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Questions à… Me Antoine Domingue
«Les conversations privées ne devraient pas être diffusées sans consentement»
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Questions à… Me Antoine Domingue
«Les conversations privées ne devraient pas être diffusées sans consentement»
Me Antoine Domingue, «Senior Counsel»
Le Conseil des ministres a, vendredi, approuvé la mise sur pied d’une commission d’enquête, conformément aux dispositions de la «Commission of Inquiry Act», pour examiner une question d’intérêt public : l’allégation d’utilisation abusive des infrastructures de télécommunications ainsi que la diffusion récente de conversations téléphoniques présumées sur les réseaux sociaux et autres plateformes. Cette commission sera présidée par un ancien juge, assisté de deux experts étrangers en tant qu’évaluateurs. Cependant, une question cruciale demeure : les bandes sonores en question seront-elles diffusées lors des auditions de cette commission ? Me Antoine Domingue nous apporte des éclaircissements…
Est-il nécessaire d’obtenir le consentement des personnes impliquées dans les conversations avant de les diffuser ?
Je pense qu’en règle générale, oui, les personnes concernées ont droit à leur privacy (voir s10(10) (a) de la Constitution), autrement ce serait un serious breach de leurs droits fondamentaux sous la Constitution. Tout le monde s’accorde sur ce point. Cela a été dit par Navin Ramgoolam et répété par Ivan Collendavelloo, Senior Counsel. Mais avant de venir à la question de la diffusion du contenu de ces conversations, il faut se poser la question suivante : quid des interceptions et des enregistrements qui n’ont pas été autorisés, qui sont anticonstitutionnels et qui n’entrent pas dans les paramètres de la loi ? Cela constitue un crime qui est sévèrement réprimé par la loi. Tout contrevenant encourt une amende ne dépassant pas Rs 1 million et une servitude pénale ne dépassant pas dix ans. Ce qui est suffisamment dissuasif. D’autre part, si c’est le fait de l’État, ou des agents et préposés de l’État agissant de façon illégale, la responsabilité de l’État et des fonctionnaires concernés pourrait être engagée devant les tribunaux.
Dans le cas qui nous préoccupe, il est évident que les interceptions et les enregistrements de conversations téléphoniques ont été faits à l’insu du commissaire de police (CP) et à l’insu des autres personnes concernées. Ils pourraient donc exiger réparation à l’État pour le préjudice causé si cela provient du fait des agents et préposés de l’État qui agissaient dans le cadre de leurs fonctions. En bonne logique, le CP devrait donc penser à poursuivre l’État, mais il ne le fera pas parce qu’il prétend, envers et contre tout, que c’est le fait d’une «intelligence artificielle» dont il ne dit pas le nom.
Serait-ce l’œuvre d’un extra-terrestre ? Cette intelligence artificielle proviendrait-elle d’une autre planète ? Permettez-moi d’en douter… Ce sont bel et bien des conversations entre des humains et nous savons tous qui sont ces humains qui sont tous dépourvus d’intelligence artificielle.
Comment la commission s’assurera-t-elle de l’authenticité des bandes sonores avant de décider de les diffuser ?
Elle enquêtera et sera assistée par des experts reconnus en la matière, et elle aura recours à l’expertise étrangère. Il n’y a rien dans les attributions de la commission telles que définies en Conseil des ministres qui permette de penser que la commission pourra diffuser le contenu de ces communications. De toute façon, elles sont déjà sur la place publique. Que je sache, la commission d’enquête ne sera pas instituée dans ce but mais pour, je traduis et je cite verbatim «enquêter et soumettre son rapport sur une question d’intérêt général, c.à.d. la mauvaise utilisation alléguée des infrastructures de télécommunications et la récente publication et/ou diffusion de conversations téléphoniques alléguées sur les médias sociaux et autres plateformes»
Quelles lois régissent la diffusion de bandes sonores issues de conversations privées
C’est la Constitution du pays et le Code civil mauricien. L’article 22 du Respect de la vie privée stipule : «Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juridictions compétentes peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées par le Juge en chambre.» Ce qui n’est pas un droit absolu, en soi, donc, sous réserve des dispositions coercitives, entre autres, de l’Information and Communication Technologies Act, de la Cybersecurity and Cybercrime Act, de la Financial Crimes Commission Act, de la Dangerous Drugs Act et de la Prevention of Corruption Act. Mais pourvu que ce soit dans le cadre strict de procédures pénales, pas pour être jetées en pâture au public sur les réseaux sociaux pour que tout un chacun se transforme en voyeur….
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