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Questions à ...Sanroy Seechurn

«La CSG a réduit les inégalités à Maurice»

3 novembre 2023, 21:03

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«La CSG a réduit les inégalités à Maurice»

Sanroy Seechurn, Directeur Maurice Stratégie

Maurice Stratégie, think tank indépendant du gouvernement, compte environ six mois d’existence. Parleznous de cette institution dont vous avez la charge ?

Depuis sa création, Maurice Stratégie s’est concentré sur le renforcement des capacités en matière de recherche et sur le développement de nouveaux partenariats avec des institutions locales et internationales. Nous avons développé de nouveaux outils économétriques et statistiques qui nous aideront davantage dans notre mandat, notamment un modèle macroéconomique avec l’United Nations Economic Commission for Africa (UNECA) pour les prévisions et un modèle de microsimulation interne. Ceci nous permet de modéliser les changements au niveau de plusieurs variables ayant un impact sur les ménages en matière d’inégalité et de pauvreté.

Ces outils nous ont permis d’entreprendre plusieurs travaux de recherche sur le marché du travail, la réforme fiscale, les cotisations sociales ainsi que sur la propriété intellectuelle. Ces études ont été soumises aux autorités afin de soutenir l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes. Notre travail porte déjà ses fruits. Les analyses du marché du travail et les réformes fiscales ont permis l’introduction de plusieurs mesures budgétaires, avec un impact certain à la fois sur la croissance et le développement.

Nous avons également rendu publiques nos estimations de croissance économique avec une analyse détaillée de l’impact des mesures spécifiques sur la création de la richesse nationale. Cet exercice s’avère utile dans la mesure où il guide non seulement les décideurs politiques mais aussi la communauté des affaires. Nous sommes confiants dans nos modèles. Pour 2023, la croissance économique sera supérieure à 7 %.

Dans une récente déclaration, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a indiqué qu’une récente étude menée par Maurice Stratégie révèle que les mesures prises par le gouvernement ces dernières années ont réduit les inégalités à Maurice. Quelles sont les principales conclusions de ce rapport?

Le Sustainable Development Goals Report 2022 des Nations unies a démontré que la pandémie a eu tendance à inverser les progrès réalisés en termes d’inégalités de revenus, intensifiant ainsi l’exclusion sociale dans les pays émergents et les pays en développement. Face à cette tendance, Maurice Stratégie s’est attelé à étudier l’impact de certaines mesures spécifiques, notamment sur la réduction des inégalités. Il en est sorti que les mesures mises en place par le gouvernement ont non seulement soutenu la reprise économique, mais aussi diminué les inégalités.

Dans le détail, les mesures évaluées par Maurice Stratégie concernent l’instauration du salaire minimum, aujourd’hui à plus de Rs 11 000, l’augmentation des pensions de base de Rs 3 643 en 2014 à Rs 11 000 aujourd’hui, la mise en place de la Contribution sociale généralisée (CSG) Retirement Allowance de Rs 1 000 par mois, les compléments de rémunération à travers les allocations de la CSG, par exemple l’apport additionnel de près de Rs 4 000 pour atteindre le Revenu minimum garanti à Rs 15 000 par mois, ou encore la CSG Child Allowance de Rs 2 000 par mois. Ces calculs prennent aussi en compte d’autres boucliers antipauvreté, tels que le SRM qui permet d’éliminer la pauvreté absolue. Le rapport de l’UNECA de décembre 2022 a d’ailleurs démontré que Maurice est le pays d’Afrique ayant réussi à éradiquer la pauvreté absolue avec le plus grand succès.

La CSG a porté ses fruits, dites-vous ?

Oui, c’est un fait établi. La CSG a réduit les inégalités à Maurice.

Qu’entendez-vous par un fait établi ? Maurice Stratégie en a-t-il la preuve ?

Oui, tout à fait. Le coefficient de Gini, mesurant les inégalités, est à 0,304 en 2022 contre 0,400 en 2017. C’est le signe que le progrès social est en marche à Maurice. Pour parvenir à ce calcul précis, un modèle de microsimulation, utilisant les micros données de l’Enquête sur le budget des ménages de 2017, a été construit. Ce qui nous a permis de déterminer le coefficient de Gini avant et après l’introduction des mesures par le gouvernement. L’évolution du coefficient de Gini a été utilisée pour démontrer le degré d’inégalité dans la répartition des revenus des ménages, 0 représentant une égalité complète et 1, une inégalité totale. Les résultats montrent un déplacement positif de la courbe de Lorenz, démontrant une réduction de la disparité des revenus des ménages avec un coefficient de Gini estimé à 0,304 en 2022 contre 0,400 en 2017.

En outre, l’étude a démontré que la part du revenu cumulé détenue par les 10 % les plus riches par rapport aux 10 % les plus pauvres a diminué, passant de 15,4 % en 2017 à 7,8 % en 2022. Dans l’ensemble, les effets ont été, sans équivoque, positifs, dans la mesure où l’approche ciblée a bénéficié aux personnes vulnérables plus que proportionnellement, favorisant ainsi une réduction des inégalités. Avec les mesures mises en place, le coefficient de Gini, calculé à 0,304 en 2022, place Maurice parmi les 35 pays ayant le niveau d’inégalité de revenu le plus faible, devançant des pays comme l’Estonie, la France ou encore l’Allemagne.

Quels sont donc les facteurs qui ont contribué à cette réduction du coefficient Gini ?

Depuis 2017, le gouvernement a mis en œuvre une série de réformes axées sur le renforcement de l’État-providence, en engageant des ressources substantielles pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, en particulier pour les groupes les plus vulnérables. Le but étant une amélioration de la qualité de vie des plus démunis, de lutter contre les retombées de la pandémie de Covid-19 sur la société et l’économie, et une atténuation de l’impact de la hausse des prix dans le sillage du conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Sur la base des mesures que nous avons analysées, les compensations salariales annuelles sont estimées comme la principale mesure ayant permis d’améliorer l’indice de Gini (39,9 %), suivie des allocations de la CSG (26,6 %), l’augmentation de la pension de retraite (16,9 %) et le salaire minimum (12,2 %). Les compensations salariales ont été substantielles ces dernières années, et le fait qu’elles soient forfaitaires plutôt qu’ad valorem a contribué à réduire l’écart. Les allocations de la CSG ont ciblé les catégories à faibles revenus et ont donc eu le même impact que les compensations salariales.

La CSG que vous avez à nouveau mentionnée a remplacé le «National Pension Fund» (NPF). Était-ce justifié ?

Une réforme du National Pension Fund était attendue depuis très longtemps. Car, non seulement le système n’était pas viable, mais il était surtout injuste. Les cotisations du NPF n’étaient qu’un complément à la Basic Retirement Pension (BRP), quiétait franchement insuffisant. Rappelez-vous que sous le NPF, une personne percevait moins de Rs 1 000 par mois à l’âge de la retraite. Même pour soutenir un si petit montant, il aurait fallu doubler le taux de cotisation, que ce soit pour l’employé et l’employeur. C’était devenu insoutenable. Donc oui.

Est-ce à dire que la CSG est un système soutenable à long terme ?

Oui, la CSG est soutenable. Il faut comprendre que les cotisations de la CSG sont transférées au Consolidated Fund. Un fonds qui servait déjà au paiement des aides sociales et de la BRF. Le Consolidated Fund ne peut pas être en faillite. C’est ce fonds qui recueille tous les revenus et s’acquitte de toutes les dépenses de l’État. Avec la croissance économique, l’augmentation des revenus de l’État et la diminution de la dette, les cotisations de la CSG augmenteront de manière organique. Cet aspect a été négligé dans certaines analyses ces derniers temps.


Bio express

Sanroy Seechurn holds an MSc in Economics; Development Economics from the University of Nottingham and a BSc (Hons) in Economics and Finance from the University of Mauritius, and is currently enrolled in an MPhil/PhD programme at the University of Mauritius. He is currently the Director of Maurice Stratégie, having previously headed the Strategic Planning Directorate of the Economic Development Board and worked in the Economic Analysis and Industry department of the Mauritius Chamber of Commerce and Industry