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Dépendance

La vente de cigarettes, une source de revenu permanente pour l’État

13 septembre 2023, 20:00

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La vente de cigarettes, une source de revenu permanente pour l’État

● Contribution de la cigarette au budget de l’État : une moyenne de 5,6 % par an.

● Entre 2017 et 2022, le pays a importé pour plus de 6,2 Mds de cigarettes.

Est-il possible pour une bouche de manger et de parler en même temps ? Impossible. Pourtant, c’est ce que les produits à base de tabac sont en mesure de faire du point de vue de la conception du Budget. S’il est vrai que les produits à base de tabac, tout particulièrement la cigarette, peuvent être à la racine de bien des problèmes de santé, ces mêmes produits rapportent de l’argent dans les caisses de l’État. Ainsi, la vente de ces produits rapporte de l’argent non seulement à ceux qui sont engagés dans leur commercialisation, mais aussi à ceux qui sont chargés de collecter les impôts qui vont permettre de remplir les caisses de l’État pour l’aider à financer les dépenses inscrites dans le cadre de ses obligations budgétaires.

Premier constat de cette dépendance à la cigarette pour remplir les caisses de l’État, les documents du ministère des Finances. Pour l’exercice 2021-2022, la consommation des produits à base de ta- bac a rapporté Rs 6,3 milliards à l’État. Dans un premier temps, les estimations pour l’exercice 2022-2023 se sont élevées à Rs 7,2 Mds, soit une hausse de Rs 859,4 millions (13,5 %). Au final, les prévisions ont été fixées à Rs 7,3 Mds, soit une hausse de Rs 93 millions (1,3%) par rapport aux prévisions. En conséquence, la hausse entre l’exercice 2021-2022 et celui de 2022-2023 est de 15 %, soit une somme de Rs 952 millions.

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La contribution de l’impôt sur les produits à base de tabac, dont principalement la cigarette, aux revenus de l’État oscille entre 5,2 % et 5,9 %.

Une autre source d’information qui permet de jeter plus d’éclairage sur l’évolution des produits à base de tabac est un rapport, pas trop récent d’ailleurs, du Global Health Research and Policy pour la période de 2010 à 2016,sur les effets des impôts sur des produits à base de tabac et le prix par rapport à la moyenne de prévalence du tabagisme sur le continent africain. Selon ces données, Maurice est le pays où le taux d’imposition par rapport à la prévalence du tabagisme était le plus élevé. Toujours selon ce rapport, ce taux était de 72,1 %. Maurice est suivi par les Seychelles (71,5 %) et le Botswana (52,5 %). Au bas du tableau, le Bénin avec un taux d’imposition de 8,9 %. En termes de prévalence du tabagisme, avec une performance de 22,2 % et de 22,1 %, les Seychelles et Maurice étaient au coude à coude. Au bas du tableau, le Ghana avec une performance de seulement de 4,1 %.

Venons-en au prix que payait le consommateur de tabac selon le système de parité de pouvoir d’achat, qui n’est autre qu’un taux de conversion monétaire qui permet de manifester les pouvoirs d’achat de différents types de devises dans une unité commune. Dans ce domaine, le dollar américain fait figure de préférence. Sur une liste de 24 pays, Maurice, le Botswana et la Namibie vendaient plus cher les produits à base de tabac, soit à USD 6 745, USD 6 739 et USD 6 424 respectivement. Les quatre pays où ces produits coûtaient le moins cher, toujours selon ce rapport, étaient la Gambie, le Togo, l’Éthiopie et le Mozambique, avec respectivement un prix de vente de USD 2,1, USD 1,8, USD 1,7 et USD 1,6.


Les enjeux du tabagisme

Depuis le 31 mai, Maurice a intensifié ses efforts pour contrer la propagation du tabagisme dans le pays. Ces mesures drastiques comprennent des interdictions de fumer dans divers lieux publics, des amendes pour les contrevenants et l’annonce de l’introduction d’emballages neutres pour les paquets de cigarettes. Outre les préoccupations pour la santé publique, le tabagisme a également un impact économique considérable.

Le Dr Krishna Beedassy, «Focal Point for Tobacco Cessation Services» au ministère de la Santé..jpg Le Dr Krishna Beedassy, «Focal Point for Tobacco Cessation Services» au ministère de la Santé.

Des interdictions complètes dans les lieux publics

Parmi les mesures phares mises en place, les lieux publics ont été soumis à une interdiction totale de fumer. Cela englobe les enceintes des écoles primaires, secondaires et d’enseignement supérieur, ainsi que des établissements de santé, des cinémas, des marchés, des food courts, des supermarchés, des supérettes, des centres commerciaux, des boutiques, des transports en commun, des arrêts d’autobus, des cafés, des bars, des restaurants, des discothèques, des hôtels, des parcs et des jardins. Les automobilistes ne sont pas en reste, car il est désormais illégal de fumer en voiture, même lorsque l’on est seul à bord.

De plus, les nouvelles réglementations stipulent que dans les «espaces intérieurs» publics, il est interdit de fumer à une distance de moins de dix mètres d’une ouverture, telle qu’une fenêtre ou une porte. Cette mesure vise à protéger les non-fumeurs de l’exposition à la fumée de tabac. Le lieu de travail n’a pas été épargné, car il y est désormais strictement interdit de fumer et les employeurs doivent veiller à l’application des règles.

Sanctions sévères pour les contrevenants

Pour dissuader les contrevenants, des sanctions sévères ont été prévues. En cas d’infraction, des amendes allant de Rs 5 000 à Rs 10 000 sont applicables. Pour les récidivistes, une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an est envisageable.

L’emballage neutre pour les cigarettes

Parmi les mesures les plus notables annoncées le 31 mai, figure l’emballage neutre pour les paquets de cigarettes. Cette initiative vise à réduire l’attrait visuel des produits du tabac en les rendant moins attractifs pour les consommateurs. Les autorités, en collaboration avec les douanes et le National Agricultural Products Regulatory Office (NAPRO), travaillent étroitement pour mettre en place cette nouvelle norme.

Prévalence et tendances

Selon le Dr Krishna Beedassy, Focal Point for Tobacco Cessation Services au ministère de la Santé, la prévalence du tabagisme à Maurice a connu une légère baisse au cours des cinq dernières années. En 2015, le taux de prévalence était de 19,3 %, alors qu’en 2021, il est passé à 18,1 %. Bien que cette réduction soit encourageante, le tabagisme demeure un problème majeur de santé publique. Les risques pour la santé incluent les infections respiratoires, les maladies cardiovasculaires, les accidents cérébrovasculaires et divers types de cancers, en particulier le cancer du poumon.

Initiatives de sensibilisation et actions gouvernementales

Le gouvernement a mis en place plusieurs initiatives pour lutter contre le tabagisme. Ces actions comprennent la formation du personnel médical et paramédical pour encourager les fumeurs à se tourner vers les cliniques de sevrage tabagique gratuites. De plus, des campagnes de sensibilisation ont été menées dans les écoles, les lieux de travail, les centres de santé et d’autres espaces publics pour informer sur les dangers du tabagisme.

Une mesure clé entreprise par le gouvernement est la révision de la législation sur la vente de cigarettes, visant à renforcer la conformité, notamment en ce qui concerne l’âge minimum d’achat de tabac.

Tabagisme passif

Le tabagisme passif, soit l’exposition des non-fumeurs à la fumée de tabac, demeure un problème sérieux à Maurice. Les données indiquent que le tabagisme passif affecte à la fois les personnes en contact direct avec des fumeurs (second-hand smoking) et celles en contact indirect (third-hand smoking) avec des environnements où la fumée de tabac a été présente. Les risques pour la santé de ces groupes sont respectivement de 60 % et 40 %.

Comparaison mondiale

Comparativement aux tendances mondiales, Maurice fait face à une augmentation de la prévalence du tabagisme chez les adolescents. Selon le Global Youth Tobacco Survey de 2016, plus de 75 % des adolescents ont accès à la cigarette dès l’âge de 14 ans. Cette tendance est alarmante et souligne la nécessité de cibler cette tranche d’âge à travers des campagnes de sensibilisation et des initiatives éducatives.

Recommandations pour réduire la prévalence du tabagisme

Le Dr Krishna Beedassy recommande plusieurs mesures pour réduire la prévalence du tabagisme à Maurice. Il met en avant l’importance de la sensibilisation et de l’éducation, tant pour les jeunes que pour les adultes, afin d’informer sur les dangers du tabagisme et de promouvoir une compréhension accrue des risques pour la santé.

Il souligne également l’importance de la volonté des fumeurs à se tourner vers les cliniques de sevrage tabagique gratuites, qui offrent un soutien crucial pour ceux qui cherchent à arrêter. Enfin, la hausse régulière des prix des produits du tabac est une autre mesure recommandée pour dissuader les fumeurs.

Coûts économiques et avantages d’une population plus saine

Les coûts économiques associés au tabagisme à Maurice sont multifactoriels et dépendent des besoins de traitements individuels des patients. Néanmoins, il est indéniable que le tabagisme engendre des coûts considérables pour le système de santé, en particulier en ce qui concerne les soins médicaux nécessaires pour les maladies liées au tabac, telles que les cancers et les maladies cardiovasculaires.

Une réduction à long terme de la prévalence du tabagisme à Maurice pourrait avoir plusieurs avantages économiques, notamment pour le système de santé et une population active et productive en meilleure santé.

Défis et opportunités économiques

Le gouvernement doit relever des défis économiques dans sa lutte contre le tabagisme, notamment l’innovation constante de l’industrie du tabac et ses stratégies pour promouvoir la vente de ses produits. Cependant, des opportunités existent pour améliorer la situation économique tout en réduisant la prévalence du tabagisme. Le renforcement de la conformité à la vente de produits du tabac, la collaboration avec d’autres entités telles que les douanes et le NAPRO, ainsi que la mise en œuvre de stratégies de sensibilisation ciblées peuvent contribuer à réduire la prévalence du tabagisme.


TNS Tobacco Ltd un acteur clé

Pour avoir un aperçu de la perspective de l’industrie du tabac, nous avons discuté avec Oscar Mamet, «Managing Director» de TNS Tobacco Ltd, l’une des principales entreprises importatrices de cigarettes à Maurice.

TNS Tobacco Ltd existe depuis 14 ans et joue un rôle essentiel dans l’approvisionnement du marché mauricien en produits en provenance de l’Afrique du Sud et du Kenya. L’entreprise s’est engagée à fournir une variété de produits tabagiques de haute qualité à ses clients, tout en respectant les réglementations locales en matière de tabac et en promouvant des pratiques commerciales responsables.

Interrogé sur la part de marché de son entreprise dans l’industrie du tabac à Maurice, Oscar Mamet a noté que les études de marché sur la consommation de tabac étant interdites dans le pays, il était difficile de fournir un chiffre précis. Cependant, il a souligné que l’entreprise avait une présence significative sur le marché.

Oscar Mamet, «Managing Director» de TNS Tobacco Ltd..jpg Oscar Mamet, «Managing Director» de TNS Tobacco Ltd.

En ce qui concerne l’évolution de la consommation de cigarettes à Maurice au cours des dernières années, il a noté qu’en raison de la hausse des prix, les consommateurs se tournent de plus en plus vers des marques moins coûteuses. Cependant, en termes de volume, il n’a pas observé de grande différence.

TNS Tobacco Ltd représente des marques de renom de la BAT telles que Dunhill, Benson & Hedges, Rothmans et Pall Mall. L’entreprise collabore étroitement avec les autorités douanières et fiscales pour respecter toutes les exigences légales en matière d’importation de cigarettes, y compris les droits de douane et les taxes applicables. De plus, elle travaille de concert avec la Tobacco Control Unit du ministère de la Santé et du Bien-être, notamment en ce qui concerne le packaging neutre.

Le «Managing Director» de TNS Tobacco Ltd a partagé son point de vue sur les récentes réglementations concernant l’introduction du packaging neutre. Il a indiqué que bien que ces réglementations puissent avoir un impact sur l’aspect visuel des produits tabagiques, l’entreprise respecte les lois en vigueur et collabore avec les autorités locales pour s’assurer que ses emballages soient conformes aux normes requises tout en continuant à fournir des informations appropriées et en veillant à ce que les avertissements de santé soient clairement affichés.

Il a aussi souligné que la priorité de TNS Tobacco Ltd demeure le respect de la loi tout en maintenant des normes élevées de responsabilité sociale en ce qui concerne la vente de produits du tabac.