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Le virage numérique face aux exigences modernes des annonceurs

10 janvier 2024, 22:00

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Le virage numérique face aux exigences modernes des annonceurs

Les publicitaires sont catégoriques : il y a reprise du marché et un regain de confiance. Des entreprises ont commencé à réévaluer leur budget publicitaire, occasion stratégique pour réinvestir dans la promotion de leurs marques, produits et autres services. Cela, dans le but de cibler une nouvelle clientèle et de consolider leur positionnement sur un marché hautement concurrentiel ; plus d’une vingtaine d’opérateurs brassant plus de Rs 1 milliard en 2022.

Vino Sookloll, FCB Cread

«Une multitude de possibilités pour toucher son audience» lexp - 2024-01-10T221625.613.jpg

Vino Sookloll, Innovative Brand and Creative Consultant chez FCB Cread, note que les opérateurs économiques ont peut-être observé les avantages à long terme d’une présence constante sur le marché grâce à des campagnes publicitaires bien ciblées. Cependant, le fondateur et consultant en création de Cread constate que le format reste le même pour les grands magasins où un accent particulier est mis sur les périodes de grandes fêtes. «On prévoit que 2024 devrait être encore plus propice pour communiquer avec l’augmentation des salaires, l’arrivée de nouvelles enseignes et le lancement de nouvelles marques sur le marché.» Et d’insister sur le fait que les acteurs économiques reconnaissent aujourd’hui le rôle crucial du marketing et de la publicité dans la croissance et la stabilité à long terme de leurs marques.

Par ailleurs, Vino Sookloll constate que dans de nombreux cas, les budgets publicitaires ont subi des ajustements significatifs à la suite de la pandémie de Covid-19. Même le modèle de «doing business» a changé. «Les entreprises ont été forcées d’adopter le numérique en créant des pages de réseaux sociaux, des sites web d’e-commerce, des réunions virtuelles ou la livraison à domicile. Beaucoup ont mis en place une équipe interne principalement dédiée aux réseaux sociaux pour une communication à moindre coût.»

Vino Sookloll a ainsi observé une réduction globale des dépenses publicitaires dans certains secteurs, où certaines entreprises ont gelé ou réduit leurs campagnes publicitaires pour réallouer leurs ressources à la transition vers le numérique, le renforcement des opérations en ligne ou la gestion des nouvelles réalités commerciales imposées par la pandémie. «Les entreprises ont souvent cherché à maximiser leur retour sur investissement, en privilégiant des canaux plus rentables ou en réduisant temporairement les apports dans des initiatives publicitaires plus coûteuses.»

Si une agence a toujours à cœur la réussite d’une campagne, toutefois les résultats ne dépendent pas uniquement de la publicité. «Le publicitaire communique ce qu’on lui demande de communiquer. L’offre est formulée par les départements commerciaux et marketing. Selon l’objectif principal de la campagne, les agences sont souvent appelées à accompagner le client pour revoir ou peaufiner le brief afin de mieux cibler ou de mettre en avant les valeurs intrinsèques du produit ou celles de la marque.»

Hier comme aujourd’hui, Vino Sookloll note que le développement d’une stratégie et d’un plan média n’a pas changé de manière drastique. Au contraire, il est devenu plus complexe avec la mul- titude de possibilités pour toucher son audience. «Traditionnellement, le critère principal pour décider d’insérer une publicité dans une publication ou de diffuser un spot publicitaire à la radio était souvent lié à l’audience ou au lectorat. Mais ce n’est pas toujours le seul facteur pris en compte. Pour une publication, comme un magazine ou un journal, le nombre de lecteurs est important, mais d’autres aspects entrent en jeu. Par exemple, la pertinence du public cible par rap- port au contenu de la publication, la qualité du lectorat (par exemple, son pouvoir d’achat, ses intérêts, etc.), et même l’alignement avec l’image de la publication peuvent influencer la décision.» Avec l’évolution du marketing et des technologies, d’autres critères entrent en jeu, comme la pertinence du canal par rapport au public visé, la personnalisation des messages, l’engagement potentiel des consommateurs, voire les données démographiques et comportementales spécifiques des auditeurs ou des lecteurs.

Vino Sookloll estime que les médias en ligne et les réseaux sociaux sont devenus la norme au détriment des médias traditionnels. Il trouve domma- geable d’un manque de maîtrise sur la raison d’être des différents supports traditionnels. «Qui lit, écoute ou regarde quoi, quand et comment ? Les sondages traditionnels nous donnent uniquement une version de la réalité et nous nous contentons de cet état de choses. Si l’on nous fournissait plus d’insights sur les consommateurs des médias, nous utiliserions plus judicieusement les médias traditionnels.» Or, la communication en ligne va se renforcer avec la panoplie de possibilités digitales et le drame, selon lui, est qu’avec l’intelli- gence artificielle, «on risque de tomber dans la facilité et l’abondance, surtout quand cela tombera entre les mains d’amateurs, ce qui peut mettre en péril l’existence même d’une marque».

Cyril Palan, Logos Publicité

«Sans les pubs, les entreprises ne peuvent pas faire du chiffre» lexp - 2024-01-10T221715.245.jpg

Le directeur de Logos Publicité, Cyril Palan, a déjà vu une baisse au niveau de budgets publicitaires à partir de 2017-18 avec certains annonceurs qui ont graduellement commencé à créer leurs propres boîtes de publicités en interne. Ce qui a entraîné un changement d’approche dans l’allocation des campagnes publicitaires des grandes sociétés. La seule différence étant toutefois que tout le travail de création était confié aux agences alors que l’achat d’espace se faisait directement aux médias ou par le biais des agences d’achat médias. De ce fait, les budgets attribués aux agences ont été considérablement réduits au fil des années.

Pour Cyril Palan, il y a eu un changement de stratégie de marketing post-Covid en dépit du fait que les budgets n’aient pas connu de baisse. «La radio, l’affichage, les panneaux grand format et maintenant l’habillage du métro ont connu une accélération. La publicité télévisuelle a régressé au profit des radios privées et autres sites en ligne.» Cependant, les annonceurs savent pertinemment bien que sans publicités, ils ne peuvent pas faire du chiffre. Ainsi, si les moyens de communication ont connu des changements et les approches diffèrent, la jeune génération et les jeunes adultes ont complètement décroché des médias traditionnels et ne s’informent que par les réseaux sociaux. De fait, les tirages des journaux ainsi que les volumes de publicités ont connu une baisse conséquente. Comme pendant la période Covid 2019-2020, le public s’informait en ligne sur les promotions et autres services commerciaux.

Certes, le consommateur reste roi car c’est lui qui décide d’acheter ou pas. Or, le drame est que les annonceurs ont restreint les budgets confiés aux agences et la part du lion est allée aux divers moyens médiatiques hors agences. «C’est assez complexe et imprévu pour les agences de revoir leur modèle d’entreprise. D’autres ressources doivent être exploitées pour maintenir la tête hors de l’eau. Certaines se sont donc reconverties en agences digitales à plus de 60 % pour faire face à la baisse de leur chiffre d’affaires et ont ajouté d’autres créneaux à leur panoplie de services.» Aujourd’hui, l’équation tarif-tirage-cible étant peu comparable. Le coût de la publicité traditionnelle devient donc de plus en plus élevé et a moins d’impact sur le lecteur.

Avec ce shift sur le digital, il est indéniable que la baisse continuera au niveau des volumes de publicités dans les médias traditionnels. «Ce serait dommage pour Maurice, si les journaux commencent à disparaître comme c’est le cas en ce moment à La Réunion. Pour un pays qui compte 250 ans d’histoire de la presse, il faut tout faire pour conserver ce patrimoine intellectuel si ancré dans notre quotidien. (…) Il y a des choses qui ne pourraient se faire qu’à travers la presse écrite, les belles publicités institutionnelles avec des textes explicatifs, les belles présentations graphiques et photographiques. De plus, tenir entre ses mains un journal procure une sensation pour la lecture qui est peu comparable au numérique.»

Pria Thacoor ( P&P Link)

«Les campagnes traditionnelles offrent un élément de confiance» lexp - 2024-01-10T221748.844.jpg

Pria Thacoor, Executive Director de P&P Link, qui s’est vue décerner le titre d’Agency of the year 2023 in an Indian Ocean Creative Award Ceremony à l’île de La Réunion, observe que la configuration de ce marché a grandement évolué. «Incontestablement, la pub digitale gagne du terrain. Ce n’est pas un phénomène nouveau, qui date de plus de quatre à cinq ans, mais qui s’est accentué dans le sillage du Covid-19.» À l’instar d’autres spécialistes de ce secteur, elle note une reprise du marché publicitaire par rapport aux cinq dernières années avec un retour de confiance chez les entreprises.

Aujourd’hui, l’offre des annonceurs se résume généralement à un package comprenant à la fois la publicité traditionnelle, couvrant la presse écrite, la radio, la télévision ou encore les billboards, et celle destinée à la plateforme numérique, avec une proportion de 60 % et 40 % respectivement. Si Pria Thacoor note une demande soutenue de la part des annonceurs pour les pubs digitales, elle constate qu’en termes de budget publicitaire, celui alloué à la publicité traditionnelle demeure de loin le plus conséquent en raison des coûts élevés d’une campagne des billboards avec toute logistique nécessaire. «Animer une page sur les réseaux sociaux pour le compte d’un client requiert des compétences techniques. Il nous faut concevoir la page, l’alimenter sur une base quotidienne en sachant les informations à communiquer pour séduire la clientèle ciblée. Il faut systématiquement actualiser la page et tenir compte des instructions du client tout en faisant des recommandations. C’est un full-time job pour un spécialiste du digital.»

Après 30 ans à la tête de P&P Link, Pria Thacoor constate : «Toutes les études le montrent. La publicité, peu importe les formes qu’elle prend, influe sur le bottom-line et fait bouger le cours d’une société en bourse.» Toutefois, malgré l’essor du digital dans les campagnes de pub, la publicité dite traditionnelle demeure par excellence seule qui rassure de plus les consommateurs.