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Questions à… Nansha Bholah

«Les réseaux sociaux deviennent un terrain de lynchage public»

30 janvier 2024, 20:00

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«Les réseaux sociaux deviennent un terrain de lynchage public»

Nansha Bholah, coach de vie à Elite EducAcademy.

Le cyberbullying ou cyberharcèlement ce sont des rafales de mèmes, de commentaires désobligeants, de photomontages ou de vidéos truquées sur les réseaux sociaux avec l’intention de nuire à un enfant, à un adulte ou à une entreprise. On a tous au moins une fois vu un contenu en ce sens sur les médias sociaux et, souvent, c’est perçu comme de l’humour. Peut-on rire de tout ? Non, le cyberharcèlement est un réel problème qui ne cesse d’augmenter. Nansha Bholah, milite contre le «body shaming» et le cyberharcèlement et aide les victimes à reprendre confiance en elles.

Comment a débuté votre aventure de coach de vie ?

Elle a démarré en 2022. Mon fils a été victime de bullying à l’école. Ayant moi-même été victime de harcèlement et de body shaming à l’époque, j’ai ressenti son mal et le manque de confiance que cela avait créé en lui. Ce qui m’a motivée à organiser une première session de travail avec plus de 50 enfants dans la même tranche d’âge que mon fils. Je l’ai fait au Hennessy Park Hotel et cela a été un succès. Jusqu’à présent, même après deux ans, les parents ne cessent de me remercier pour ce travail. Cela a aidé leurs enfants à reprendre confiance en eux. C’est là que je me suis dit qu’il fallait do it with a broader perspective et donc étendre cette session aux adultes et aux personnes venant de différents milieux.

J’ai commencé par des sessions de networking et à animer des ateliers de travail. J’en ai fait un à l’hôtel Voilà à Bagatelle . Les choses se sont enchaînées avec l’organisation de plusieurs ateliers. Een parallèle, j’ai suivi la formation de coach de vie et obtenu une accréditation auprès de la Transformation Academy de Floride aux États-Unis. Je suis un Accredited group life coach. Un coach de vie est une personne qui motive les gens à aller vers la réalisation d’un projet, que ce soit un projet de vie, de carrière ou de relation.

Sur quoi vous travaillez principalement ?

Je travaille sur la reconstruction de la personne, sur la reprise de sa confiance en elle et sur l’estime d’elle. Je l’aide à lutter contre tout ce qui est humiliation et harcèlement. En parallèle, comme je suis intéressée par le droit, j’ai étudié pour obtenir mon LLB auprès de l’Open University. Pendant mes études, j’ai pris connaissance de toutes les lois concernant le cyberharcèlement et le body shaming dans le monde pour savoir comment cela se passe à l’étranger et comment ces problèmes sont réglés. J’en parle dans les ateliers que j’anime et au cours desquels je découvre qu’il y a tellement de personnes qui en souffrent.

Ce mal fait intentionnellement peut-il être résolu?

Oui, il peut être résolu mais cela demande un suivi. Ce mal ne va pas jusqu’à nécessiter un suivi par un psychologue ou un thérapeute. C’est à mi-chemin entre la souffrance et le mental breakdown. Mon intervention se situe au milieu de ces deux maux, là où l’enfant ou l’adulte a perdu confiance en lui. J’interviens pour qu’il la retrouve. Il ou elle a juste besoin de quelqu’un pour le booster et lui montrer que rien n’est perdu. Et qu’il peut faire un travail sur lui. C’est cela principalement le travail du life coach. C’est coacher des personnes pour qu’elles retrouvent leur motivation et atteignent leur but.

Qu’est-ce que le «cyberbullying» ?

Le cyberbullying est une forme de harcèlement en ligne. C’est l’attitude d’une personne dont l’intention est de blesser ou de faire peur à une autre personne qu’elle juge inférieure ou moins puissante qu’elle et de forcer cette personne à faire quelque chose qu’elle ne veut pas faire. Cette forme de harcèlement se déroule en ligne à travers l’ordinateur, le téléphone ou la tablette. Les gens utilisent ces plateformes en ligne pour faire du mal ou pour faire peur à quelqu’un ou pour montrer leur pouvoir ou démontrer qu’ils ont le pouvoir ultime sur cette personne, pour la dénigrer ou pour la blesser. Dans la majorité des cas, c’est lui faire du mal intentionnellement. Cela peut prendre la forme de rumeurs qu’on lance en ligne à propos d’une personne, d’une entreprise et les informations véhiculées sont négatives. C’est aussi maltraiter des personnes en ligne par rapport à leur religion, leurs préférences, etc. C’est aussi rabaisser une personne qui a des difficultés à faire face à un public. C’est exploiter cette faiblesse.

Quelles en sont les conséquences ?

Ce sont la dépression, l’anxiété, la personne peut avoir des difficultés à dormir et quand il s’agit d’un enfant ou d’un jeune, cela peut résulter en une déscolarisation ou une baisse des performances scolaires ou universitaires. Il y a aussi des risques d’emotional distress et pire encore, ils peuvent aller jusqu’à se faire mal et se suicider si le bullying a été constant et intense. Comme ces rumeurs sont en ligne, elles vont vite et peuvent détruire une personne et faire encore plus de mal à un enfant.

Le cyberharcèlement a augmenté. Pourquoi ?

Oui le cyberharcèlement a augmenté et devient de plus en plus grave. Les réseaux sociaux sont devenus un terrain de lynchage public. Le pire est que les gens qui vont sur les réseaux sociaux ne font pas forcément la différence entre ce qui est faux et vrai et cela perturbe la personne qui est ciblée. Ces informations sont propagées et même si la vidéo ou l’information initiale est effacée, les copies restent et continuent à être partagées. De ce fait, une rumeur peut refaire surface quelques mois ou un an après et cela va causer encore du tort à l’enfant, l’adulte ou à l’entreprise ciblée.

Qu’est-ce qui vous pousse à mener ce combat ?

Comme je l’ai dit, j’ai été victime de cyberbullying et mon fils en a été victime à l’école. J’ai également été témoin de cyberharcèlement sur différents lieux de travail et j’ai vu comment mes collègues et d’autres employés étaient affectés, comment ils devenaient anxieux. Il y en a même qui ont fait un burn-out. Les journaux rapportent également des cas. Quand je parle aux enfants, aux amis de mon fils, je vois qu’il y en a certains qui ont un mal-être. Cela se voit qu’ils ne sont pas à l’aise dans certains environnements. Cela donne une indication d’un manque de confiance en soi et qui doit sans doute provenir ou être renforcé par le bullying. L’ayant subi et ayant vu d’autres personnes le subir, je me suis dit qu’il faut déjà éduquer les harceleurs comme leurs victimes. Quand je fais des sessions de sensibilisation, le message passe dans les deux sens car il se peut qu’inconsciemment, moi aussi j’aie pu harceler quelqu’un. La personne victime l’a peut-être fait aussi. Je rappelle lors de ces sessions que n’importe qui peut avoir fait du mal à autrui et qu’il faut en être conscient. Donc, chaque personne est différente et il faut effectivement considérer cette différence pour pouvoir arrêter de faire du mal en paroles et par actions.

Que faire si une personne a été victime ?

La Cybercrime Unit a mis une plateforme en place, le MOCOS. Elle est assez facile d’accès et il y a une checklist très simple à remplir. Il est impératif de rapporter les cas de harcèlement sur les réseaux sociaux sur cette plateforme. Il y a aussi la Computer Emergency Response Team de Maurice, la CERT-MU, et qu’il faut avertir. Et il y a une hotline également qui a été mise à la disposition du public, si jamais les gens veulent avoir plus de renseignements au niveau des cybercrimes à rapporter. Il est très important d’enregistrer tout ce qui a été fait comme crime en ligne sur cette plateforme et cela comprend le cyberbullying. Il faut faire suivre la plainte par un appel téléphonique pour s’assurer qu’elle a été bien reçue et qu’un suivi est effectué. C’est la première étape du reporting, si jamais le harcèlement a atteint une telle gravité.

Il est important de se rappeler des trois R faisant partie de la prévention au bullying, soit Recognize ou reconnaître que c’est vraiment un cas de bullying. Ensuite vient Respond. Par exemple, quand on voit un cas de bullying en ligne, il ne faut pas le partager. Et Report, c’est rapporter le cas aux autorités concernées. Cela ne prendra qu’une minute. S’il s’agit d’un mineur qui en est victime, on rapporte le cas à un adulte proche de l’enfant en qui ce dernier a totalement confiance et il sait que l’adulte va pouvoir le protéger.