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Le DPP part en croisade contre la Financial Crimes Commission
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Le DPP part en croisade contre la Financial Crimes Commission
En s’attaquant à l’intégrité du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP), l’assistant commissaire de police, Dunraz Gangadin, a ouvert une boîte de Pandore. S’étant gardé de ne pas commenter le Financial Crimes Commission Bill avant son adoption par respect pour la démocratie parlementaire, Me Rashid Ahmine a contre-attaqué en déposant, mercredi dernier, une plainte constitutionnelle où il conteste ce qu’il décrit comme l’accaparement par la Financial Crimes Commission des pouvoirs échus au DPP de loger des accusations en matière de poursuites pénales.
Dans sa plainte, le DPP estime que la Financial Crimes Commission est une menace aux fondements de la démocratie qui repose sur le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Du reste, l’article 1 de la Constitution stipule clairement que l’administration de la justice, incluant le pouvoir et la procédure de poursuite, doit rester isolée de toute influence politique. Pour le DPP, le Financial Crimes Commission Act vient enfreindre les articles 1, 47(3) et 72 de la Constitution. Loin de contester la nécessité de créer une super-agence qui aura la responsabilité de détecter et d’enquêter sur les crimes financiers, son combat s’inscrit dans le sens de la préservation de l’indépendance du judiciaire. Une indépendance qui, affirme-t-il, est menacée. Car la Commission, bien qu’étant un organe de l’exécutif, va remplacer le DPP comme l’autorité de poursuite suprême pour les affaires de crimes financiers.
La plainte constitutionnelle du DPP sera entendue en Cour suprême le 9 mai. C’est une démarche sérieuse qui pourrait très bien retarder l’entrée en opération de la Financial Crimes Commission. En tant que garante de la Constitution, à laquelle toutes les lois, y compris le Financial Crimes Commission Act, doivent être assujetties, la Cour suprême a le devoir de s’assurer que la loi suprême n’est pas bafouée. Ainsi, si le DPP décide de loger une motion de «stay of execution», elle pourrait bien ordonner que le démarrage de la Financial Crimes Commission soit mis sur pause en attendant le dénouement du procès.
Le gouvernement voit la Financial Crimes Commission comme la preuve de son engagement de renforcer la lutte contre les crimes financiers avant la fin de la présente mandature. À sa décharge, il faut reconnaître que le combat contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a connu des avancées considérables depuis l’épisode de l’inclusion du pays sur la liste noire de l’Union européenne. Grâce aux efforts conjugués des pouvoirs publics, des instances de régulation et du secteur privé, Maurice a pu mettre en œuvre en un temps record le plan d’action du Groupe d’action financière (GAFI). Mieux encore, nous sommes aujourd’hui pleinement conformes aux 40 recommandations du GAFI. La création de la Financial Crimes Commission est en adéquation avec cette volonté de consolider la réputation de Maurice comme une juridiction de substance pourvue d’institutions efficaces dans la détection et les enquêtes contre les crimes financiers. À un moment où nous nous positionnons comme un centre financier international pour canaliser les investissements, notamment en Afrique et en Inde, la Financial Crimes Commission trouve toute sa légitimité. Or, la perception que la Commission sera toute-puissante et qu’elle opérera à l’intérieur d’un système où il n’y aura pas de contre-pouvoirs pourrait desservir le bien-fondé, pour ne pas dire, l’essence de son existence. Aujourd’hui, les investisseurs internationaux sont particulièrement sensibles à la notion du risque. L’attrait fiscal est loin d’être le seul critère qu’ils prennent en considération avant d’opter pour un pays investisseur. Ils recherchent également une juridiction stable politiquement où leurs intérêts économiques seront protégés et où l’État de droit est respecté. Dans sa forme actuelle et au vu des pouvoirs qui lui sont échus, la Financial Crimes Commission, qui, rappelons-le, sera dirigée par un directeur général et des commissaires désignés par le Premier ministre, ne donne pas toutes les garanties aux potentiels investisseurs qu’à l’avenir ils bénéficieront d’un procès équitable dans l’éventualité où ils sont traduits devant la justice.
La plainte constitutionnelle du DPP mettra à l’épreuve les dispositions légales régissant les opérations de la Financial Crimes Commission. La Cour suprême devra faire preuve de sérieux dans l’analyse des arguments du pétitionnaire et du défendeur. Si jamais le judiciaire tranche en faveur du DPP, le gouvernement devra en prendre bonne note et, si besoin est, revoir sa copie.
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