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L’électeur d’aujourd’hui et le Mauricien de demain

18 août 2024, 11:00

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Dans quel pays vivrons-nous demain (du moins, je parle de ceux qui ne choisissent pas l’émigration) ? Alors que les partis politiques focalisent leurs tirs, sous la ceinture, sur leurs adversaires politiques, il y a un déficit d’idées nouvelles pouvant générer un manifeste ou programme gouvernemental. Ainsi, les électeurs parlent davantage des acteurs et actrices politiques au lieu de focaliser sur les propositions des uns et des autres.

En 1995, Joël de Rosnay nous disait que l’homme ou la femme du futur serait ni créature bionique ni surhomme ni robot. Pour cet ancien directeur des applications de la recherche à l’Institut Pasteur, «ce sera l’homme symbiotique ; un être de chair et de sentiments, associé dans une étroite symbiose à un organisme planétaire qu’il contribue à faire naître». De Rosnay, qui a d’abord étudié les molécules pour déchiffrer les origines de la vie, décrivait alors l’esquisse d’un macro-organisme constitué par l’ensemble des hommes et des femmes et de leurs machines, des nations et de grands réseaux de communication. Sa thèse : la connexion des êtres au cerveau planétaire ou la maîtrise de la «vie artificielle» sont les étapes déterminantes de la naissance de «l’homme symbiotique».

Vingt-deux ans plus tard, c’est «l’homo deus» qui a surgi, sous la plume de l’écrivain Yuval Noah Harari. Comme de Rosnay, il interroge l’avenir à l’heure des algorithmes de plus en plus intelligents. «Que deviendront nos démocraties quand Google et Facebook connaîtront nos goûts et nos préférences mieux que nous-mêmes ?» Harari va plus loin que de Rosnay en posant les questions pratiques de notre époque avec une perspective longue. L’État providence va-t-il disparaître quand les hommes et les femmes seront évincés du nouvel ordre du marché de l’emploi par des ordinateurs bien plus performants que nous ? Quel salaire minimum ou quel réalignement pour les super computers ?

Nombre de chercheurs pensent que la machine learning et l’intelligence artificielle ont déjà remplacé, sans que l’on se l’avoue, le pouvoir humain de décision. Le travail est aujourd’hui hybride, car le travail se fait de plus en plus via des réseaux, et de moins en moins du bureau. Les détails du télétravail sont codifiés avant d’être normalisés pour couper les coûts, réduire le trafic et la pollution urbaine. Les crypto-monnaies sont de plus en plus en circulation virtuelle.

Ces réalités dépassent la science et la technique telles que nous les connaissions. Le nouveau regard sur nous ne pourra passer qu’à travers de nouvelles approches politiques, économiques, écologiques et culturelles. Pourquoi payer aussi cher pour des énergies fossiles, qui polluent notre monde ?

Dès lors, comment construire un monde plus juste et plus équitable quand l’inflation frappe en raison de facteurs indigènes, endogènes et exogènes ? Comment reconstruire l’école de demain et concevoir les industries et la croissance quand le dérèglement climatique édicte les normes et dicte les conduites ? Où commencer surtout…

Et nos dirigeants politiques, dont la plupart ont pris naissance dans l’ancien monde, pourront-ils s’aligner sur ces nouvelles valeurs humanistes, en alliant sciences physiques et humaines, afin de dégager une vision optimiste et réaliste de notre devenir commun ?

Si on pouvait rêver le Mauricien de 2024, il serait un être libre, qui ne dépendra pas du gouvernement, de son papa ou de ses cousins pour un emploi, une promotion, un avantage sur les autres. Il ne participera pas à la grande braderie de l’argent public. Il ne courbera pas l’échine devant le pouvoir et refusera qu’on le prenne pour un demeuré. Il refusera de subventionner la MBC, réclamera la libéralisation complète des ondes et refusera les coups de ciseaux de la censure étatique. Il rejettera les lois scélérates et liberticides. Il demandera une Freedom of Information Act, une loi contre le financement politique occulte et une autre pour mettre fin au cumul des mandats. Il exigera une réforme électorale en profondeur et refusera d’être placé dans une des quatre cases communautaires, imposées par la Constitution, qui nous divise au lieu de nous unir. N’est-ce pas ?