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Le port, un poumon qui s’essouffle
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Le port, un poumon qui s’essouffle
Le port de Port-Louis, «le poumon de la vie économique de Maurice, montre des signes avancés de dégradation du niveau de sa compétitivité».
C’est une des rares fois que les principaux utilisateurs du service portuaire, issus des secteurs sucrier, manufacturier et importation/exportation se disent inquiets par rapport aux opérations dans le port où sont absents le désir d’y augmenter le niveau de productivité et celui de sa compétitivité. En raison des retards dans la livraison de certains produits, le consommateur risque de ne pas être en mesure d’éviter le coût à l’achat qui va avec.
«Le port de Port-Louis, le poumon de la vie économique de Maurice, montre des signes avancés de dégradation du niveau de sa compétitivité.» C’est un descriptif sur lequel presque tous les principaux clients de la Cargo Handling Corporation (CHC), compagnie privée appartenant à l’État et unique fournisseur d’un service de manutention de marchandises installées en conteneurs. Elle opère dans les secteurs pour lesquels l’envoi de marchandises par bateau est indispensable, tel leMauritius Sugar Syndicate (MSS) pour ses exportations de sucre vers le marché européen, les entreprises de l’industrie manufacturière, surtout le segment de l’habillement tant pour l’importation de matières premières que pour l’exportation des produits finis,mais aussi parmi les membres de la communauté de transitaires chargés d’assurer la gestion du transport des marchandises de leurs clients.
Elle est longue la liste de reproches faits par rapport au mode opératoire du port de Port-Louis. Il s’agit entre autres, selon un condensé de témoignages, de la baisse du niveau de productivité, qui a pour résultat le départ précipité des navires sans avoir terminé le déchargement ou le chargement des conteneurs prévus avec à leur bord des conteneurs destinés au port de Port-Louis qui partent vers d’autres ports en raison de contrat de transbordement, et de la baisse du niveau de compétitivité, autrement dit que Maurice aurait depuis longtemps perdu son statut du prestataire portuaire par excellence de la région au profit de Madagascar. La Grande île qui, avec un contingent de 17 ports et à qui le statut de Ports d’intérêt national (PIN) et de Ports d’intérêt régional (PIR) a été attribué, est menée par les ports deToamasina et d’Ehoala, qui ont bénéficié d’un lifting conséquent grâce respectivement à un prêt de $ 411 millions de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) et de Rio Tinto, une multinationale anglo-australienne engagée dans l’industrie minière.
«Cut and run»
Il y a également, selon les témoignages : l’impact d’une politique mise en place par des sociétés de service maritime communément appelé cut and run, qui veut littéralement dire «quitter le port de Port-Louis quel que soit le niveau de chargement ou de déchargement atteint» ;le prolongement de la durée du transport des marchandises, que ce soit à l’importation ou au niveau des exportations ; la réaction des lignes maritimes qui font les frais du mode actuel de fonctionnement du port de Port-Louis par l’imposition d’un frais d’engorgement portuaire de USD 200 par TEU (twenty-foot equivalent unit), qui correspond à l’unité de mesure pour ce qui est du trafic conteneurisé, et la gestion qualifiée d’inquiétante des conteneurs.
Parmi les conséquences découlant de l’état de situation dans le port de Port-Louis, figurent entre autres :le risque que Port-Louis ne soit plus considéré comme un port fiable aux yeux des lignes maritimes mondiales ; la perte de crédibilité des clients à l’égard des fournisseurslocaux de produits d’exportation, principalement le sucre et les produits d’habillement ; l’annulation des commandes par les acheteurs, vu que les produits n’ont pu arriver à temps dans les centres commerciaux ; la hausse du coût des produits de ces conteneurs, qui, en raison du problème d’engorgement au port de Port-Louis, ont été dirigés vers d’autres ports et qui nécessite le recours à un autre moyen de transport maritime, surtout si le conteneur contient des produits liés à des travaux de construction ; le risque potentiel que les commandes, pour satisfaire les nombreuses demandes associées à la célébration des fêtes des fins d’année, arrivent en retard, et des hausses de prix de certains produits affectés par les retards de livraison.
«Qui, à la fin de la journée, va payer les frais des manquements que nous déplorons au niveau de la gestion du port de Port-Louis ?», argue Afzal Delbar, Managing Director de Silver Line Services Ltd, un transitaire. «Ce seront les clients qui vont acheter les produits concernés. Les partenaires qui sont les plus importants d’un port, et celui de Port-Louis ne fait pas exception à cette règle, ce sont les propriétaires de navires des lignes maritimes. Ils ne sont pas venus ici pour s’entendre dire qu’en raison d’une quelconque insatisfaction, il va y avoir des perturbations dans le programme de chargement ou de déchargement. Ils risquent de vous fermer la porte au nez.» Selon Dominique de Froberville, président de la Mauritius Export Association (MEXA) : «Il ne s’agit pas seulement de gérer le court terme, mais également le long terme. Le port de Port-Louis a l’obligeance de faire la démonstration de sa capacité à être efficace, productif et compétitif. Les représentants du secteur privé sont disposés, comme cela a toujours été le cas, à s’asseoir autour d’une table avec les autorités gouvernementales pour chercher ensemble les solutions aux défis actuels auxquels le port est confronté.»
Ce qui inquiète le plus Devesh Dhukira, Chief Executive Officer (CEO) du MSS, entité chargée de la commercialisation du sucre mauricien sur le marché extérieur, c’est le risque que les partenaires étrangers perdent confiance dans leurs clients mauriciens. «Ce qui se passe en ce moment est grave. Il faut faire quelque chose pour éviter que la situation se dégrade davantage. Lorsqu’on a perdu de la crédibilité aux yeux d’un partenaire, il est difficile de la retrouver. Les problèmes auxquels nous faisons face actuellement sont venus se greffer sur les répercussions de nos opérations découlant del’évitement du trafic maritime en mer Rouge. Il nous est difficile d’opter, comme alternative, pour le recours au transport par le service aérien. Nous exportons quelque 13 000 conteneurs par an, soit une moyenne de 250 par mois. Jusqu’ici, la durée de transport de ces conteneurs se situait entre 40 et 45 jours. Présentement, elle prend 90 jours.»
Pour Deas Chukhooree, CEO de World Knit, l’industrie manufacturière a tant de défis à relever qu’elle n’avait pas besoin de ce qui passe dans le port de Port-Louis, qui aura un impact sur son coût de production. Parmi ces défis, il cite : la difficulté de contrôler l’impact du taux d’absentéisme des travailleurs mauriciens qui sont encore dans le secteur ; le coût des ajustements salariaux que les entreprises sont tenues d’honorer ; l’impossibilité de tirer profit des opportunités franches qui se présentent actuellement à l’industrie, et le risque de devoir, si la situation se complique davantage, d’envisager la possibilité de déménagement vers les destinations où les opérations permettent d’envisager l’avenir avec plus d’optimisme. «La situation est compliquée.»
Dans les milieux proches de la CHC, on regrette que certains aient tendance à jeter tout le blâme sur elle au lieu d’analyser la situation sous d’autres angles, comme le fait que le niveau d’activités du port de Port-Louis a considérablement augmenté, la nécessité de remplacer deux à trois portiques, qui est venue compliquer la situation. On fait ressortir que ce qui se passe à Port-Louis est une situation qui peut être observée ailleurs. On souligne que ce qui se passe dans le port n’est que temporaire et que le problème de productivité sera réglé, dans une large mesure, lorsqu’entrera en scène le programme qui interdit aux membres du personnel de prendre des congés. Dans certains milieux, on souligne que la Mauritius Port Authority, l’organisme régulateur des activités portuaires, a une part de responsabilité dans ce qui se passe actuellement dans le port et qu’il ne faut pas mettre tout le blâme sur la CHC.
Dans le milieu du port, ils sont unanimes à indiquer que la recherche de solutions pour les problèmes qui se manifestent actuellement dans le port devrait être considérée comme la priorité des priorités du nouveau gouvernement.
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