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Dr Sumera Keenoo, auteure de «Your Essential Guide to Health and Wellbeing»

Les maux du quotidien à la portée de tous

16 septembre 2023, 18:00

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Les maux du quotidien à la portée de tous

Dr Sumera Keenoo, auteure de «Your Essential Guide to Health and Wellbeing».

Après avoir bouclé ses études de médecine à Maurice, le Dr Sumera Keenoo a effectué ses spécialisations et sa pratique dans plusieurs pays. Ce qui lui a permis de faire deux observations : certains médecins ne prennent pas la peine d’expliquer aux malades de quoi ils souffrent. D’autres le font mais n’arrivent pas à se départir de leur jargon scientifique et à l’adapter au niveau de compréhension des malades. Pour que les praticiens trouvent les mots justes lorsqu’ils parlent à leurs patients et que ces derniers ne se ruent pas aux urgences des hôpitaux pour des peccadilles et engorgent ce département, le Dr Keenoo a rédigé un lexique sur les maux du quotidien intitulé «Your Essential Guide to Health and Wellbeing».

Les premières copies de ce lexique, balayé d’un revers de main par de nombreux médecins après que le Dr Keenoo a sollicité des critiques positives de leur part, se sont arrachées comme des petits pains. Et devinez qui les a achetées en premier : des médecins et des pharmaciens. Il faut croire que ceux-là ont vu le bien-fondé de cette publication et son utilité. Vu la demande, une réimpression sera bientôt en cours.

Le Dr Keenoo, originaire de Chemin-Grenier, vient d’une lignée de médecins. Son oncle était chirurgien et son père Reshad, médecin généraliste. Après avoir exercé à l’hôpital Victoria à Candos, ce dernier a préféré se mettre à son compte dans son village. Une des caractéristiques de son père dont elle a été témoin durant l’enfance, vu qu’elle était souvent collée à ses basques, c’est le temps qu’il prenait avec ses patients. Doté d’une patience d’ange, il leur expliquait ce qui n’allait pas chez eux, s’aidant de dessins pour que ses explications soient plus claires. Parfois, ces derniers venaient juste pour bavarder et ils en ressortaient ragaillardis. Sa mère Naheed, d’origine Pakistanaise, gagnait sa vie dans son pays natal comme relieuse de livres et graphiste. Lorsqu’elle a épousé le Dr Reshad Keenoo et qu’elle l’a suivi à Maurice, il fallait qu’elle s’adapte à son nouvel environnement. Vu que la reliure n’était pas très répandue dans l’île, elle a pris de l’emploi comme chargée de cours d’arts et de design au Mauritius Institue of Education.

Sumera Keenoo, la benjamine de trois enfants, est scolarisée à l’école primaire de Chemin-Grenier. À la fin de son cycle primaire, elle obtient la petite bourse et les portes du Queen Elisabeth College lui sont ouvertes. Les matières scientifiques l’intéressant au plus haut point, elle opte pour cette filière et, à l’examen final, elle se classe neuvième après les lauréats. Hésitant entre le génie aéronautique et la médecine, elle se renseigne auprès de ses connaissances qui étudient chacun de ces domaines. On la décourage par rapport à l’ingénierie aéronautique. Un ami qui l’a étudiée, lui dit, par exemple, que les perspectives de carrière sont rares dans cette filière. Un lauréat mauricien qu’elle connaît et qui a intégré l’université de la NASA, aux États-Unis, pour se perfectionner dans cette matière change de filière pour ne pas finir comme les autres étudiants qui ont le nez en permanence dans leurs bouquins et qui ne savent plus socialiser. Va donc pour la médecine !

Ses parents l’envoient étudier à l’université de Putra, en Malaisie. Elle y passe un an et demi et ses études lui plaisent énormément. Sauf que son père la rappelle et lui demande de poursuivre ses études de médecine au SSR Medical College. Elle obéit. Au début, Sumera Keenoo a du mal à s’adapter aux cours. «C’était des programmes d’études différents. En Malaisie, on avait déjà commencé le problem based learning alors qu’à Maurice, on en était toujours à la méthode traditionnelle. C’était un peu décevant mais les choses ont changé quand nous sommes passés à la pratique.» Elle boucle ses études de médecine en cinq ans et fait deux ans d’internat à l’hôpital Victoria.

De toutes les disciplines de la médecine, c’est la pédiatrie qui l’intéresse. Mais pas seulement cette spécialisation-là. Il y a aussi l’embryologie clinique, soit l’implantation d’embryons dans le cadre de la fécondation in-vitro , qui se pratique, à l’époque, essentiellement à Maurice par des embryologistes étrangers. Elle exerce quelques mois à l’Apollo Hospital du temps où ce centre de soins s’appelait encore ainsi et se fait inscrire auprès de l’université de Monash, en Australie, pour étudier l’embryologie. En parallèle, elle agit aussi comme trainee paediatrist au Monash Children’s Hospital.

Mariée à un Mauricien établi en Australie, elle tombe rapidement enceinte. Mais elle a du mal à mener de front ses études universitaires, son emploi et sa grossesse. Elle décide de faire une pause et regagne Maurice pour accoucher de son fils, Suleiman. Elle s’inscrit ensuite comme Registered Medical Officer et exerce pendant deux ans à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo. «C’était difficile de se réadapter car en Australie, il y a des protocoles et des paramètres de base à respecter, comme commencer par prendre la tension artérielle lorsqu’on démarre une consultation. Ce n’était pas systématique ici.»

En 2013, Sumera Keenoo est encore prise de bougeotte et veut cumuler d’autres spécialisations. En compagnie de sa mère et de son fils qui est encore en bas âge, elle se rend à Wuhan, en Chine, la même ville où, des années plus tard, le premier foyer du Covid-19 se déclare. Admise au Tonji Medical College, où les cours sont en anglais, elle se spécialise en pédiatrie et en oto-rhino-laryngolgie. «Mon superviseur de doctorat était très strict. Il savait que ses étudiants étaient déjà des généralistes qui n’allaient pas exercer en Chine. Donc, il était plus rigoureux avec nous. Nous avons fait énormément de consultations pratiques dans plusieurs hôpitaux car les patients affluaient avec toutes sortes de maladies.» Au bout de trois ans, elle présente et défend sa thèse de doctorat qui porte sur «Traditional Chinese Medecine as complementary treatment for chronic rhino-sinusitis» et réussit.

Elle remet alors le cap sur l’Australie, plus précisément à Perth, pour obtenir une formation supplémentaire de six mois en oto-rhino-laryngologie auprès de l’université de Western Australia. Elle agit aussi comme médecin de garde dans une unité spécialisée en santé des femmes. En 2012, elle suit le cours pour obtenir un diplôme en Health Professionals Education (HPE) auprès de l’université de Melbourne. Ses Fellowships décrochés, c’est au Pakistan qu’elle se rend pour trois mois de formation supplémentaire en endoscopie pour l’oto-rhino-laryngologie. Le Dr Keenoo regagne Maurice en janvier 2020, deux mois avant le premier confinement lié au nouveau coronavirus.

Mais la pandémie ne l’a pas empêchée de continuer à étudier pour se perfectionner. Elle a suivi un cours en ligne en HPE auprès de l’université de Maastricht au Pays Bas et auprès de l’université du Canal de Suez et a obtenu sa maîtrise en la matière l’an dernier. Cette année, elle a entamé un Fellowship en HPE auprès de la Foundation for Advancement of International Medical Education and Research, en ligne.

Appelée à différencier la médecine dans tous les pays où elle l’a pratiquée, le Dr Keenoo déclare que la qualité de la pratique est meilleure en Australie et en Chine. Sauf qu’en Chine, souligne-t-elle, il y a un manque d’éthique et de confidentialité. «J’ai exercé dans plusieurs grands hôpitaux en Chine, notamment dans un hôpital international affilié à un établissement allemand. Il y a tellement de patients que le médecin en fait entrer deux à la fois dans la consultation et les voit à tour de rôle alors que dix autres attendent sur le seuil de la porte et entendent tout ce que dit le médecin. Il y a aussi un manque dedoctor-patient relationship. Ce qu’elle a le plus apprécié en Australie, c’est l’accent mis sur la prévention et sur les traitements conservateurs. «Les médecins font leur maximum pour que le malade ait une bonne qualité de vie. Et puis, les malades ont leur mot à dire dans le traitement. Le praticien leur expose toutes les options existantes et les conséquences de chaque option et c’est aux malades de décider quelle option ils préfèrent.»

Elle a noté en Chine, au Pakistan et à Maurice que la plupart des médecins n’expliquent pas aux malades de quoi ils souffrent. «Quand certains le font, ils n’arrivent pas à simplifier les choses et les malades n’ont rien compris. J’ai noté, au cours de mes différentes pratiques, que le fait de savoir et de comprendre de quoi ils souffrent contribue pour près de 50 % dans leur guérison. Quand je compare cette attitude de ne rien divulguer à celle de mon oncle et de mon père avec leurs patients, c’est la nuit et le jour. Mon oncle et mon père prenaient le temps qu’il fallait pour tout expliquer aux malades. Pour les aider à mieux comprendre, ils parlaient simplement et s’aidaient même de dessins.»

Considérant que l’éducation des patients est de prime importance, le Dr Keenoo s’est mise à rédiger son lexique. Elle a pris trois ans pour le terminer et l’a fait illustrer par sa mère. Ainsi, Your essential guide to health and wellbeing comprend 376 pages. Imprimé par la presse de l’université de Maurice, où elle est chargée de cours quand elle n’est pas à sa consultation à la clinique Muller à Curepipe ou à Polyconsult à Quatre-Bornes, elle y développe, dans un langage simple, les maux des femmes, des enfants, des personnes âgées. Elle aborde aussi les affections du squelette, des yeux, des oreilles et du nez, de même que les problèmes cutanés et les allergies. Le diabète, l’hypertension et l’obésité, les trois maladies qui affectent le plus les Mauriciens, figurent aussi en bonne place dans ce lexique. «Je commence par donner la définition de la maladie puis j’évoque ses causes, ses symptômes, les signes que le médecin cherche avant de poser son diagnostic, les troubles associés à ce mal, le traitement d’un point de vue général et les risques associés au traitement ou au refus du traitement.»

Avec ce lexique, elle veut faire d’une pierre deux coups: «C’est un livre grand public pour les personnes qui ne savent rien de la médecine afin d’avoir une meilleure compréhension des maladies. Quand elles ne savent pas que leur égratignure est sans gravité, elles foncent aux urgences où il y a déjà des patients plus gravement malades qui attendent leur tour et cela engorge le service. Quand les membres du public ou leur entourage arrivent à identifier un état pas sérieux et à le gérer à la maison, ils n’appelleront pas l’ambulance pour un oui ou pour un non.»

Ce lexique est aussi destiné aux médecins qui sont suffisamment humbles pour comprendre qu’ils n’arrivent pas à simplifier les termes médicaux et les mettre à la portée de monsieur Tout-le-Monde. «Plusieurs livres sont déjà écrits sur la médecine mais les termes utilisés sont trop techniques. Là, j’ai tout fait pour simplifier les termes, pour rendre les maladies plus accessibles à la compréhension du plus grand nombre. J’ai d’ailleurs fait mon fils qui a 12 ans le lire et il me dit qu’il a tout compris.»

Comme le Dr Keenoo est une femme humble de nature, elle a envoyé son manuscrit à plusieurs médecins, généralistes comme spécialistes, en leur demandant de formuler des critiques constructives. La majorité a estimé que l’exercice était futile et n’atteindrait pas ses objectifs. «Seuls le gynécologue Chandra Shekar Ramdaursingh, les psychiatres Bhoodeo Taukoor et Shawkat Rogee, les pédiatres Nandkishoredass Ramdun et Nauseen Kader, le chirurgien Shakil Ameerudden, l’orthopédiste Maythilisharan Rambhojun et le médecin légiste Satish Boolell l’ont trouvé excellent et m’ont encouragée à aller de l’avant. L’ancien General Manager de Glaxo Smith International, Ruben Moothy, m’a aidée à lancer le livre, le 31 août. Les autres professionnels de santé contactés non, mais cela ne m’a pas arrêtée. Une de mes spécialisations a trait à l’éducation des professionnels de santé, de même que les patients, et mon objectif en le faisant est de changer le health care à Maurice. Nous ne le réalisons pas, mais par rapport à bon nombre de pays, nous avons la chance à Maurice d’avoir un système de santé universel, tous les équipements et toutes les facilités qu’il faut. Il faudrait les optimiser. Je crois que cela passe aussi par l’éducation des patients, comme des médecins…»