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Analyses ADN

Le Forensic Science Laboratory prisonnier du retard technologique

22 mai 2024, 18:00

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Le Forensic Science Laboratory prisonnier du retard technologique

Alors que les avancées dans le domaine de l’analyse ADN se multiplient, le laboratoire est face à des interférences administratives pour la mise à jour de ses équipements.

Depuis sa création en 2003, le Forensic Science Laboratory (FSL) est appelé à jouer un rôle crucial dans les enquêtes criminelles, notamment grâce à l’analyse ADN. Cependant, malgré ses progrès initiaux, le FSL, qui fait déjà face à des difficultés dans la production de rapports pour les analyses de drogue, se trouve aujourd’hui confronté à des défis majeurs qui compromettent son efficacité opérationnelle. L’un de ces défis majeurs concerne le retard technologique.

Alors que les avancées dans le domaine de l’analyse ADN se multiplient, le laboratoire est face à des interférences administratives pour la mise à jour de ses équipements. Ce retard technologique entrave son efficacité et son potentiel pour résoudre des affaires complexes, notamment les affaires non résolues et les cas anciens nécessitant une analyse ADN avancée.

En 2009, l’introduction de la DNA Identification Act a permis d’étendre l’analyse ADN à toutes les affaires biologiques, tandis qu’en 2017, l’analyse ADN a été étendue aux emballages de drogue. Ces développements ont renforcé les capacités du FSL, qui dispose désormais d’une base de données ADN comptant plus de 65 000 profils. Cependant, malgré ces avancées, le FSL est confronté à des défis financiers et technologiques. Alors que les standards internationaux recommandent l’analyse de 21 loci CODIS, le FSL est resté limité à 16 loci. CODIS, de l’anglais Combined DNA Index System, est une banque de données qui répertorie les profils ADN alors que loci, le pluriel de locus, est une région chromosomique où sont localisés un ou plusieurs gènes. Ces analyses permettent de determiner avec plus d’exactitude les profils d’ADN.

Malgré plusieurs demandes de financement pour ce projet, celles-ci sont restées vaines. Les projets visant à introduire l’analyse de l’ADN mitochondrial et éventuellement la Next Generation Sequencing, la dernière technologie en matière d’ADN, n’ont pas été financés durant plusieurs années. Une grande partie du budget du FSL a été consacrée à la mise à niveau de l’unité de drogue et il n’y a eu aucun retour sur investissement car l’unité de drogue peine toujours à fournir des rapports et a un retard de deux ans. La section de biologie, avec de rares épisodes de retards, se retrouve dans une impasse.

Harcèlement et maltraitance

Ces défis techniques sont aggravés par des interférences de la direction. Suite aux affaires impliquant Akil Bissessur et Bruneau Laurette, la directrice du FSL, Vidhu Madhub-Dassyne, aurait harcelé et maltraité le personnel car leur ADN n’a pas été retrouvé sur les éléments à analyser ; une atmosphère de répression s’est installée. La section de biologie s’est vue refuser le droit de participer à des conférences auxquelles la directrice elle-même assistait.

Lorsqu’un nouvel équipement ADN a enfin été acheté il y a deux ans, la directrice aurait fait comprendre que le processus d’acquisition n’avait pas été mené correctement et a bloqué la mise en service de l’équipement pendant plusieurs mois. Cependant, elle est celle qui avait présidé le comité d’appel d’offres du département et a effectivement validé l’acquisition. Elle devrait donc être celle qui doit rendre des comptes. Suite à cela, elle a encore retardé l’utilisation de l’équipement en refusant l’accès à internet nécessaire à son installation et à sa mise en oeuvre complètes. En raison de ce retard, aucune validation de nouveaux protocoles ADN n’a été possible, même deux ans après l’achat de l’équipement.

Audit officieux

En 2023, une Française, affirmant avoir de l’expérience en analyse ADN, s’est présentée de manière inopinée au FSL. Ni les ressources humaines ni la section administrative du laboratoire médico-légal n’étaient au courant de sa visite, car il n’y avait eu aucune correspondance officielle du Prime Minister’s Office (PMO). La directrice l’avait invitée à effectuer un audit de la section de biologie, encore une fois comme mesure répressive contre le personnel. Il n’y avait ni lettre officielle ni termes de référence concernant ce qu’elle était censée faire au FSL.

Selon nos informations, la directrice lui a accordé l’accès à l’ensemble du laboratoire, aux zones restreintes, aux équipements, aux protocoles et aux informations confidentielles et sensibles. Après deux jours de visite, où elle n’aurait parlé qu’à quelques membres du personnel, elle a produit un rapport d’audit contenant des informations jugées inexactes et sans pertinence avec lesquelles le personnel est fortement en désaccord.

Consultante «amie»

Par la suite, plusieurs personnes ont compris que la Française était une proche de la directrice et avait travaillé dans des laboratoires privés à Maurice. De plus, elle était également membre du laboratoire d’hématologie médicolégale de Bordeaux, dirigé par le professeur Doutremepuich, qui est actuellement impliqué dans l’analyse de nouveaux éléments dans l’affaire Vanessa Lagesse (voir ci-contre), aux côtés de la directrice.

Cette proximité a été confirmée cette année lorsque la Française est réapparue au laboratoire alors que la section de biologie prévoyait à nouveau de demander une mise à niveau de ses équipements. Cela, apprend-on, aurait dû se faire par le biais d’un market survey, avec des fournisseurs locaux représentant des entreprises internationales fournissant des réactifs et des équipements d’analyse ADN. Mais la demande de survey aurait été rejetée par la directrice et elle a plutôt invité son «amie» en tant que consultante pour conseiller sur les produits d’analyse ADN, et cela se serait fait sans appel d’offres. Elle aurait obtenu un contrat par le biais du PMO. Elle conseille sur les produits d’analyse ADN alors qu’elle n’a aucune notion des procédures mauriciennes en matière d’allocation de contrat.

Affaire Vanessa Lagesse

La directrice du FSL, qui travaillait auparavant à la section de biologie avant de passer à la direction, suscite des inquiétudes en raison de son manque d’implication dans les avancées récentes en biologie, en analyse ADN et en enquêtes sur les scènes de crime au cours des deux dernières décennies. Malgré ce manque de connaissances et de compétences actualisées, elle continuerait de se positionner comme conseillère en matière de sciences légales auprès de diverses entités, notamment la police, le bureau du Directeur des poursuites publiques et le gouvernement. Cela soulève des inquiétudes sur les conséquences graves dans des affaires où l’innocence ou la culpabilité est en jeu.

La directrice est actuellement impliquée dans le procès pour meurtre de Vanessa Lagesse devant les Assises, car elle était l’officier responsable de l’affaire à l’époque et elle avait eu accès à la scène de crime. Au lieu de solliciter des conseils auprès des experts techniques de la section de biologie, elle est conseillée et accompagnée au tribunal par son protégé, qui lui-même n’a pas été impliqué dans des affaires de biologie depuis les dix dernières années. Plutôt que de gérer l’énorme retard dans l’unité de drogue, il accompagne la directrice au tribunal.

Lorsqu’elle a pris sa retraite et a maintenant un contrat de deux ans, la directrice a voyagé pour assister à des conférences sur l’ADN aux dépens de son personnel technique, les privant ainsi de réseautage et de développement professionnel continu. Le manque de technologies et les priorités de gestion de la directrice soulignent une fois de plus la nécessité d’une réévaluation des processus décisionnels au FSL.


Nourriture de poisson au lieu de drogue : l’épineuse question de la fiabilité des résultats

Le chanteur du groupe 666 Armada Bradley Perrine, qui a comme nom de scène Zantakwan, a retrouvé la liberté conditionnelle après trois mois de détention vendredi dernier, après que la justice a pris connaissance du rapport du FSL soumis, soulignons- le, après plus de trois mois. La substance retrouvée en possession de Zantakwan s’est finalement révélée être de la nourriture pour poisson et non pas de la drogue. La question de l’intégrité des analyses de stupéfiants au FSL soulève des préoccupations légitimes quant à la fiabilité des résultats.

Le délai de traitement des analyses de drogue dépend de plusieurs facteurs, notamment si les échantillons sont laissés au FSL ou si une demande d’examen est formulée. Dans les deux cas, même en cas de demande d’examen anticipé par la police, l’unité de drogue peut prendre plusieurs semaines voire des mois avant d’effectuer l’analyse, en raison du retard important dans le traitement des affaires de stupéfiants.

Il importe de souligner qu’il existe des cas où même la police a été surprise par les résultats. Par exemple, le neveu d’un conseiller principal au PMO a été arrêté avec des pilules ressemblant à des pilules d’ecstasy, mais les résultats se sont révélés négatifs. De même, un échantillon prélevé sur un grand navire au sud du littoral avait d’abord été testé positif pour la présence de drogues, mais le rapport final était négatif. Il arrive également que la police récupère des substances qu’elle pense être des drogues. Avant d’intervenir ou d’arrêter quelqu’un, les policiers veulent être certains de la nature de la substance. Ils soumettent donc l’échantillon à l’unité de drogue pour confirmation. Cependant, le problème avec cette méthode est que l’échantillon de drogue n’est pas officiellement enregistré comme pièce à conviction. On se demande donc ce qu’il advient de la drogue après l’analyse, car seule une quantité minime est nécessaire pour les tests.

Tant que l’unité fonctionnera sans supervision et sans responsabilité d’un officier supérieur tel qu’un «Chief Forensic Scientist», il y aura toujours cette opacité entourant les procédures et les analyses. Cela soulèvera inévitablement des questions sur l’intégrité des analyses et des résultats produits par le laboratoire. Un deuxième avis sur un rapport par un employé compétent et expérimenté est essentiel pour garantir que tout a été réalisé correctement, selon les procédures standards du laboratoire et dans le respect des paramètres d’accréditation. Cependant, la directrice du FSL n’est pas enregistrée en tant qu’expert technique compétent par MAURiTAS, et donc ne peut pas effectuer ces révisions.