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Le contradictoire, l’équité et la faillite

5 novembre 2023, 06:50

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Le contradictoire, l’équité et la faillite

«68 % des Mauriciens ont soif d’un nouveau leader». Voilà le titre choisi par l’express, le vendredi 27 octobre, quand ledit journal publiait un sondage commandité de Synthèses sur la situation principalement politique du pays.

Le journal aurait pu tout aussi bien titrer «Sondage Synthèses/l’express : Des contradictions, voire de la schizophrénie !»

En effet, comment conclure autrement quand 54,8 % de la population pense que la situation dans le pays a ‘tendance à aller plus mal’, que 15,9 % de plus indiquent qu’il n’y a pas de changement, alors que 62 % de l’échantillon déclare, contradictoirement, que leur situation personnelle a tendance à s’améliorer ? Est-ce à dire que l’échantillon a outrageusement rassemblé moins de citoyens pensant que le pays va mieux ? Tout à fait improbable !

Ceci est d’autant plus remarquable quand Synthèses évoque le sentiment plus personnel de ceux qui sont sondés par rapport au pays : 0,5 % disent que tout va pour le mieux et 5,9 % rationalisent en s’accrochant au «c’est pire ailleurs !», mais 22 % sont ‘dégoûtés’, 22,4 % disent ‘avoir peur’, 25,9 % vont jusqu’à dire qu’il n’y a «plus d’espoir» et 48,6 % se disent franchement «découragés» – les réponses multiples étant, semble-t-il, permises.

Comment réconcilier ces états d’âme sombres avec les 62 % qui croient que leur situation personnelle a tendance à s’améliorer ?

Synthèses souligne que le phénomène n’est pas exclusivement mauricien, un sondage en DOM/TOM récent révélant que 60 % des sondés expriment défaitisme et déclinasse alors qu’ils jugent leur situation personnelle de manière plutôt optimiste…

Schizophrénie ?

Un sondage du Harris/Guardian ⁽*⁾ parle du même phénomène, avec quelques nuances, aux ÉtatsUnis. Mettant de côté la partisannerie (républicains/ démocrates) qui déforme les perceptions, 53 % des Américains pensent que leur économie va plus mal, alors qu’elle fait étonnamment bien… Pire ! 51 % de l’échantillon pensait que le chômage avait atteint son point le plus haut en 50 ans alors, qu’à 3,8 %, il est, au contraire, à son niveau… le plus bas en 50 ans. Ce pessimisme est à analyser sur la toile de fond d’une croissance étonnante, d’une inflation qui baisse, et d’une progression des salaires au-delà de l’inflation pour la première fois depuis longtemps. Ça ne semble pas être beaucoup reconnu… Pourquoi ?

Une étude intéressante de «Our world in data» ⁽**⁾ tente de lever le voile sur la question. Interrogeant de nombreux spécialistes, elle souligne d’abord les autres nombreux exemples de ce qu’il appelle «l’optimisme personnel et le pessimisme social» ; tout en mentionnant une des autres caractéristiques psychologiques du cerveau humain qui voit généralement l’avenir avec pessimisme et le passé avec nostalgie bienveillante, malgré le fait que le présent illustre, sans aucun doute possible, combien il est amélioré, pour tous, par rapport au passé plus ou moins lointain ! Pensez éducation, infrastructures, espérance de vie, pouvoir d’achat ou santé, par exemple.

Un autre classique du contradictoire : si vous demandez à des nouveaux mariés d’établir la probabilité de leur divorce, même si c’est derrière le dos de leur nouveau partenaire, ils vous répondront que c’est très improbable, proche même de zéro de chance. Et pourtant il y avait 48 800 cas de divorce à Maurice en 2022 alors que seulement 59 % du groupe d’âge 25-34 était (encore) mariés, en baisse d’un niveau de 71 %, 10 ans plus tôt. Le taux de divorce en Europe est à 40 %...

Une des explications suggérées est que le pessimisme à propos de la nation ou du futur vient d’un manque d’information sur ce qui se passe au niveau du pays (ou du monde) par rapport à sa situation présente et personnelle, que l’on connaît évidemment mieux et que l’on croit plus «sous contrôle» (même si ce n’est pas toujours le cas) – ainsi l’optimisme relatif. D’autres études suggèrent que «l’optimisme local et le pessimisme plus global» est un héritage psychologique de notre passé d’hominidé dans la brousse, une période formatrice bien plus longue (300 000 ans) que celle de nos récentes civilisations (10 000 ans environ), qui nous aura donc durablement marqués et au cours de laquelle l’évolution a favorisé ceux qui étaient optimistes pour leur personne, tout en étant totalement cyniques et prudents à propos du «monde» dangereux (et futur) dans lequel ils évoluaient alors…

Si les théories abondent, rien n’est définitif, ce qui n’empêche pas de constater les contradictions psychologiques de nos cervelles.

Pour retourner au sondage, soulignons la grossièreté de tiers qui citent et commentent le sondage en mentionnant, à la limite, Synthèses, mais en oubliant la publication qui la commandite et qui la publie. Pas joli ! Par ailleurs, le fait qu’un sondage est par téléphone alors que presque 100 % de la population en possède ne devrait, a priori, comporter aucun biais majeur par rapport à la population actuelle, si les redressements sont bien faits. Finalement un échantillon de 1 022, loin d’être insuffisant, est dans la fourchette des 1 068 qui, selon les lois de la statistique, mène à une marge d’erreur de 3 % avec un taux de 95 % de confiance… C’est juste mathématiquement comme cela ; les marges d’erreur étant plus grandes évidemment pour toute analyse des sous-groupes !

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Le monde des concerts publics est un petit monde de spécialistes où tous ont évidemment besoin de succès pour asseoir leur réputation pour la prochaine fois, gagner leurs vies ou arrondir leur fin de mois.

Y a-t-il, cependant, une seule bonne raison pour laquelle tous ceux qui organisent des concerts ne pourraient être logés à la même enseigne et être traités de la même façon ?

Je n’en vois aucune. Absolument aucune !

Il y a évidemment la question du bruit qui peut incommoder les environs immédiats, mais les règlements existent et ils sont clairs : pas plus de 60 décibels entre 7 heures et 18 heures, ne pas dépasser les 50 décibels à partir de 21 heures. Ceux qui ne respectent pas les règlements devraient être sanctionnés tous pareils ! Est-ce bien le cas ?

Il y a aussi la question de sécurité, surtout depuis qu’elle a été ravivée par les incidents récents à la Citadelle. Au-delà des sanctions qui devront immanquablement intervenir pour les fauteurs de trouble, il faudrait que les forces de l’ordre offrent le minimum de sécurité pour empêcher qu’une trentaine d’énergumènes puissent causer la panique et arrêter des concerts. Un lieu fermé comme la Citadelle ou un théâtre ou un stade, comme Côte-d’Or, ça devrait pouvoir être protégé par la force policière, tout de même, sinon à quoi serviraient les «forces de l’ordre» si ce n’est, au minimum, d’assurer la sécurité de spectateurs…

Mais il est pour le moins inacceptable d’interdire des concerts à quelques heures/jours de la date agréée par les autorités si les conditions imposées sont raisonnables et respectées et il serait tout aussi inquiétant que les conditions imposées pour un concert soient à géométrie variable selon l’organisateur en question. Il n’y a aucune raison pour laquelle un site privilégié comme le stade de Côte-d’Or ou celui d’Anjalay soit réservé à certains et pas accessible à d’autres, aux mêmes conditions.

Il faut le répéter : une République qui ne peut traiter tous ses enfants pareil n’est pas mieux qu’une République bananière, pétrie de favoritisme toxique. Ce qui engendre évidemment plus de déçus que de satisfaits – ce qui coûtera d’ailleurs aux élections !

En parlant de quoi, on évoquera aussi le sort des 50 arpents d’Anse-la-Raie, dont l’utilisation actuelle (centre de jeunesse et campement du gouvernement) va semble-t-il changer bientôt. Est-ce la bonne décision? On peut en douter. Car les lieux seront au moins plus pollués, car plus bâtis et peuplés et il ne nous reste déjà plus beaucoup d’espace littoral du genre tant pour charmer le citoyen que… le visiteur étranger.

Qui choisir, sur quels critères, relève d’un autre débat, mais comment choisir est tout aussi important ! Depuis longtemps, en fait depuis le Festival de la Terre, on promet de lancer des invitations publiques largement diffusées pour signaler à la population des «disponibilités» de baux sur des terres du gouvernement. Terrains de chasse, campements, sites hôteliers, sites industriels, sites agricoles, tous devraient être fortement affichés publicitairement. On ne le fait toujours pas ! La sélection finale des Gopee ou du pandit Sungkur restera donc toujours dans la case «soupçons».

La transparence fait pourtant partie des éléments clés de la bonne gouvernance ?

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«Le Consolidated Fund ne peut être en faillite» nous assure, entre autres, le directeur de Maurice Stratégie, M. Seechurn, dans l’express du 3 novembre ! Tiens ! Voila donc un danger écarté ? Par la croissance ? Même si les dépenses croissent aussi (ou plus…) rapidement que les revenus, par exemple, en pourcentages, ne faudrait-il pas alors emprunter de plus en plus, continuellement, ce qui mènera à… ? Je vous laisse deviner !

J’aimerais tant croire à cette comptabilité nouvelle version… Le Consolidated Fund ne peut être en faillite… Tu parles ! Vous dépenserez encore et les jeunes, après nous, paieront ?!

⁽*⁾ https://www.theguardian.com/ us-news/2023/sep/15/biden-economybidenomics-poll-republicans-democratsindependents

⁽**⁾ https://ourworldindata.org/optimismand-pessimism