Publicité
Infections sexuellement transmissibles
La syphilis, un frein au don de sang
Par
Partager cet article
Infections sexuellement transmissibles
La syphilis, un frein au don de sang
La recrudescence de la syphilis pose problème à plusieurs niveaux. Selon les Health Statistics de 2022, il y a eu 370 nouvelles infections d’enregistrées. Cependant, les laboratoires publics ont détecté 3 380 cas. Cette différence vient des analyses réalisées sur les dons de sang, ce qui pose problème à la Banque de sang.
En 2022, il y avait 370 cas de syphilis officiellement enregistrés à Maurice. Les détails démontrent que ces infetions affectaient 228 femmes et 142 hommes. Chez les femmes, c’est la tranche d’âge des 20 à 29 ans, qui est la plus touchée avec 126 cas alors que chez les hommes, ce sont les 30 à 39 ans qui en sont affectés avec 40 cas. Le plus étonnant est que dans 20 cas, l’infection se situe chez les enfants de moins d’un an. Quant à la distribution, le district le plus touché est Port-Louis avec 75 cas, suivi de Pamplemousses avec 67 cas et des Plaines-Wilhems avec 54 cas.
Quant aux populations à risques, les chiffres publics datent. Selon le plan d’action pour 2023 – 2027, mis en place par le ministère de la Santé pour réduire les Infections Sexuellement Transmissibles (IST), les groupes les plus touchés sont les travailleuses du sexe, avec un taux de prévalence de 15,8 % en 2020. Dix ans auparavant, ce taux était de 5,1%, ce qui représente une augmentation de 210 % en une décennie. Chez les utilisateurs de drogue, le taux de prévalence de la syphilis était de 19,2 % en 2020. En 2015, au sein de la population transgenre, ce taux était de 47 % en 2017 et de 14,1 % chez les homosexuels.
Pintes perdues
Cependant, la prévalence est nettement plus élevée. Le rapport souligne que sur les 85 724 analyses de sang réalisées et dont la majorité provient des dons de sang reçus à la Banque de Sang, 3 380 cas positifs de syphilis ont été détectés, soit un taux de 3,94 %. L’année dernière, ce taux était supérieur mais moins de tests avaient été réalisés. En effet, sur les 79 334 dons de sang analysés en 2022, il y avait 4.42 % de positivité à la syphilis, soit 3 509 cas. L’évolution, depuis 2012, est démontrée dans le tableau ci-dessus.
Selon Dewanand Hossen, le président président de la Blood Donors’ Association (BDA), les pintes testées positives à la syphilis sont autant de pintes qui ne seront pas utilisées, ce qui peut poser problème lorsque la Banque de Sang est à court de sang. Il affirme que les cas de syphilis sont en hausse. «Les analyses réalisées en laboratoire sont très pointues. Il n’y a aucune pinte qui échappe au dépistage» tient-il à préciser.
Lorsqu’une personne est détectée positive à la syphilis, elle est contactée par le ministère de la Santé et elle est prise en charge par ledit ministère. «Elle est redirigée vers les services pertinents pour des soins. Cependant, nous avons noté qu’il y a des personnes qui viennent toujours donner leur sang, même après avoir appris qu’elles étaient infectées. Donc, la même personne peut être comptabilisée deux fois» , précise le président de la BDA.
De plus, lorsqu’une personne est guérie de la syphilis, son test rapide sera toujours positif. «La raison est que ces tests rapides donnent une idée des anticorps présents. Après une infection, les anticorps restent. Pour savoir si c’est une infection passée, il faut effectuer une analyse sanguine en laboratoire. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’on pourra déterminer, selon d’autres indicateurs, si l’infection est récente ou traitée» , avance le Dr Selvina Uppiah, médecin généraliste chez Prévention, Information et Lutte contre le Sida. Si la personne est guérie, dit-elle, elle peut donner son sang à nouveau sans que cela pose problème. Le Dr Uppiah précise que tout don de sang est préalablement analysé en laboratoire.
La question qui se pose est la suivante : les 3 380 personnes testées positives à la syphilis en 2022 comprennent-elles des personnes guéries mais qui ont toujours des anticorps dans leur sang ou cela ne concerne que des personnes nouvellement infectées ? Et le sang des personnes guéries mais qui porte toujours des traces d’anticorps peut-il être utilisé ou pas ? Nous avons posé ces questions au ministère de la Santé et les réponses sont attendues.
L’évolution de la syphilis dans les tests de sang depuis 2012.
Soins en baisse
Selon le plan d’action pour 2023-2027, mis en place par le ministère de la Santé pour réduire les IST, le nombre de personnes qui se font traiter est en baisse. En 2018, 349 hommes et 208 femmes souffrant d’IST s’étaient fait soigner à l’hôpital. En 2019, le chiffre était de 329 hommes et 238 femmes. Mais en 2021, il n’y avait que 237 hommes et 260 femmes infectés à aller chercher des soins. L’explication reçue de quelques patients est que le temps d’attente, que ce soit pour obtenir une nouvelle confirmation des résultats d’analyse que pour obtenir un rendez-vous pour le traitement, est trop long.
Qu’est-ce qui explique la hausse des cas de syphilis ? Plusieurs raisons sont évoquées. Tout d’abord, il y a un manque de connaissance des IST et Maladies Sexuellement Transmissibles, surtout parmi la jeune génération. Cela est dû à un manque de sensibilisation et d’éducation sexuelle. L’avènement des sites de rencontres et une vie sexuelle plus libérée serait aussi un cocktail propice à la hausse de la syphilis. «Il ne faut pas croire que la hausse des cas est limitée à une certaine population en particulier. L’infection à la syphilis se trouve dans toutes les couches sociales» précise la Dr Uppiah.
Les solutions qui tardent
Qu’est-ce qui est fait pour réduire le taux de transmission de la syphilis ? L’un des buts du plan d’action 2023-2027 est de réduire l’impact psycho-socioéconomique des IST à Maurice et de «maintain zero occurrence of congenital syphilis». Mais ce but est loin d’être atteint.
Selon les chiffres disponibles, il est clair que le nombre de tests réalisés est en hausse, ce qui donne une idée plus claire de la situation. Cependant, l’accès aux soins reste très compliqué, même s’il figure dans le plan d’action. «Même si nous allons dans un laboratoire privé, si le résultat est positif, l’échantillon sanguin doit être malgré tout envoyé au laboratoire central. Cela prend deux à trois semaines pour avoir une nouvelle confirmation» , explique un patient dans la trentaine. Ce qui occasionne une attente angoissante car la personne sait déjà qu’elle est positive. À la réception du résultat, elle doit alors se tourner vers le service dermatologique de l’hôpital pour des soins. Et là, une fois de plus, le temps pour obtenir un rendez-vous oscille entre deux semaines à un mois. «Donc, pour une personne qui se sait infectée, il peut s’écouler plus d’un mois avant qu’elle n’obtienne de rendez-vous pour obtenir son traitement. En attendant, elle reste sans soin. Qui peut gérer un tel stress ?» La solution est souvent le recours aux dermatologues du privé. Mais comme le traitement est souvent long, plusieurs personnes l’arrêtent en cours de route.
Le plan d’action prévoit aussi un travail de communication avec les populations clés, la population en général, y compris les travailleurs étrangers. Il est aussi prévu que des campagnes de sensibilisation et d’éducation aient lieu dans les écoles et auprès des jeunes. Mais jusqu’à présent, peu de ces mesures ont été réalisées. Par exemple, on n’a pas encore vu de campagne de sensibilisation «using traditional and innovative platforms for out of school youth» et encore moins de «comprehensive sexual health education (formal and informal)» dans les écoles. Il n’y a pas eu d’intégration de «STI awareness component in existing health promotion programmes» dans les collèges.
D’autres projets, comme l’accès aux préservatifs masculins et féminins dans tous les établissements de santé et autres «non traditional outlets» n’ont pas encore été réalisés. Le Dr Uppiah avance cependant que la meilleure façon de se protéger est d’avoir un(e) seul(e) partenaire et d’utiliser systématiquement des préservatifs masculins et féminins en cas de partenaires multiples.
Les symptômes
«C’est une infection. Si elle est traitée, il n’y a pas de complications», avance la Dr Uppiah. Cependant, si elle n’est pas traitée, elle peut passer au stade secondaire et tertiaire et devenir plus grave. «Mais il faut garder en tête que si la personne a d’autres problèmes de santé comme le diabète ou des problèmes cardiaques, l’infection peut entraîner d’autres complications». Chez la femme, la syphilis est quasiment asymptomatique. Chez les hommes, elle se manifeste par des écoulements, des brûlures, des démangeaisons, des saignements, des problèmes de peau ou encore, des douleurs abdominales. «Souvent, c’est à l’apparition des symptômes que les personnes vont se faire tester. C’est la raison pour laquelle les femmes sont plus détectées lors des prises de sang, vu qu’elles ne présentent pas de symptômes et par conséquent, elles ne savent pas qu’elles sont infectées. C’est la raison pour laquelle il est vivement recommandé de se faire dépister souvent». Le traitement est la prise d’antibiotiques par voie orale ou par injection.
Publicité
Les plus récents