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Le pouvoir solitaire
Le pouvoir, dans les systèmes politiques, est souvent conçu comme une ressource limitée, ce qui explique pourquoi il est rarement partagé par les grands leaders politiques. Le fait que Navin Ramgoolam ait conservé les Finances, nommé le gouverneur de la Banque centrale, un «Attorney General» et le commissaire de police avant la constitution du Conseil des ministres porterait à croire que le Premier ministre veut davantage régner que gouverner. L’autre fait que Paul Bérenger soit un numéro 2 sans ministère renforcerait cette impression d’un PM tout puissant qui ne souhaite pas partager le pouvoir. Or, le leader du MMM aurait, en fait, signifié son refus pour les Affaires étrangères pour éviter de fréquents déplacements en avion.
Une bonne communication est essentielle pour dissiper l’impression qui se dégage – surtout avec quasiment tout le monde saluant et respectant les «prérogatives» de Navin Ramgoolam.
Or, il y a, au-delà du partage politique entre quatre partis, dans l’acte de gouverner, une solitude inévitable. C’est la solitude de la décision, la responsabilité ultime face aux choix qui marquent l’Histoire. Mais il y a aussi une autre solitude, plus obscure et plus inquiétante : celle du pouvoir qui refuse de se partager. Cette solitude n’est pas seulement celle d’un homme ou d’une femme à la tête d’un État ; elle est le symptôme d’un mal plus profond, enraciné dans nos institutions, nos attentes collectives et nos imaginaires politiques.
Le refus de partager le pouvoir n’est pas une exclusivité mauricienne. C’est une tentation universelle, un reflet de la condition humaine face à l’autorité. Mais il existe dans la politique contemporaine des manifestations particulièrement visibles de cette tentation et l’actualité mauricienne en offre une illustration troublante. La concentration des pouvoirs entre les mains de quelques-uns, souvent d’un seul, est souvent une question de stratégie ou d’efficacité.
Les grands leaders politiques aiment à se présenter comme des figures fortes, des guides nécessaires dans un monde incertain. Ils justifient la centralisation du pouvoir par le besoin de rapidité dans la décision, d’unité dans l’action, d’autorité dans la vision. Mais derrière cette rhétorique se cache une réalité bien plus banale : la peur de la dissension. Dans une époque où chaque décision est scrutée, disséquée et contestée, la tentation de tout contrôler devient irrésistible et incomprise.
Si le pouvoir se concentre, c’est aussi parce que la méfiance règne. En politique, les alliances sont fragiles, les loyautés sont souvent intéressées et les trahisons ne sont jamais loin. Les grands leaders politiques préfèrent s’entourer d’un cercle restreint de fidèles, souvent choisis non pour leur compétence, mais pour leur loyauté. Ce phénomène, que l’on observe partout, a pris à Maurice la forme d’une véritable «kwizinn» – un cercle occulte de décideurs non élus qui, dans l’ombre, façonnent les politiques publiques.
Cette méfiance n’est pas seulement dirigée vers les adversaires politiques ou les alliés potentiels. Elle s’étend au peuple lui-même. Le citoyen est perçu comme une masse informe, à la fois trop émotive et trop exigeante, incapable de comprendre la complexité du pouvoir ?
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