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VIH/SIDA

Le plan d’action en marche

20 mai 2024, 22:00

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Ce sont 382 nouveaux cas d’infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) chez des Mauriciens qui ont été enregistrés l’année dernière. Cela représente une baisse par rapport à 2022, mais une forte hausse si l’on prend en considération les chiffres de 2021. Pourtant, au fil des ans, le ministère de la Santé a mis en place un ensemble de services pour diminuer les infections et arriver aux objectifs du «National HIV Action Plan 2023-2027», c’est-à-dire pas de nouvelles infections dans la population. Si les services sont là, il semble que le gros problème reste quand même les stigmates qui ont la peau dure…

● Une panoplie de services offerte par le ministère

● 382 nouveaux cas en 2023

● Dr Soyjaudah : «Il faut la collaboration de tout le monde»

La Dr Devi Soyjaudah, coordinatrice du National Aids Secretariat, est catégorique. Le ministère de la Santé a tout mis en oeuvre pour freiner la propagation du virus depuis 1987, l’année où le premier cas a été détecté à Maurice. «Il faut comprendre que lorsque nous parlons du VIH et du sida (NdlR, syndrome d’immunodéficience acquise), il ne faut pas que nous nous arrêtions au domaine médical. Il faut prendre des mesures qui sont aussi sociales pour arriver à réduire les infections. Cela ne concerne pas que le ministère. C’est une affaire où il faut la collaboration de tout le monde», dit-elle. Au fur et à mesure des recherches et des informations disponibles, Maurice a suivi les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), tout en adaptant la réponse au contexte local.

Par exemple, il a fallu voir le mode de transmission qui était le plus répandu pour pouvoir formuler le plan d’action approprié. «Évidemment, cela passe par l’information, l’éducation et la prévention. Il y a eu des campagnes dans les écoles et chez les ados. Quant à la population vivant avec le virus, il a fallu l’éduquer sur les dangers d’une réinfection.» En 2001, les premiers antirétroviraux ont été commercialisés et dès cette année-là, le protocole de soin a été amendé. Ces médicaments ont été donnés gratuitement aux patients. Au début, il y avait 24 cachets à prendre par jour, rappelle la Dr Devi Soyjaudah. Avec les avancées, aujourd’hui, il n’y a que deux cachets à prendre quotidiennement.

Mise en place progressive

Au début de la propagation, la transmission était largement notée dans la population hétérosexuelle à travers des rapports non protégés. Puis, en 2001, les données ont changé ; 59 % des nouvelles infections concernaient les utilisateurs de drogues. Il a alors fallu adapter la réponse et la réduction des risques a été mise sur la table. 2005 a été l’année où le plus de cas ont été détectés, soit 921. La raison est que les tests ont été élargis aux détenus de la prison. Face aux informations, le ministère est venu de l’avant avec la HIV Act en 2006 pour permettre l’échange de seringues et introduire le traitement de méthadone comme substitut à l’injection de drogue.

Au début, le programme était mené par les organisations non gouvernementales (ONG), notamment le Collectif urgence toxida (CUT) et Aides, infos, libertés, espoir et solidarité (AILES), en collaboration avec la Harm Reduction Unit. Les populations visées s’ouvraient plus facilement aux ONG qu’aux autorités. Les sites d’échange ont rapidement augmenté. «Le partage de seringues ne favorisait pas uniquement la transmission du VIH, mais aussi de l’hépatite. Aujourd’hui, 35 sites sont gérés par le ministère et sept par les ONG», explique la Dr Soyjaudah. Chaque année, environ 3 000 personnes s’inscrivent au programme. Quant à la méthadone, 12 000 personnes s’étaient inscrites et, aujourd’hui, le pays en compte 8 000 environ.

«Certains sont malheureusement décédés, d’autres ont arrêté le traitement», précise la coordinatrice. Le programme a été efficace. Aujourd’hui, le taux de transmission a chuté. En 2017, le nombre de nouvelles infections chez cette population était de 142 et l’année dernière, elle était à 107. Cependant, cela représente une hausse par rapport à 2020 et 2021, mais la baisse pour ces deux années est partiellement attribuée au nombre limité de tests qui ont été effectués à cause de la pandémie.

Par la suite, l’accent a été mis sur les populations clés, à savoir les homosexuels, les prisonniers, les travailleuses du sexe et la communauté transsexuelle. Aujourd’hui, la plus forte transmission est notée parmi la population hétérosexuelle à travers les rapports non protégés. «Les campagnes de sensibilisation sont toujours menées. Il y a des distributions de préservatifs pour les hommes et les femmes», dit la Dr Devi Soyjaudah.

Services gratuits

Avec le temps, le traitement s’est amélioré. Dès 2017, le traitement a été administré lorsque la séropositivité était découverte, sans attendre que le système immunitaire s’affaiblisse. Aujourd’hui, le traitement fait qu’une personne peut vivre normalement si le protocole est respecté, avec une charge virale indétectable. «Cela veut dire qu’elle ne transmet même pas le virus. Mais nous conseillons évidemment de le dire aux partenaires.» Même dans ce cas, les suivis sont réguliers car les personnes vivant avec le virus sont plus enclines aux cancers.

Quant aux femmes séropositives enceintes, il y a 45 % de risque que le virus soit transmis à l’enfant. Raison pour laquelle les mamans sont traitées et que du lait pour bébé leur est offert à la naissance du nourrisson. «Les frais de transport pour tous ces patients leur sont remboursés», précise la coordinatrice. Puis, d’autres services ont été mis en place. Par exemple, il y a aussi le traitement post-exposition. «Lorsqu’une personne a un rapport à risque, elle peut venir nous voir dans les 72 heures pour ce traitement», dit la médecin. Le traitement dure un mois et il y a un suivi de trois mois pour s’assurer qu’il n’y a pas d’infection, que ce soit au VIH, à l’hépatite B ou à la syphilis.

«D’ailleurs, la syphilis est un facteur qui favorise l’infection au VIH et il y a une recrudescence au niveau mondial», rappelle la Dr Devi Soyjaudah. En 2022, le ministère a lancé la prophylaxie pré-exposition (PrEP), destinée aux personnes ayant des comportements à risque. Ce plan vise à protéger la personne contre le VIH. «Mais elle doit être séronégative au moment du début du plan.» Cette mesure vise principalement les hommes. «Il y a d’autres mesures pour les femmes. Par exemple, la PrEP en injection qui se fait tous les deux mois.»

En 2013, la HIV Act a été à nouveau amendée dans le but de limiter, encore une fois, la propagation. Tout le matériel utilisé par les utilisateurs de drogue, comme les cuillères et les pipettes, entre autres, est échangé. Puis, le test à faire soimême a été rendu légal. «Cela est nécessaire car jusqu’à présent, les tests étaient conventionnels. Il fallait venir, envoyer les échantillons au laboratoire et revenir pour les résultats. Mais beaucoup de personnes ne viennent pas, par peur. Il y a toujours des préjugés associés à la maladie, malheureusement », explique la Dr Soyjaudah. Ce type de tests peut être fait par le personnel non médical formé à l’utiliser.

«Encore une fois, les ONG aident car, même là, elles peuvent tester des populations auxquelles le ministère n’a pas accès.» Cela a augmenté le choix de se faire dépister. Le tout est accompagné de sessions de conseil et d’accompagnement en cas de résultat positif. En ce moment, il y a quatre psychologues rattachés à la Harm Reduction Unit et d’autres seront recrutés.

Toujours dans le but d’augmenter l’accessibilité aux soins, le ministère, avec Prévention information lutte contre le sida (PILS), a ouvert un centre pour le traitement pré et post exposition. Bientôt, il y aura des centres où tous les services seront concentrés. Il y aura les tests, le conseil, la méthadone, les traitements des infections sexuellement transmissibles (IST) et les vaccins, entre autres. Des formations en addictologie et counselling sont faites pour les médecins afin de gérer ces patients. «De plus, une personne qui habite dans une région peut aussi aller dans un autre endroit pour se faire soigner.»

Responsabiliser les patients Malgré tout, les chiffres ne baissent pas et atteindre zéro transmission semble un objectif lointain. «Le facteur majeur est le préjudice associé au VIH et le selfstigma », déplore la coordinatrice. C’est pourquoi l’accent est toujours mis sur le droit humain et sur l’éducation, que ce soit du public, des patients ou du personnel médical. «Des fois, même le personnel a une attitude qui ne sied pas à cette situation. Heureusement, avec les campagnes, cela a beaucoup diminué.» Puis, il y a aussi quelques contraintes au niveau des lois. Par exemple, un adolescent sexuellement actif peut-il avoir accès aux préservatifs ? «Toujours est-il que nous avons placé des distributeurs gratuits un peu partout à travers l’île», rappelle la Dr Soyjaudah. Et évidemment, il faut aussi responsabiliser les patients, ajoute-t-elle, car personne ne peut les forcer à prendre les médicaments. Ou encore, il y a ceux qui, dès qu’ils vont mieux, stoppent le traitement. Quant aux enfants, il y en a environ un millier qui n’est pas sous traitement.


«Aids candlelight memorial» : flamme de solidarité

Chaque année, le troisième dimanche de mai marque la commémoration internationale AIDS Candlelight Memorial, une journée dédiée au souvenir des personnes décédées des suites du sida et à l’hommage rendu à celles qui ont consacré leur vie à aider les personnes vivant avec le VIH. Hier, elle s’est déroulée sous le thème : Together we remember, together we heal, through love and solidarity! Plusieurs organisations impliquées dans la prévention du VIH, ainsi que dans l’accompagnement et le soutien des personnes touchées par le virus, étaient présentes au centre social Marie-Reine-de-la-Paix en début de soirée pour cette cérémonie aux bougies, un événement marquant dans le pays depuis déjà 15 ans. Parmi elles figuraient l’association AILES, CUT, Développement Rassemblement Information et Prévention, Lakaz A, Parapli Rouz, et PILS.


Un aperçu dans le monde en chiffres

Les chiffres alarmants liés au VIH/sida continuent de refléter l’ampleur de cette «épidémie mondiale». Selon L’OMS, en 2022, près de 630 000 vies ont été emportées par des maladies associées au sida à travers le monde. Ce chiffre, bien qu’en baisse par rapport aux 1,3 million de décès enregistrés en 2010 et aux deux millions de pertes en 2004, reste un rappel poignant de l’impact continu de cette maladie. Depuis les premiers jours de l’épidémie, le VIH a touché un total estimé à 85,6 millions de personnes (65,0 à 113,0 millions), avec environ 40,4 millions (32,9 à 51,3 millions) de décès attribués à la maladie. Ces chiffres témoignent de la nécessité urgente de maintenir les efforts de prévention, de traitement et de sensibilisation à l’échelle mondiale.

Fin 2022, 39 millions de personnes (33,1 à 45,7 millions) étaient atteintes du VIH dans le monde, selon les données de l’OMS. Bien que représentant environ 0,7 % de la population adulte âgée de 15 à 49 ans, la répartition de cette charge reste inégale, variant considérablement d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre. C’est la région africaine qui demeure la plus durement touchée par la pandémie. Ce sont 3,2 % des adultes de cette région qui vivent avec le VIH (avec près d’un adulte sur 25), représentant plus des deux tiers des personnes infectées dans le monde. Ces chiffres soulignent l’urgence d’une action concertée pour lutter contre la propagation du VIH/ sida, et pour fournir un accès équitable aux soins et au traitement pour tous ceux qui en ont besoin.


Découvert il y a 41 ans

Au début des années 80, l’apparition de cas d’une *«maladie mystérieuse » fait grand bruit. En décembre 1982, Françoise Barré-Sinoussi, rétrovirologiste au laboratoire de Jean-Claude Chermann, à l’unité d’oncologie virale dirigée par Luc Montagnier, est sollicitée par les cliniciens et virologistes de l’hôpital Bichat. Leur mission : isoler un rétrovirus inconnu, potentiellement lié au HTLV (virus T-lymphotrope humain). En janvier 1983, le laboratoire reçoit le premier échantillon ganglionnaire d’un patient en phase pré-sida. En seulement deux semaines, le virus, alors appelé virus associé à une lymphadénopathie (LAV), est identifié. Le 4 février 1983, la première photographie du virus est prise, portant l’espoir d’une réponse efficace à cette maladie. Le 20 mai 1983, à l’institut Pasteur, à Paris, le virus du sida est officiellement identifié, marquant une étape cruciale dans la compréhension de la maladie. Les premières recherches menées à l’institut Pasteur sur ce nouveau rétrovirus humain sont publiées dans la revue Science. En 1985, l’angoisse face à ce virus gagne en ampleur : le journal Le Point le qualifie de «virus de la panique». En 1986, le terme «VIH/HIV» voit le jour. Le virus responsable du sida, d’abord désigné LAV en France et HTLV-3 aux États-Unis, est ensuite baptisé VIH.