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Autonomie de Rodrigues
L’eau, le véritable défi
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Autonomie de Rodrigues
L’eau, le véritable défi
À hier, l’unique réservoir à Anse-Raffin, d’une capacité de 80 000 mètres cubes, n’était qu’un bassin de canards.
Octobre 2002-octobre 2023. L’île Rodrigues célèbre sa 21e année d’autonomie aujourd’hui. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, est l’invité d’honneur à cette célébration. Le grand défi du gouvernement régional de Rodrigues demeure la fourniture d’eau à sa population de 44 783 personnes à décembre 2022.
Depuis l’avènement de l’autonomie de Rodrigues en octobre 2002, les différents gouvernements, dirigés la plupart du temps par l’Organisation du Peuple de Rodrigues, ont essayé de régler le problème d’eau dans l’île. Le gouvernement actuel dirigé par le chef commissaire Johnson Roussety croit pouvoir relever ce défi bien que la situation se complique davantage avec le réchauffement climatique. La météo note que la pluviométrie est inférieure dans l’île depuis le début de l’année alors que cela fait plusieurs mois qu’il n’a pas plu à Rodrigues. À hier, le seul réservoir de l’île à Anse-Raffin, d’une capacité de 80 000 mètres cubes, n’était qu’un bassin de canards. La population ne dépend que de l’eau des stations de dessalement d’eau de mer pour subvenir à leurs besoins alors que l’eau coule périodiquement dans le robinet.
À son arrivée au pouvoir en 2022, le gouvernement dirigé par l’alliance Front Patriotique Rodrigues écologique, le Parti mauricien social-démocrate Rodrigues, l’Union du Peuple de Rodrigues, le Mouvement Militant Rodriguais et le Mouvement Indépendantiste Rodrigues avait annoncé une réforme du secteur de l’eau. L’une des mesures prises a été la création d’une compagnie privée, la Rodrigues Public Utilities Corporation (RPUC) responsable de la distribution, la gestion et la production d’eau potable dans l’île. D’ailleurs, cette société vient tout juste de signer un contrat avec une compagnie israélienne, Mokorot Development and Enterprise Ltd, pour préparer un plan de 15 ans afin de fournir l’eau potable à la population. Il devra également préparer les documents d’appels d’offres pour ces différents projets.
Il nous revient que l’Assemblée régionale de Rodrigues (ARR) et la RPUC misent beaucoup sur le dessalement de l’eau de mer pour subvenir aux besoins de la population. «Cela ne veut pas dire que ce sera notre unique source en eau. La RPUC aura également pour tâche d’aménager et d’entretenir de nouveaux barrages, mais pour les remplir, il faudra de la pluie. Nous ne pouvons rien faire pour remplir ces barrages s’il ne pleut pas, comme c’est le cas actuellement. Il nous faut aussi des sources alternatives», déclare un proche de l’ARR. D’ailleurs, la Mauritius Investment Corporation a prêté à l’ARR une somme de Rs 1 milliard destiné au secteur de l’eau.
La demande quotidienne en eau est de 12 000 mètres cubes. Toutefois, les différentes stations de dessalement de l’île n’arrivent à produire que 6 000 mètres cubes par jour. L’ARR et la RPUC travaillent sur un plan pour aménager une autre station de dessalement de 3 000 mètres cubes à Pointe-Coton ; mais cela ne va pas se faire dans les jours à venir en raison des procédures. «Dans l’immédiat, nous allons aménager trois petites unités de dessalement. Ce sont des containerized desalination plants pouvant produire 350 mètres cubes d’eau par jour», explique notre source. Elle nous explique aussi que le gouvernement régional installe de nouveaux tuyaux sur toute l’île pour acheminer l’eau dès qu’elle est disponible et qu’il a distribué des réserves d’eau à la population.
Reboiser les terrains vagues est l’un des moyens de conserver l’eau souterraine.
Par ailleurs, Karl Gentil, président de l’Association des consommateurs de Rodrigues, maintient que la fourniture d’eau potable aux Rodriguais doit être une priorité et que c’est la plus grosse attente de la population. «Je crois que ce défi n’est plus insurmontable quand je vois que désormais, il y a une nouvelle stratégie et une nouvelle vision. Il faut capter l’eau de surface, l’eau des nappes phréatiques et il faut aussi compter sur le dessalement», insiste-t-il. Toutefois, il y a un hic, note-t-il. Ce travailleur social admet que Rodrigues est autonome, mais il ne comprend pas pourquoi le gouvernement central doit prêter Rs 1 milliard à l’ARR pour un projet d’eau dans la même république. Le syndicaliste, Alain Tolpize, de la Rodrigues Governement Employees Association s’est toujours posé la même question.
Par ailleurs, la démarche du gouvernement régional serait-elle contradictoire ? D’une part, il n’arrive pas à produire assez d’eau pour sa population, mais il fait des campagnes promotionnelles en Europe, à La Réunion et à Maurice pour le tourisme de masse. De plus, avec la construction d’une nouvelle piste d’atterrissage, il y aura davantage de vols régionaux qui débarqueront davantage de personnes qui consommeront plus d’eau. Notre source, proche de l’ARR, affirme qu’il n’y a rien de contradictoire et que c’est pour cette raison que le gouvernement régional prépare un plan à moyen et long termes. «L’île dépend beaucoup des touristes pour faire marcher toutes les activités économiques. Les pêcheurs jusqu’aux hôteliers ont besoin des touristes. Nous prévoyons de produire 12 000 mètres cubes d’eau par jour à court et moyen termes. Toutefois, d’ici 2025-2027, nous devrons être en mesure de produire 18 000 mètres cubes d’eau quotidiens. Ce n’est pas uniquement à cause des touristes, mais nous devons nous préparer pour des raisons économiques et démographiques. D’où notre plan à long terme»,dit-elle.
Le reboisement pour soulager le problème
Les Rodriguais l’ont compris. Il n’y aura pas d’amélioration dans le stockage d’eau, s’il n’y a pas de reboisement de l’île. Un plan a été mis sur pied depuis plusieurs années. Alain Perrine, du département des Bois et forêts de la commission de l’Agriculture, affirme que de 2018 à 2023, ils ont planté 200 000 arbres endémiques dans l’ouest de l’île et 100 000 à Montagne-Limon. Leur objectif est de reboiser 100 hectares par année, s’ils ont les moyens. Depuis quelque temps, ce département aménage également des mini-forêts. La forêt rodriguaise couvre une superficie de 3 000 hectares avec 90 % de plantes exotiques, dont 1 000 hectares occupés par le «pikan loulou», qui est très résistant. Faute de ressources financières, le département des Bois et forêts n’arrive pas à les éliminer. Toutefois, d’autres plantes exotiques, grandes consommatrices d’eau, sont remplacées par des plantes endémiques qui conservent l’eau souterraine. La commission de l’Agriculture envisage également de reboiser un hectare de terrains vagues, mais elle n’a pas les ressources nécessaires pour le moment.
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