à la rue Solidarité à Port-Mathurin, elle date de 1892. L’auteur s’intéresse de près à un lien avec les Ottomans, sous forme d’inscriptions sur un canon placé devant le siège de l’Assemblée régionale de Rodrigues. «The British installed this old weapon as a trophy (…) The arabic writings display the signature of the Ottoman sultan Abdulhamid Khan bin Abdul Majid el Muzafar Daima.»

Mais la majeure partie du livre est consacrée aux familles pionnières. À commencer par les Valimamode, d’où était issu l’ex-commissaire de la Santé et des Sport Ismaël Valimamode. La famille est connue pour son ancienne usine de limonade et ses salines. Il y a les Fatehmamode, dont un membre est si prospère que «very often, when government did not have enough liquidity to pay the salary to the civil servants it would approach Hajee Bhay to deposit some money in the Treasury». Le premier atterrissage d’un avion à Rodrigues servira à l’évacuation médicale de Momin, la fille de Hajee Bhay, souffrant de complications après un accouchement. L’ouvrage brille par ses détails qui rendent hommage à des héros du quotidien. Lors du lancement, l’auteur a souhaité qu’en faisant connaître ce pan de l’histoire, cela va attirer davantage de touristes dans l’île autonome.

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* Les recettes de la vente de ce livre seront reversées à une organisation charitable à Rodrigues.


Bougies à la graisse de baleine

Muslim presence in Rodrigues est dédié à Cassam Valimamode. Présent au lancement, Cassam Valimamode, 87 ans, a tenu l’assistance en haleine avec sa mémoire phénoménale. Il est remonté aux années 1939-45, en pleine Seconde Guerre mondiale, à Rodrigues. L’époque où «enn kabri sa oter-la ti vann enn roupi». Et le plus petit à 70 sous.

Il n’y a pas encore d’électricité. La population s’éclaire à la lampe à pétrole lampant et à la bougie. Comme les bateaux n’approvisionnent plus Rodrigues, les bougies manquent. Et le pétrole lampant est rationné. «La lampe à pétrole n’était utilisée que si une personne était malade. Tout le monde avait déjà dîné à 17 heures.»

Après le naufrage d’un baleinier dans les parages de Rodrigues, raconte Cassam Valimamode, «des pêcheurs ont ramassé des blocs de graisse de baleine flottant dans la mer. Me pa kone ki pou fer ar sa». L’un d’eux a vendu un bloc de graisse de baleine pour Rs 2 au père de Cassam Valimamode. «Ena enn koze ki dir dan Rodrig zot nouvel mars pli vit ki telefonn.» Le lendemain, au moins 20 personnes sont revenues pour vendre de la graisse de baleine à son père. «Il a racheté toute cette graisseet ilena fabriqué des bougies. Il en a fait des paquets de six et a approvisionné les boutiques. Les églises aussi en achetaient. Mon père leur donnait toujours un paquet de bougies en cadeau. Toute la graisse qu’il avait achetée a suffi pour tenir jusqu’à la fin de la guerre.»

Cassam Valimamode n’est pas homme avec la langue dans la poche. Après avoir souligné ce que l’ingéniosité de l’époque avait accompli, il s’est demandé pourquoi avec toutes les technologies existantes, «le limon de Rodrigues pourrit par tonnes sous les arbres. Personn pankor trouve kouma pou fer pou sov sa kitsoz-la. Li reprezant boukou larzan sa».