Publicité

Les non-dits et les millions

15 avril 2024, 09:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

On doit présenter de nouveaux visages. Montrer que notre parti évolue et fait de la place aux jeunes. C’est le souci, ou plutôt le discours, des propriétaires des partis traditionnels qui dominent, quasiment sans partage, l’échiquier depuis ces dernières décennies. C’est pour cela que toutes les tractations ne peuvent être publiées.

Premier constat en amont des accords qui seront annoncés pour le grand public : on va remanier volontiers ceux d’en bas, mais à la tête des partis politiques ce sera toujours les mêmes patronymes et la même clique qui vont tourner et qui auront tendance à tirer les ficelles, dans n’importe quelle direction. L’express a souvent parlé de cet aspect peu démocratique des partis politiques ici dans ces colonnes, mais aussi avec les principaux concernés.

Chacun vous donnera de bonnes raisons pour lesquelles ils ne peuvent pas passer la main... mais que c’est prévu dans le futur – un futur, cependant, que l’on ne cesse de repousser.

Si la méritocratie n’est pas programmée dans nos gènes, toutefois, elle peut s’infirmer ou se confirmer dans l’action, dans la durée, dans la transmission des idées et des valeurs. À l’heure où l’on parle des enfants de Duval ou de Bérenger, il importe que l’on place ces patronymes dans le contexte historique des dynasties du pays, qui ont autour d’eux de petits soldats prêts à aller au front quel que soit l’adversaire du jour.

Ainsi, face à la realpolitik mauricienne, les guéguerres de pouvoir pour contrôler telle ou telle frange de l’électorat, ou telle ou telle circonscription, ne sont en fait que des divertissements de pacotille, qui amusent la galerie. Les affrontements médiatisés sont des jeux de façade pour masquer des manoeuvres plus intimes.

Qualitativement et quantitativement, les dynasties politiques mauriciennes sont dissemblables. Chez la famille Jugnauth (en incluant la belle-famille de Pravind), la dynastie, de père en fils, vise à asseoir durablement son pouvoir, en grappillant un maximum autour. Une défaite n’est clairement pas dans leur plan de succession.

Chez Ramgoolam, c’est autre chose. SSR ne voulait pas que son fils fasse de la politique. Et Navin Ramgoolam insiste qu’il est passé par les urnes bien après la mort de son père, contrairement aux fils ou filles à papa (on ne parle pas des autres proches, comme les gendres et les belles-soeurs, pour le moment – faute de place). En l’absence de successeurs naturels, on ne peut pas accuser Navin Ramgoolam de vouloir, comme SAJ, Bérenger ou Duval, bâtir une dynastie, qui traverse les décennies et qui dominera les autres politiciens aux patronymes moins imposants.

Certes Paul Bérenger n’a pas de père politicien, mais la façon de placer sa fille en orbite nous montre qu’il a développé, bien avant 2019, une appétence dynastique, alors que son parti avait pris naissance pour précisément combattre les dynasties et les monarchies. Un vrai virage idéologique que les anciens du MMM préfèrent ne pas commenter.

Comme dans le cas des Jugnauth, ce n’est pas nécessairement la méritocratie qui provoquerait ce choix biologique, mais cela pourrait être des intérêts politiques, et surtout le plaisir d’influencer et d’orienter. Quelqu’un qui connaît bien le leader du MMM explique ceci : «Bérenger est plus compatible à l’image du politicien européen ou américain qui tout en acceptant tous les bénéfices que sa position lui conférera, n’ira pas jusqu’à mettre ouvertement la main dans le coffre.»

C’est évident qu’outre l’héritage politique, les enfants des propriétaires des partis politiques (aur)ont à gérer de gros sous, des caisses occultes. Ces sous dont on ne voit qu’une partie de l’iceberg dans quelques rares rapports financiers, mais qui restent quand même largement cachés, en l’absence d’une loi sur le financement des partis politiques.

Ce financement politique qui demeure un indicateur incontournable de la bonne gouvernance et dont la législation possible reste aux mains de ceux que cela gênerait le plus. Pas surprenant donc que ni Ramgoolam, ni Jugnauth, ni Bérenger ou Duval n’ont pris d’initiative à ce propos. Ils pourraient pourtant commencer dès aujourd’hui en nous disant combien chaque parti va injecter pour rameuter leurs agents pour le meeting du 1ᵉʳ-Mai et tenter de remporter la bataille des foules. Est-ce en centaines de milliers ou en millions ? Et pour les élections générales ce sera 50, 100 ou 1 000 fois plus… au vu et au su de nous tous.