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La perception et l’immobilisme

26 août 2024, 11:00

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Ces temps-ci, quasiment tout le monde se transforme en analyste politique, agent des services de renseignement, journaliste-commentateur, pronostiqueur, devin, conseiller en com’ ! Les détracteurs, eux, restent embusqués dans leur ombre malfaisante. Dans la rue, on nous interroge souvent : alors, qui va gagner les élections et quand auront-elles lieu ? Je tends à répondre : «C’est serré, on peut difficilement prédire, tout peut arriver.» Mais, insatisfaits de cette réponse, l’on revient assez vite à la charge, certains même avec des projections détaillées, des explications simples, des scénarios tout faits, sortis la plupart du temps du studio de leur imagination.

Pourtant, il y a la perception et la réalité – surtout la réalité de cette masse silencieuse (elle-même un bloc qui n’est pas du tout monolithique), celle qui ne se rend pas aux meetings, congrès, réunions, celle qui n’interpelle pas dans la rue ou qui n’anime pas des conférences dans des tabagies, autobus ou salons de coiffure.

La perception et la réalité peuvent, parfois, se rejoindre mais, à la base, elles ne reposent pas sur la même chose. La première est fondée sur ce que l’on voit (souvent en surface, de manière superficielle), ce que l’on entend (souvent de la part de ceux qui crient dans chaque micro) et ce que l’on croit savoir (via l’anecdotique, au hasard de nos rencontres et lectures). La réalité, elle, est considérée comme un critère de vérité (et l’on sait qu’il n’existe pas une, mais plusieurs vérités qui s’opposent). La réalité repose sur des faits concrets, peut-être pas exacts, mais mesurables, tangibles et vérifiables ; c’est, en somme, l’adéquation de la pensée et des faits ou chiffres. On le dit souvent, en puisant dans nos notes universitaires, les chercheurs en sciences sociales font souvent ressortir que «la vérité est une approximation, par ‘rectifications’ successives, d’une réalité qui se construit progressivement».

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Après avoir subi toutes sortes de défis, dont la pandémie, il est grand temps que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, replace l’économie au centre de nos préoccupations. Certains vont jusqu’à dire que la présente joute électorale est aussi capitale que le scrutin-référendum pour l’Indépendance du pays ! La transition achevée, la cohérence, elle, sera tributaire de trois éléments : le pouvoir politique en place, l’opposition en face, et l’opinion publique, un peu partout. La classe politique actuelle est dépassée et assez coupée de la jeunesse qui ne se retrouve pas dans les grilles ethniques des partis mainstream. L’opposition sortira de la guerre totalement épuisée, exténuée et peut-être démembrée. Mais l’opinion publique, elle, aura toujours ce devoir d’empêcher que l’immobilisme, ou pire, s’installe.

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À voir le ton de la campagne, l’accumulation de coups bas, la bassesse des arguments, les élections alimenteront certainement une volonté permanente de revanche et laissera, dans les rapports personnels entre nos chefs, des cicatrices qui pourraient rester ouvertes. Tout ceci pourrait compromettre l’espoir d’un retour rapide à une certaine normalité démocratique.

Nous sommes assez nombreux à reconnaître qu’aucun parti politique ne peut espérer gouverner une société aussi complexe que la nôtre en disposant de seulement 30 à 35 % de soutien populaire, soit avec 60 à 70 % du pays contre lui.

Face à l’accumulation des défis économiques internationaux et locaux qui nous guettent, face au besoin de rassembler la nation après cette élection dure et haineuse, il nous faudra en 2025 un gouvernement déterminé, libéré de ses démêlés salariaux, avec des priorités bien définies, capable de prendre des décisions courageuses et non un gouvernement timoré et lâche, regardant constamment au-dessus de son épaule, vulnérable aux chantages et soumis à la vénalité des transfuges potentiels.

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À l’express, nous promouvons un vote citoyen intelligent, avec la tête (la raison), pas avec le coeur (l’émotion, la passion). Un vote doit être influencé par les programmes des partis, les idées des candidats, les initiatives concrètes, mesurables et tangibles pour le bien commun de la société.

Alors que les partis traditionnels s’affrontent sur le terrain et sur la Toile, on note l’émergence de nouveaux partis qui n’arrivent pas à s’unir au-delà de ce qu’a réussi Linion Moris. Face à ce paysage politique divisé, morcelé, la demande pour de nouvelles têtes, idées et pratiques ne peut qu’être forte.

Une offre politique moins contraignante et une sève nouvelle de politiciens ne peuvent qu’être à l’avantage des électeurs mauriciens. Ces nouvelles voix promettent toutes de faire la politique autrement, même si certaines ressemblent étrangement à celles qu’elles veulent remplacer. Bientôt l’on saura si ces nouveaux acteurs susciteront ou pas l’adhésion des indécis.

Enfin, Maurice, à l’image de l’électeur, a changé : la presse «créole» qu’on vilipendait hier dans les villages, a changé de visage et est devenue plus métissée et colorée, comme la société plurielle qu’on emprisonne dans quatre cellules constitutionnelles. Ceux qui veulent maintenir un regard manichéen dans un monde où les tons sont multiples et denses ratent, en fait, les nuances de la vie et celles du pays…