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Assassinat de Shana

La Réunion encore sous le choc

30 septembre 2023, 20:30

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La Réunion encore sous le choc

Shana

Plus d’une semaine s’est écoulée depuis la découverte macabre à Saint-Pierre, La Réunion, mais l’impact de cet événement continue de se faire ressentir à travers l’île. Shana, une adolescente de 16 ans, a été tragiquement tuée le 16 septembre par deux mineurs. Son corps a été retrouvé le 20 septembre dans l’ancienne usine de Pierrefonds, et dès le lendemain, le 21 septembre, les autorités ont placé en garde à vue les deux mineurs, âgés de 14 et 16 ans, qui ont avoué être les auteurs du crime.

Shana, décrite comme une «jeune fille réservée et solitaire» , avait disparu depuis le 16 septembre, date à laquelle elle avait quitté le domicile de son père à Saint-Denis pour se rendre chez une amie qu’elle avait rencontrée sur les réseaux sociaux. Son père avait signalé sa disparition, déclenchant ainsi des recherches. Les enquêteurs ont découvert que Shana avait été en contact avec une autre adolescente via Instagram une semaine avant sa disparition, et ils ont identifié un ami de cette dernière. Ils auraient tendu un piège à Shana.

Les deux mineurs, interpellés le 20 septembre au commissariat de Saint-Pierre, ont été placés en garde à vue. L’adolescente a été mise en détention provisoire et mise en examen pour assassinat suite à sa présentation devant le parquet de Saint-Pierre. Son complice présumé était hospitalisé.

Dans le but de «voir ce que ça faisait»

Lors de leurs interrogatoires, les deux jeunes, qui n’ont pas de précédents judiciaires, ont avoué avec une étonnante facilité avoir tué la jeune fille. Ils ont conduit les policiers jusqu’à un site industriel abandonné où le corps de Shana a été découvert, le crâne grièvement enfoncé, probablement à coups de pierre. Ils ont déclaré avoir organisé le rendez-vous dans le but précis de «voir ce que ça faisait».

Une cagnotte lancée

En réaction à cette tragédie, la famille et les amis de Shana ont lancé une cagnotte pour lui offrir une «dernière demeure à son image». Toujours profondément affectés par ce drame, les proches souhaitent lui offrir une pierre tombale qui reflète sa personnalité «rayonnante». Elle a été inhumée samedi dernier à Grand-Bois.

Ses proches décrivent ainsi leur démarche : «Les proches, les voisins de Shana ont été, comme tous les Réunionnais, bouleversés par son assassinat. Son père, Mikaël, souhaite une dernière demeure pour sa fille, à son image. Shana était rayonnante.» Une cagnotte a été mise en place pour soutenir cette initiative.

Questions à Philippe Caporossi, brigadier-chef: Comment faire face aux dangers des réseaux sociaux chez les jeunes?

La semaine dernière, un meurtre effroyable a secoué La Réunion, plongeant l’île dans l’horreur. Deux mineurs âgés de 14 et 16 ans ont avoué avoir assassiné Shana, une jeune fille de 16 ans, «pour voir ce que ça faisait», après l’avoir attirée via Instagram. Comment faire face aux dangers d’Internet ? Comment protéger les jeunes des réseaux sociaux ? Une brigade de police spécialisée dans la cybercriminalité existe à Malartic. Interview avec le brigadier-chef Philippe Caporossi.

Vous constatez une digitalisation de la société à La Réunion comme en France. Avez-vous des chiffres chez les jeunes?

Selon des études, les jeunes de 7-10 ans passent environ 4h40 sur les écrans, et les 11-14 ans, plus de 8 heures par jour. Les réseaux sociaux occupent 2 h 30 de leur temps d’écran. C’est comme les films interdits au moins de 12 ans, il faut préserver nos jeunes d’une accessibilité à des contenus qui les dépassent. Les jeunes ne se rendent pas compte de ce qu’ils regardent.

Quelles sont les conséquences de cette digitalisation de la société sur le comportement des adolescents?

Sur les réseaux sociaux, il y a la perte du sens de la réalité et de l’intensité de ce que l’on regarde. En passant beaucoup de temps sur les réseaux, les jeunes regardent des contenus de plus en plus offensants, agressifs, sexuellement de plus en plus poussés, de plus en plus proches de la mort avec une perte d’empathie. Ils vont chercher de plus en plus loin quelque chose qui les fait vibrer ; c’est le cerveau qui fonctionne ainsi. Plus ils vont loin, plus ils regardent des choses horribles et plus ils s’y habituent.

Cette accessibilité à des contenus, parfois extrêmes, peut amener les enfants à avoir une perte de lien avec la réalité, une perte de lien avec la représentation de la beauté. L’idéal féminin ou l’idéal masculin sont omniprésents ; ils peuvent provoquer des frustrations et développer des dépressions. La richesse de leur langage diminue ; il y a une perte de sommeil, une perte de lien avec la réalité et tout cela augmentent les phénomènes d’agressivité. De plus, dans les films, séries et jeux vidéo, il y a sur les écrans une banalisation de la violence. Une fois cette habitude installée, il est difficile de revenir en arrière.

Comment protéger les jeunes qui passent autant de temps sur les écrans?

Il faut être vigilant. Sur les réseaux sociaux, les jeunes ne sont pas accompagnés. Derrière leur écran, ils sont seuls face à l’immensité d’Internet et ils peuvent y faire de bonnes ou de mauvaises rencontres. S’ils ne sont pas accompagnés, ils n’ont pas les codes et règlements qu’ils ont dans la vie courante. L’enfant fait alors de bonnes et de mauvaises rencontres, avec des personnes parfois mal intentionnées. Pour un jeune, avoir des followers, des contacts, rencontrer des gens sur Internet, c’est naturel. Alors que dans la rue, il ne parlerait pas à quelqu’un qu’il ne connaît pas.

Que provoque cette «fausse intimité» qui se crée derrière un écran ?

Les jeunes sont derrière un écran, y passe du temps ; une fenêtre s’ouvre sur un monde. Ils ont l’impression d’être cachés en étant chez eux dans leur cocon. Ils ont le sentiment d’une intimité cachée, mais Internet a un regard sur vous autant que vous vous avez de regard sur Internet.

Quel message voulez-vous faire passer aux parents qui s’inquiètent des dangers des réseaux sociaux sur leurs enfants?

J’invite les parents à ne pas laisser le terrain des nouvelles technologies entre les mains des enfants. On remarque que les enfants partagent facilement leur intimité. Il faut leur expliquer que leur intimité d’aujourd’hui ne sera pas forcément celle de demain. Une photo qu’on envoie à quelqu’un de proche peut se retourner contre vous demain ; donc préservez-vous, montrez que ce que vous voulez vraiment montrer. Préserver son intimité est la base de tout, mais les jeunes n’ont pas la même notion de l’intimité que nous. Les enfants sont capables d’ouvrir leur intimité avec photos et vidéos pour avoir plus de followers.

Votre service lutte contre la cybercriminalité. Quelles sont les infractions que vous traquez?

La cybercriminalité regroupe tout ce que l’on peut constater dans le champ infractionnel dans les domaines d’Internet et des nouvelles technologies. On constate qu’il y a une transposition de toutes les infractions classiques du monde réel dans le monde d’Internet : le harcèlement, les violences verbales, les diffamations… Notre unité est nouvelle ; elle est en place depuis un an et chaque jour notre activité augmente. On fait une veille stricte ; on surveille les réseaux de téléchargement, et c’est ainsi que l’on détecte des contenus.

Quel est le phénomène le plus présent en cybercriminalité à La Réunion?

Le service travaille sur des phénomènes de piratage, d’escroquerie, de harcèlement, de violence, ou encore de discrimination. À La Réunion, la pédopornographie est très présente. Le service assure la sécurité et fait aussi de l’assistance dans des enquêtes pour faire parler des éléments et les mettre à disposition des enquêteurs.

Source: Réunion La 1ère