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Le business des drains

20 janvier 2024, 09:38

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Le business des drains

Dans le passé, les Mauriciens ressentaient les effets des cyclones par des dommages causés à des habitations au toit endommagé ou emporté par les vents, aux fenêtres et portes arrachées, aux arbres mis à plat sur des maisons. Au 21e siècle, le malheur vient de l’eau de pluie générée par les différents types de dépression tropicale ou de cyclone, dépendant du label qui colle mieux.

La calamité du 30 mars 2013 a été occasionnée par l’eau. Les malheurs vécus par les Mauriciens et des voitures, le lundi 15 janvier 2024, ont eu pour origine un trop-plein d’eau de pluie. Donc, l’évacuation de l’eau devient le principal problème, tant des décideurs politiques que de la population. Ce qui fait que les drains – soit leur absence, soit leur débordement - font dorénavant partie des réflexes conditionnés des Mauriciens. Donc, rien de plus politiquement correct que l’aménagement de drains. D’où la naissance du business, combien florissant, de drains.

La construction des drains et leur maintenance ont pris une tournure particulière depuis 2015 avec l’installation d’un nouveau gouvernement. La défaite de l’ancien gouvernement, associée au désastre des inondations de mars 2013, a, en effet, préparé le terrain pour justifier l’installation de drains là où cela s’avère nécessaire dans le pays. Donc, des contrats ont été alloués à gauche et à droite. Soopramanien Kistnen, chef agent du Mouvement socialiste militant (MSM) dans la circonscription de Quartier-Militaire/Moka (No 8) n’est plus de ce monde pour en révéler davantage sur le modus operandi menant à l’allocation des contrats pour des travaux d’intérêt public. Mais les circonstances dans lesquelles certains se sont enrichis énormément sur le dos de la population, menacée par l’épidémie du Covid-19, ont été rendues publiques dans une certaine mesure.

Evidemment, l’allocation de contrats à de petits opérateurs s’accompagne toujours d’accusations de favoritisme, de protection des chatwas. S’il avère que les règles n’ont pas été suivies, que les travaux aient été mal faits, cela viendrait alimenter davantage les allégations venant surtout des opposants au gouvernement. Il serait éminemment dans l’intérêt du gouvernement et du MSM, comme parti au pouvoir, si un nouveau mindset s’installait, surtout dans la perspective de nouveaux contrats au coût de plusieurs milliards, qui seront accordés sous peu par le gouvernement pour la construction de drains dans les 21 circonscriptions de la République. Selon l’express du vendredi 19 janvier, les appels d’offres seront bientôt lancés. Et fait remarquable, ils ne seront pas assortis de la procédure d’urgence. Ce serait un fait établi que le régime d’urgence derrière l’allocation de contrats permet aux décideurs de contourner des procédures de transparence.

Voilà une occasion qui se présente pour le gouvernement de réaliser deux objectifs, qui pourraient s’avérer payants aux élections. D’une part, en observant les règles de la transparence dans ce transfert massif de quelques milliards de roupies vers des entrepreneurs, le gouvernement pourrait alors neutraliser, dans une certaine mesure, tous les faits négatifs qui se sont accumulés, allant de l’affaire Kistnen aux contrats du Covid-19.

D’autre part, au lieu de démontrer que les chatwas sont toujours bien récompensés, le gouvernement aurait l’occasion de prouver qu’il pratique une politique positive de démocratisation de l’économie et qu’il favorise l’émergence de petits entrepreneurs. Ces derniers devraient toutefois faire preuve de professionnalisme et d’honnêteté dans l’exécution des travaux, s’exposant à des sanctions sévères en cas de non-respect des clauses du contrat. L’élément de professionnalisme dans la démarche et la réalisation des travaux dans les conditions énoncées dans le contrat devraient primer sur la politique irrationnelle de protection du chatwa à tout prix - du moins c’est le sentiment qui se dégage quand on voit comment certains protégés profitent du système.

Après avoir subi trois siècles d’endoctrinement aux mains de puissances européennes, le Mauricien moyen ne serait pas prêt à se débarrasser de ses complexes d’infériorité, contrairement aux Africains et aux Américains noirs. Ce qui expliquerait, en grande partie, les distorsions à Maurice dans l’accumulation des richesses et dans le contrôle de l’économie. En nourrissant une petite armée de chatwas véreux dans le business des contrats de drains, le gouvernement ne ferait que réconforter le Mauricien dans ses complexes d’infériorité.