Publicité

Manière de voir

Le socioculturel se joue à deux

18 novembre 2023, 09:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Le Ganga Snan va clôturer le calendrier des fêtes célébrées par ce qu’on appelle les organisations socioculturelles du pays. Les politiciens évitent de se ‘mouiller’ à l’occasion du Ganga Snan car ils ne seraient pas prêts à prendre des risques avec l’état d’esprit des hommes, qui se mobilisent à cette occasion.

Pour les autres fêtes, les organisations socioculturelles roulent à plein régime. Il est surtout question d’inviter les hommes au pouvoir à prendre la parole à ces occasions. Une «win-win situation», à la fois pour les dirigeants de ces organisations que pour les politiciens invités.

Les meneurs du secteur socioculturel sont généralement des employés du gouvernement ou d’institutions contrôlées par l’Etat. Sinon, ils sont des petits entrepreneurs. Voilà une occasion en or pour activer des lobbies de tous genres, notamment en faveur de nominations et de promotions. Pour ceux qui pensent gros et grand, on voit même Molnupiravir ou Pack & Blister à l’horizon.

Pour les hommes politiques, voilà une importante plateforme pour assurer leur marketing et attaquer des adversaires. Ainsi, dans la série qui vient de prendre fin avec les célébrations de Divali, on a même évoqué le jugement du Privy Council et l’octroi des terrains sur la plage en vue de la construction d’hôtels. En effet, en 2023, on parle politique lors des célébrations et Ram et Rawan sont invités dans la controverse.

La participation des hommes politiques aux célébrations religieuses a alimenté des débats qui durent depuis des décennies. C’était déjà la pratique dans les années qui ont précédé 1982, année charnière dans l’évolution politique de Maurice. Avec la forte charge raciste et communale qui a marqué la scission au sein du Mouvement militant mauricien et les élections générales de 1983, le ‘socioculturel’ est devenu un acteur incontournable. Le Mouvement socialiste militant a bien joué sur ce créneau jusqu’en 1995.

Au cours des mois précédant les élections générales de 1995, le MSM et sir Anerood Jugnauth ont exploité à fond la controverse sur le poids des langues orientales aux examens de fin de cycle primaire. Cette carte a effrayé même Paul Bérenger alors en alliance avec Navin Ramgoolam. Ce dernier n’a nullement été inquiété par la campagne de Jugnauth en vue des élections de 1995. Pour la première fois dans l’histoire politique de Maurice, un leader politique et chef du gouvernement a concédé la défaite à la fermeture des bureaux de vote le jour même du scrutin. Sir Anerood l’avait bien vu : le lendemain, il a essuyé le deuxième 60-0 de l’histoire.

Fort de cette expérience, sir Anerood est resté loin des acteurs du socioculturel. Après sa victoire de 2014, acquise par l’exploitation soutenue du facteur ‘Bérenger Premier ministre pour cinq ans avec le soutien de Ramgoolam’, le climat a été créé pour un certain type de combat politique. Ce que le MSM a exploité encore en 2019 autour de l’affaire ‘katori’.

La carte socioculturelle sert évidemment à raffermir une base politique et électorale et constitue une arme de mobilisation. Mais c’est une arme à double tranchant en raison de son impact d’aliénation des ‘autres’. Ainsi, si un parti politique croit pouvoir galvaniser une composante, elle risque d’aliéner les Mauriciens qui pratiquent d’autres religions. Et à l’intérieur même de la composante visée, on s’expose à l’aliénation d’autres groupes dont l’héritage ancestral linguistique est différent. Ainsi, on a assisté au type de backlash provoqué par la décision du gouvernement d’annuler le bail d’un terrain au Réduit pour le confier à Avinash Gopee ou encore, sous le gouvernement travailliste, d’inverser la première position du message en tamoul sur les billets de banque.

Le MSM joue à merveille le jeu socioculturel si on le juge par ses prestations quotidiennes à la MBC. Si les avis sont partagés sur l’impact réel de ce phénomène aux prochaines élections, il serait intéressant de noter que le Parti travailliste s’est lui aussi mis de la partie lors des célébrations du Divali et a également parlé de Ram et Rawan.

L’enjeu pour les Rouges est toutefois différent de celui du MSM. On croirait que le Labour chercherait à adresser un message au MSM pour lui dire que ce jeu socioculturel, on pourrait bien le jouer à deux. Et qu’on est disposé à battre le MSM sur son propre terrain. Voilà les lignes de bataille tracées à coups de tika.