Publicité

Campagne électorale

Le corps syndical : un instrument apolitique mais puissant

15 octobre 2024, 16:01

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Le corps syndical : un instrument apolitique mais puissant

Le mouvement syndical aura également un rôle important à jouer lors des législatives, d’autant plus qu’il prône le bien-être des travailleurs.

Certains ont troqué leur casquette de syndicaliste pour celle de politicien, le temps d’une campagne électorale. D’autres poursuivent leur lutte : celle visant à assurer un avenir meilleur pour la classe ouvrière. À moins d’un mois des élections générales, les avis divergent quant à l’engagement à adopter et aux recommandations à transmettre aux membres.

«Il est essentiel de donner l’occasion aux membres de s’exprimer sur les élections générales, et la tenue d’un débat est primordiale», affirme Reeaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP). Selon lui, les syndicats sont directement concernés par les élections, notamment en ce qui concerne les conditions de travail et le bien-être des travailleurs. «Toutes les mesures passent par des décisions politiques, et la lutte syndicale est aussi une lutte politique. Toutefois, il est important de souligner qu’un syndicat est un espace de lutte ouvert à tous, indépendamment des opinions politiques.» En ce sens, un syndicat ne peut être associé à un parti politique, ni imposer un choix à ses membres, précise Reeaz Chuttoo.

C’est pourquoi la tenue d’un débat contradictoire est cruciale. «Cela permet d’équilibrer les perspectives. Par exemple, un sujet récemment évoqué est l’inscription du droit de grève dans la Constitution, bien que cette proposition semble avoir été remplacée par celle du droit à la nature. Quoi qu’il en soit, ces sujets suscitent des débats, et les électeurs peuvent ainsi mieux comprendre ce qui les concerne le plus. Cependant, il est clair que nous ne cherchons pas à donner de consignes de vote en faveur d’un parti quelconque.» La politique partisane n’a donc pas sa place au sein des syndicats. Reeaz Chuttoo reconnaît cependant qu’en France, lors des dernières élections, certains groupes syndicaux ont appelé à faire barrage à l’extrême droite, tout comme au Brésil. «En 2014, à la CTSP, nous avons demandé la restauration de nos droits bafoués. Il arrive que certaines circonstances mènent à des situations extrêmes, mais nous guidons les travailleurs sans pour autant prendre de décisions à leur place.»

La CTSP attend avec impatience l’issue de ces élections, car plusieurs chantiers sont en préparation. Parmi eux, l’introduction de conventions sectorielles pour permettre aux travailleurs de recevoir leur juste rémunération. Il est également nécessaire de mettre en place un mécanisme garantissant le bon déroulement des comités disciplinaires, ainsi qu’un comité chargé de surveiller l’exploitation des travailleurs étrangers, entre autres dossiers.

De son côté, Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress, affirme que son syndicat ne donnera aucune consigne de vote. «Ni pour un parti ni pour un candidat en particulier. Pour nous, un mouvement syndical doit rester neutre, car nous devons travailler avec n’importe quel gouvernement qui sera élu.» Il tient néanmoins à souligner certains points essentiels pour cette nouvelle campagne électorale. «Tous les partis doivent s’engager à respecter les droits des travailleurs une fois élus.» Haniff Peerun espère également que la campagne se déroulera dans l’ordre et la discipline, avec un respect mutuel entre adversaires et sans aucune manipulation communautaire. Haniff Peerun souhaite que le futur gouvernement mette fin au népotisme et aux passe-droits.

De son côté, Narendranath Gopee, négociateur de la Federation of Civil Service and Other Unions et président de la National Trade Union Confederation (NTUC), ne voit aucun inconvénient à ce qu’un mot d’ordre soit donné aux membres des syndicats, surtout si cela peut contribuer à sauver le pays. «Le syndicat ne défend pas uniquement les intérêts des travailleurs, mais il a aussi un droit de regard sur les questions économiques du pays. Il ne faut pas oublier que le gouvernement nous consulte lors de la compensation salariale liée à la perte du pouvoir d’achat ou encore durant la préparation du budget. Par conséquent, nous avons notre mot à dire sur ce qui est dans l’intérêt du pays et du gouvernement lui-même.»

Narendranath Gopee déplore que plusieurs propositions soumises lors de la préparation du Budget ne soient jamais prises en compte. «Il devient alors normal de critiquer le gouvernement lorsqu’il manque de la philosophie nécessaire pour considérer les propositions syndicales», explique-t-il. Concernant les résultats économiques du gouvernement sortant, l’analyse de Narendranath Gopee est sans équivoque. «C’est une véritable catastrophe. On a tenté d’acheter la conscience de la classe ouvrière avec de petites augmentations, mais le constat des dix dernières années est alarmant. Personne n’a pris la peine d’expliquer l’état actuel de l’économie. Pourtant, nous sommes une population éclairée, et il est évident que le pays est au bord du gouffre, avec des dettes s’élevant à plusieurs milliards de roupies.»

Le président de la NTUC se montre particulièrement critique envers le gouvernement sortant, notamment après avoir dû affronter certaines personnes parachutées dans des ministères, où elles ont exercé une influence excessive. «L’intrusion politique est un réel danger. J’ai personnellement dû faire face à un problème au ministère de la Pêche, où un conseiller s’est ingéré dans la gestion du département, menaçant même le personnel. Bien que ce cas ait été rapporté au secrétaire permanent, aucune action n’a été prise, car cette personne bénéficiait de la protection politique.» C’est pourquoi, selon lui, il est légitime que les syndicalistes, forts de leurs années d’expérience, se permettent de donner des consignes.