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Arbitrages et dommages

Les lourdes factures des décisions gouvernementales

11 avril 2024, 19:00

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Les lourdes factures des décisions gouvernementales

L’affaire Betamax a débuté en janvier 2015 avec la résiliation du contrat de fourniture de produits pétroliers par le gouvernement Lepep.

Le fardeau financier du gouvernement s’alourdit avec chaque mauvaise décision, engendrant des dépenses colossales qui pèsent sur les contribuables. Des résiliations de contrats controversées aux litiges internationaux coûteux, les erreurs de gestion se traduisent par des milliards de roupies perdues. Ces affaires, telles que l’affaire Betamax, l’affaire Neotown, les investissements perdus, le montant astronomique dû à Alphamix, le remboursement des clients de BAI et les litiges avec des consultants mettent en lumière un schéma récurrent de décisions malavisées entraînant des conséquences financières qui pèsent lourd. De plus, les réclamations pour arrestation arbitraire ajoutent un autre niveau de complexité financière et juridique.

Affaire Betamax : un fardeau de Rs 5,7 milliards

En juin 2021, l’État s’était retrouvé confronté à un verdict financier lourd de conséquences. Suite à une décision rendue par le Privy Council le 14 juin 2021, le gouvernement a eu à rembourser une somme colossale de plus de 5,7 milliards de roupies à la firme Betamax, faisant suite à la résiliation controversée de leur contrat en 2015 par le gouvernement de Lalians Lepep (MSM/PMSD/ML). Le contrat en question concernait l’affrètement de carburant vers le pays, un service essentiel pour l’économie insulaire. Quelques mois seulement après son élection, le gouvernement en place avait pris la décision de mettre fin à cet accord, une démarche qui s’est avérée coûteuse à la lumière des développements juridiques. Le tribunal d’arbitrage international de Singapour, présidé par l’unique arbitre Dr Michael Pryles, avait, dans sa décision en date du 5 juin 2017, donné gain de cause à Betamax et lui avait accordé des dommages de $ 115 267 199. Betamax indique, dans sa notice servie à la STC, avoir encouru des dépenses pour les affaires juridiques et pour les travaux de l’arbitrage. Les sommes dépensées sont: USD 2 823 547,20 (dollars américains), SGD 272 077,79 (dollars singapouriens) et GBP 880 296 (livres sterling). Betamax réclamait aussi des intérêts de l’ordre de 3 % par an à partir de la date du verdict d’arbitrage international, soit le 5 juin 2017, jusqu’à la date du paiement final. Dans son document juridique, la société soutenait que la STC est, à ce titre, maintenant endettée envers elle d’USD 14 287 362,61, de SGD 32 917,69 et de GBP 106 503,76.

Neotown: une facture salée de Rs 1,9 milliard

En janvier cette année, la Permanent Court of Arbitration de Londres a décidé en faveur de Patel Engineering Ltd contre l’État, lui ordonnant de payer Rs 1,9 milliard pour la résiliation d’un bail accordé en 2008 pour développer un projet immobilier aux Salines. Patel Engineering Ltd voulait développer sur les 58 arpents situés aux Salines un vaste projet de waterfront. Du coup, l’État est condamné à payer Rs 1,9 milliard. Cette résiliation avait été décidée en 2015 par Vishnu Lutchmeenaraidoo, invoquant l’intérêt public lié à des projets portuaires, mais sans payer les Rs 250 millions dues pour rupture de contrat. Neuf ans après cette décision, les conséquences financières pour le gouvernement sont non négligeables et un éventuel appel de cette décision pourrait engendrer des frais juridiques supplémentaires. Plus le gouvernement mauricien tarde à verser l’indemnisation, plus les frais d’intérêts continueront d’augmenter.

Les investissements perdus

Rs 110,1 milliards valant aujourd’hui Rs 138,6 milliards d’argent public avaient été investies au 30 juin 2023, les plus gros étant Rs 5,19 milliards dans MauBank et Rs 14,78 milliards dans le National Property Fund (de l’ex-BAI). Ces deux derniers investissements (plus ceux chez CNT et la Poste) totalisant Rs 20,9 milliards «have been wiped out by accumulated losses and were accounted at zero fair value […]», dit le dernier rapport de l’audit. Rs 77,5 milliards valant aujourd’hui Rs 82,2 milliards, équivalant à 85 % du cumul des investissements du gouvernement, n’ont rien rapporté depuis que l’argent y a été investi. Parmi ces investissements, notent les auditeurs, il y a des compagnies qui ont pourtant réalisé d’énormes bénéfices mais n’ont pas remis de dividende au gouvernement. Comme Landscope ou Airport Holdings dans lesquelles Rs 20 milliards et Rs 26 milliards respectivement d’argent public ont été investies.

Marché de Rivière-du-Rempart : plus de Rs 600 M à Alphamix

Cela fait suite à un long combat de cette compagnie devant le Conseil privé où certaines personnes ont sûrement pris des décisions irréfléchies par rapport à une réclamation initiale de plus de Rs 23 991 613. Le litige entre le conseil de district de Rivière-du-Rempart et la compagnie Alphamix a pour toile de fond la construction du marché de Rivière-du-Rempart. Le 6 février 2003, Alphamix Ltd décrochait le contrat. Coût estimé des travaux : Rs 22 millions. Alphamix décide de se tourner vers la Cour suprême en mars 2010 pour réclamer les Rs 23 991 613 dues. La Cour suprême nomme Denis Vellien comme arbitre qui impose, en juillet 2013, au conseil de district, le paiement de Rs 10,3 millions à Alphamix. Le conseil de district n’honore pas ses dettes. Denis Vellien démissionne en 2014. C’est ainsi que le juge Benjamin Marie Joseph est nommé, le 13 février 2015, pour se pencher sur une nouvelle réclamation qui, entre-temps, a atteint Rs 118 M. Le 23 septembre 2016, Benjamin Marie Joseph a accordé Rs 72,9 millions à Alphamix, apparemment comme un award final. Cependant, malgré cette décision, la dette est restée impayée.

Le 31 décembre 2018, dernier jour de son mandat, l’ancien juge Benjamin Marie Joseph ordonne le paiement de Rs 412 millions à Alphamix qui réclamait le paiement de compound interest sur cette même somme de Rs 72,9 millions, pour la période allant du 10 octobre 2005 au 3 mai 2018. Le conseil contestait cette décision, arguant qu’une copie non signée lui avait été envoyée le même jour par courriel alors que la version signée et écrite était disponible, le 3 janvier 2019, soit en dehors du mandat de l’ancien juge. L’affaire avait été portée devant le Privy Council qui, le 5 juin 2023, a tranché en faveur d’Alphamix. Le montant qui était en litige, selon le rapport de l’Audit, est de Rs 23 991 613. Le coût final de ce litige a été astronomique, avec plus de Rs 600 millions devant être payées à Alphamix. Ce montant inclut non seulement le règlement du différend initial, mais aussi des intérêts massifs dus au retard de paiement, totalisant Rs 522,1 millions. De plus, des honoraires juridiques s’élevant à Rs 19,7 millions ont été versés aux avocats et avoués impliqués dans cette affaire. Une gestion efficace de ce litige aurait pu éviter un tel désastre financier.

Super Cash Back Gold et Bramer Asset Management: Rs 20 milliards décaissées jusqu’ici

Si le gouvernement a déjà décaissé une enveloppe de Rs 20 milliards pour rembourser les clients de l’ex-BAI, certains ont été obligés de n’accepter qu’une partie du paiement de leur capital tandis que d’autres attendent toujours. Cela, à la suite du crash de la firme BAI en avril 2016. Plus de 14 000 personnes détiennent des polices d’assurance SCBG de l’ex-BA Insurance. Tous les détenteurs de la police d’assurance Super Cash Back Gold qui avaient investi jusqu’à Rs 7 millions devaient être remboursés à 100 % et ceux ayant investi plus de Rs 7 millions de roupies devaient être remboursés à hauteur de 75 %.

La CWA paie Rs 17 271 374 à un consultant

En 2018, la CWA a été contrainte de verser Rs 17 271 374 à Mega Design Ltd à la suite d’une sentence arbitrale en faveur de cette dernière, rendue le 18 avril 2018. Cette décision fait suite à plusieurs litiges entre Mega Design Ltd en tant que consultant de la CWA lors de la deuxième phase de la station de traitement d’eau à La Marie. Mega Design Ltd réclamait Rs 16 358 825 pour des travaux non payés sous trois contrats, ainsi que Rs 1 132 647 pour les frais d’expertise lors d’un arbitrage précédent. Cependant, la CWA avait initialement rejeté ces réclamations, soutenant que Mega Design Ltd n’avait pas respecté ses obligations contractuelles. De plus, la CWA avait souligné que la firme avait commis plusieurs erreurs graves, entraînant des coûts supplémentaires de Rs 28,6 millions pour achever le projet de la station de traitement d’eau à La Marie.

Réclamations pour arrestation arbitraire : Ces plaintes en attente d’un verdict

Rs 50 M de l’ex-gouverneur de la BoM L’ancien gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), Rundheersing Bheenick, réclame conjointement des dommages de Rs 50 millions à l’État, au commissaire de police (CP) et à Heman Jangi, alors responsable du Central Criminal Investigation Department (CCID) pour «arrestation arbitraire et autres fautes lourdes», le 13 février 2015. Le gouvernement en place avait mis fin à son contrat, le 26 décembre 2014, avec effet immédiat. En février 2015, le Head of Corporate Services de la BoM avait déposé une plainte auprès du CCID contre Rundheersing Bheenick, alléguant que ce dernier aurait détourné des documents de la banque. Les policiers du CCID ont par la suite effectué une perquisition en sa résidence à Moka et saisi des documents, qui semblaient appartenir à la banque, ainsi que des devises étrangères. Rundheersing Bheenick a été arrêté et détenu pendant un certain temps à Alcatraz.

Rs 40 M du gendre de Dawood Rawat

Le gendre de Dawood Rawat réclame Rs 40 millions à l’État, au CP et à l’ACP Heman Jangi. Brian Burns soutient que des policiers ont abusé de leur pouvoir pour procéder à son arrestation dans le cadre des affaires de BAI/Bramer Group. Le tribunal de Rose-Hill a déjà rayé les charges provisoires qui pesaient sur lui. L’affaire n’a toujours pas été examinée.

Rs 225 M de Navin Ramgoolam

Le leader du Parti travailliste réclame Rs 225 millions de dommages à l’État, au CP et à l’ex-ACP. Navin Ramgoolam estime avoir subi des préjudices de l’ordre de Rs 25 millions pour chacune des neuf accusations provisoires dont il répond. Il avait été arrêté pour la première fois le 6 février 2015 par le CCID. C’était après la perquisition de ses résidences à la rue Desforges et à Riverwalk et la saisie de ses biens, dont ses coffres-forts contenant Rs 220 millions. Il ajoute qu’il a été arrêté à plusieurs reprises par la suite. Les défendeurs dans l’affaire, soit l’État, le CP et l’ex-ACP Heman Jangi, s’étaient opposés à la plainte. La Cour suprême a rejeté leur demande, l’affaire se poursuit.