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Contestation constitutionnelle
La lutte du DPP pour l’indépendance de l’autorité des poursuites
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Contestation constitutionnelle
La lutte du DPP pour l’indépendance de l’autorité des poursuites
Me Rashid Ahmine a déposé sa plainte en Cour suprême hier.
• «A fundamental fabric to our democratic state under section 1 of the Constitution is that the administration of criminal justice, including the power and process of prosecution, be isolated from the sphere of political influence», dit Me Rashid Ahmine.
Le Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Rashid Ahmine, a engagé une nouvelle bataille judiciaire en contestant la constitutionnalité de la Financial Crimes Commission (FCC) devant la Cour suprême. Dans sa plainte, le DPP souligne que la Constitution de 1968 confère à l’autorité de poursuite suprême des pouvoirs indépendants en matière de poursuites pénales, les maintenant à l’abri de toute influence politique. Cependant, la mise en place de la FCC, selon le DPP, vise à usurper ces pouvoirs constitutionnels en matière de poursuites pénales, ce qui contrevient aux principes fondamentaux de la démocratie. La plainte du DPP remet en question la légalité et l’équité du processus pénal, soulignant l’importance de maintenir l’indépendance de l’autorité de poursuite dans le système judiciaire. Il demande à la cour de déclarer que la FCC contrevient aux articles 1 et 72 de la Constitution, et est donc nulle et non avenue, étant adoptée par une majorité simple, et à l’article 47(3) de la Constitution.
Dans sa plainte, le DPP revient sur les pouvoirs que lui confère la Constitution en 1964 en tant qu’autorité de poursuite suprême. En septembre 1965, souligne le DPP dans sa plainte, lors de la Conférence constitutionnelle de Maurice à Lancaster House, il a été convenu que le DPP aurait des pouvoirs indépendants en matière de poursuites pénales, correspondant à ceux prévus dans la Constitution existante. Cette disposition, mise en œuvre dans la Constitution de 1968, est toujours en vigueur à Maurice. Le DPP est nommé par la Judicial and Legal Service Commission et bénéficie d’une sécurité de «tenure» similaire à celle d’un juge de la Cour suprême. Ses pouvoirs en matière de poursuites pénales incluent l’institution et la poursuite des procédures, la reprise de procédures existantes et la cessation des procédures à tout moment avant le jugement. En 1998, le rapport de la «commission présidentielle chargée d’examiner et de rendre compte de la structure et du fonctionnement du système judiciaire et des professions juridiques de Maurice» (connu sous le nom de Rapport Mackay) avait souligné l’importance de l’indépendance du DPP pour le bon fonctionnement de l’État. «The Plaintiff thus avers that a fundamental fabric to our democratic state under section 1 of the Constitution is that the administration of criminal justice, including the power and process of prosecution, be isolated from the sphere of political influence», fait-il ressortir dans la plainte.
Le DPP souligne que le mémoire explicatif du projet de loi sur la FCC exprime clairement l’intention que la commission soit «l’agence principale à Maurice pour détecter, enquêter et poursuivre les crimes financiers et toute autre infraction connexe». L’article 4(3) de la loi stipule que : «La commission, dans l’exercice de ses fonctions et de ses pouvoirs, ne sera soumise à la direction ou au contrôle d’aucune personne ou autorité.» Le DPP affirme que la loi, dans son ensemble, mais aussi spécifiquement par l’opération de son article 4(3), vise à le remplacer en tant qu’autorité de poursuite suprême en ce qui concerne des infractions spécifiques, et ce faisant, contrevient aux articles 1 et 72 de la Constitution, ainsi qu’à l’établissement du DPP en tant que composante fondamentale de l’État démocratique mauricien. L’article 6(2)(b) de la loi stipule que la commission doit «coopérer, collaborer et établir des liens avec des institutions, agences, organisations ou organismes locaux, régionaux et internationaux en vue de favoriser la coopération locale, régionale et internationale dans la lutte contre les crimes financiers». Cependant, observe le DPP, la loi est muette quant à l’ampleur de la coopération, de la collaboration ou du lien que la commission devrait entretenir avec lui dans l’exercice de ses fonctions judiciaires légales. «The Plaintiff thus avers that in the light of the powers and role of the Prime Minister in the appointment of the Director General and the Commissioners, regarding the terms and conditions on which they are appointed, the Commission, the power and process of prosecution, in particular the power to prosecute or not, are rendered liable to political influence or considerations, in contravention of section 1 of the Constitution», dit le DPP.
Instituer des poursuites pénales
Le DPP estime que le directeur de la FCC aura le pouvoir de mener des enquêtes et ne sera pas tenu de soumettre les dossiers d’enquête au bureau du DPP si la commission décide de ne pas donner suite à une enquête. Selon les sections 58(8) et 142(1)(a) de la loi, lorsqu’il est constaté que la commission a engagé des poursuites pénales, rien ne doit empêcher le plaignant, à tout moment, de reprendre, continuer ou mettre fin à de telles poursuites pénales, et ce, en vertu des articles 72(3)(b) et (c) de la Constitution et des articles 142(1)(b) et (c) de la loi qui sont les pouvoirs exclusifs du DPP. Or, insiste Me Ahmine dans sa plainte, afin de donner effet aux articles 72(3)(b) et (c) de la Constitution et aux articles 142(1)(b) et (c) de la loi, il doit avoir accès au dossier complet, s’il le demande, alors que rien dans la loi n’oblige ou ne contraint la commission à lui communiquer le dossier complet, rendant ainsi inutile l’exercice de ses pouvoirs constitutionnels en vertu de l’article 72(3)(b) et (c).
Ainsi, contrairement à la commission, l’Independent Commission against Corruption était, en vertu de l’article 46(7) de la Prevention of Corruption Act (PoCA), soumise à une obligation légale de soumettre un rapport complet au DPP, qui détenait la décision finale à la suite du résultat de l’enquête et de l’engagement des poursuites pénales. L’exercice du pouvoir constitutionnel du DPP d’engager des poursuites pénales n’était ainsi en aucun cas affecté. Au contraire, il était expressément reconnu et préservé. La loi sur la FCC, cependant, n’a aucune disposition équivalente à article 47(6) de la PoCA. «The prosecution of offences under the Act are too serious to be entrusted to the Commission – led by political nominees – without consulting the DPP», dit Me Ahmine.
Le pouvoir de mettre fin aux enquêtes
Le DPP affirme donc que le pouvoir de la commission d’interrompre une enquête équivaut à une «No Further Action» – une décision finale de ne pas engager de poursuites pénales. Chaque fois que la commission décide d’interrompre une enquête, soit en vertu de l’article 57(3)(b) soit en vertu de l’article 58(8)(b) de la loi, cela entraînera les scénarios suivants : le DPP serait, à son insu, privé de la possibilité d’exercer son pouvoir d’engager des poursuites pénales en vertu de l’article 72(3)(a) de la Constitution ; il sera informé après coup et il ne pourra pas exercer son pouvoir d’engager des poursuites pénales contre le présumé coupable. «Le pouvoir constitutionnel du DPP en vertu de l’article 72(3)(a) de la Constitution devrait primer sur le pouvoir ordinaire de la commission en vertu de l’article 142(1)(a) de la loi, car le DPP a un pouvoir de supervision global – d’autant plus que son bureau est l’autorité de poursuite principale, et est institutionnellement à l’abri de la responsabilité et du contrôle politiques, garantissant ainsi son autonomie et son indépendance», dit le DPP.
Cumuler les infractions
Me Rashid Ahmine affirme que la décision de la commission de cumuler les infractions en vertu de l’article 150 de la loi est drastique car une fois qu’un accord de cumul a été conclu entre la commission et un présumé délinquant, le processus pénal prend fin brusquement, ce qui signifie qu’il ne peut y avoir aucune poursuite contre cette personne et, par conséquent, aucun recours ultérieur par le DPP. Ceci est dû au fait que l’accord de cumul des infractions est définitif et concluant. Ceci, souligne le DPP, le prive totalement de sa fonction essentielle de poursuite, en particulier de son pouvoir exclusif de mettre fin aux procédures conformément à l’article 72(3) (c) de la Constitution, et sert de plaidoyer à la barre en faveur du présumé délinquant et interdit l’engagement de toute procédure pénale contre lui. «The institution of a process under the control of a politically appointed Commission and its Director General which is capable of ousting the Plaintiff’s right to prosecute or discontinue cases of corruption (including by politicians) where ‘he considers it desirable to do so’ is undemocratic and inconsistent with the scheme of the Constitution as a whole.»
Le DPP soutient que l’effet combiné des sous-sections contestées affecte ses intérêts en vertu des articles 72(3)(a), 72(3)(b) et 72(3)(c) de la Constitution, de manière générale, en déformant le processus pénal prévu par la Constitution. Rashid Ahmine argue que le processus pénal est intrinsèquement lié et ne peut être aisément altéré. Il soutient que sa capacité à reprendre, poursuivre ou mettre fin aux poursuites pénales ne peut être restreinte de manière incohérente. La méconnaissance de ses prérogatives concernant l’arrêt des enquêtes ou la transaction d’infractions par la commission entrave son pouvoir d’agir selon l’article 72(3)(a) de la Constitution, compromettant ainsi l’équilibre du processus judiciaire.
De plus, il estime que le priver de son pouvoir constitutionnel dès le début du processus pénal va à l’encontre de l’esprit de la Constitution, qui vise à garantir un système judiciaire équilibré et transparent. «The founding fathers of our Constitution did not intend for the Plaintiff to be deprived of his overall constitutional control of the criminal process ab initio, under subsections (a) to (c), by allowing the legislator to blindly entrust the Commission with a parallel power under an ordinary enactment, whose effect is to supersede the Plaintiff’s inalienable constitutional power», conclut Me Ahmine. Le DPP est représenté par les Senior Counsels Mes Sanjay Bhuckory et Narghis Bundhun, par Mes Sanjana Bhuckory, Amira Peeroo et Vimalen Reddi, et par l’avoué Vijay Dwarka.
DPP v The State by L'express Maurice on Scribd
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