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La Déclaration de Delhi brasse large

12 septembre 2023, 11:17

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«Nous ne pouvons pas laisser les questions géopolitiques bloquer l’agenda des discussions du G20», a soutenu, dimanche, avec force le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, juste avant la clôture du sommet indien, qui a réuni les principaux acteurs de la gouvernance mondiale, à l’exception notable des présidents chinois et russe. Qualifiant de «réussi» le sommet, Lula a compris que les pays les plus riches, les pays émergents comme ceux du groupe BRICS et le continent africain n’ont plus aucun intérêt à ce que le G20 soit divisé. «Nous avons besoin de paix et de coopération au lieu de conflits.»

Raison pour laquelle ils ont été nombreux à clamer qu’il ne faut surtout pas «marginaliser» la Russie dans les pourparlers, dont ceux pour relancer l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes via la mer Noire.

Narendra Modi, à une année des élections générales, s’est offert un gros coup de pub et a réussi à faire adopter une déclaration commune, qui certes condamne le recours à la force à des fins de conquête territoriale, mais qui ne pointe pas directement du doigt l’invasion de l’Ukraine par Moscou.

En revanche, malgré le fait que le changement climatique est dans tous les discours, y compris dans celui de Pravind Jugnauth, les pays du G20 se sont montrés divisés sur l’avenir du pétrole. Même Macron l’aura reconnu : «C’est insuffisant.» Au-delà des mots, il y a tout lieu de fixer des objectifs plus ambitieux, notamment sur la sortie du pétrole. Que les pays du Golfe, présents massivement à Delhi, ont intérêt à retarder.

Après cet intense week-end de politique étrangère à Delhi, c’est aux diplomates et techniciens de prendre le relais sur tous les dossiers. En géopolitique, il n’y a point de clôture, il n’y a pas de point final. La presse indienne relate que les équipes de diplomates ont tenu plus de 300 réunions bilatérales et circulé 15 brouillons avec leurs homologues pour parvenir à un consensus sur la déclaration finale, afin de ne froisser aucune susceptibilité. Ce qui a dilué nombre de prises de position sur plus de 100 points à l’ordre du jour. «Unis dans le consensus et l’esprit, nous nous engageons à travailler de manière collaborative pour un avenir meilleur, plus prospère et harmonieux. Ma gratitude à tous les membres du G20 pour leur soutien et leur coopération», a déclaré Narendra Modi après l’adoption de la déclaration de 34 pages.

Selon les diplomates indiens, l’importance de la Déclaration de New Delhi dépasse de loin le fait d’amener les côtés opposés à s’entendre sur une formulation de compromis sur l’Ukraine ; elle témoigne de la croissance de l’influence géopolitique de l’Inde.

Dans son ouvrage, The India Way, Strategies for an Uncertain World, le ministre des Affaires étrangères, le Dr Subrahmanyam Jaishankar, clarifie le contexte : «C’est le moment pour nous d’engager l’Amérique, de gérer la Chine, de cultiver l’Europe, de rassurer la Russie, d’impliquer le Japon, d’attirer les voisins, d’élargir le voisinage, et d’élargir les groupes traditionnels de soutien.» Sur chacun de ces fronts, l’Inde veut atteindre son objectif.

Point important : l’Inde s’est dit redevable aux ÉtatsUnis pour la «flexibilité» de Washington, D.C., par rapport au texte final de la Déclaration de Delhi. Joe Biden a sans doute donné son accord pour supprimer une référence spécifique à l’agression de la Russie dans le contexte des résolutions de l’ONU (de plus en plus affaiblie), et a permis une formulation plus générique et plus large. En revanche, Biden a demandé à Modi de faire un effort particulier sur deux plans : celui des droits humains et celui de la liberté de la presse !