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L’univers du «kaser» tué
Les victimes en quête de justice
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L’univers du «kaser» tué
Les victimes en quête de justice
Le double meurtre du couple Indira et Presram Sookur a remis dans la lumière les activités de l’ombre des prêteurs sur gages ou «kaser». Dulari Jugnarain prévoit de déposer une injonction en Cour suprême pour que les héritiers des Sookur ne puissent disposer des biens des emprunteurs.
De nombreuses personnes ont contracté des emprunts auprès de Presram Sookur. Dulari Jugnarain, travailleuse sociale qui a longtemps milité aux côtés des victimes du sale by levy, a pris l’initiative de rassembler ces personnes afin de les protéger contre l’injustice et de prévenir la perte de leurs biens. Bien que le couple Sookur ne soit plus, ses héritiers pourraient essayer de disposer des biens mis en gage, provoquant l’indignation et l’inquiétude parmi les personnes touchées. Dulari Jugnarain prévoit de déposer une injonction en Cour suprême en ce sens.
Interrogée sur sa démarche, Dulari Jugnarain déclare : «J’ai vu de nombreuses personnes souffrir à cause du sale by levy. Ces personnes sont déjà dans une situation financière difficile et les priver du peu qu’elles possèdent est inhumain.» Dans cette optique, elle invite tous ceux qui ont emprunté de l’argent à Presram Sookur et qui ont encore des dettes à la contacter pour entamer une action en justice. Son objectif est de réunir les victimes de ce prêteur sur gage, dont les destins sont entrelacés par les difficultés financières et les prêts des prédateurs.
Consciente de leur vulnérabilité et de leur désespoir, Dulari Jugnarain a décidé de faire entendre leur voix et de les défendre devant la justice. Elle souligne : «Beaucoup de ces personnes sont âgées et elles ne peuvent pas emprunter auprès des institutions bancaires parce qu’elles ne travaillent pas. Elles sont la cible des prêteurs sur gage parce qu’elles sont vulnérables.»
La travailleuse sociale poursuit en expliquant que le couple Sookur est décédé de manière inopinée, laissant derrière lui un grand nombre de personnes en difficulté financière. Au lieu de trouver une solution humaine pour les emprunteurs, les héritiers pourraient mettre en vente les biens mis en gage, aggravant ainsi la détresse des personnes ayant déjà une existence déjà précaire. Une décision judiciaire temporaire offrirait un bienvenu répit aux victimes, leur permettant de reprendre leur souffle et de se reconstruire.
À ce jour, plusieurs personnes ont déjà pris contact avec Dulari Jugnarain pour partager leur situation. Elle espère réunir encore plus de personnes afin de pouvoir engager une action collective en justice. La travailleuse sociale espère également trouver un avocat qui pourrait les défendre à titre pro bono car, souligne-t-elle, les procédures judiciaires dans ce genre de cas prennent beaucoup de temps, et ces personnes n’ont pas les moyens de payer les honoraires des avocats et des avoués.
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Témoignages
Des victimes, qui ont accepté de témoigner sous couvert d’anonymat, révèlent les conséquences dévastatrices de leurs interactions avec ces prêteurs. Les victimes de prêteurs sur gage ont souvent été contraintes au silence par peur du jugement social. «Les gens portent parfois des jugements sur ceux qui empruntent de l’argent auprès de prêteurs à gages» , expliquent-elles. Ces témoignages anonymes montrent que derrière chaque prêt impayé se cache une personne luttant pour sa dignité et sa survie.
«Depuis 1988, je rembourse mes dettes»
Une habitante de Savanne raconte comment, en 1988, elle a contracté un emprunt de Rs 45 000 pour des travaux dans sa maison. Aujourd’hui âgée de 70 ans et incapable de travailler, elle doit toujours rembourser cet argent. Elle explique comment un petit prêt est rapidement devenu une insurmontable montagne de dettes. «Au début, c’était juste pour pouvoir terminer quelques travaux dans ma maison. Mais chaque fois que je manquais un paiement, les intérêts augmentaient, me plongeant plus profondément dans la dette.» Elle ne sait plus combien elle a déjà payé, ni combien il lui reste à payer car le prêteur sur gage lui a fait comprendre qu’elle en aurait encore pour quelques années. «Je ne peux pas compter sur mes enfants, et mon époux est décédé. Chaque fois que j’entends la sonnette de ma porte, cela me fait sursauter. Je ne peux plus dormir la nuit car j’ai peur qu’on vienne me demander de l’argent ou qu’on me mette à la porte» , confie-t-elle
«Si vous ne payez pas, il vous harcèle»
Une autre dame, âgée de 72 ans, explique que son époux avait contracté un emprunt de Rs 35 000 auprès de Presram Sookur, en 1995. «Au début, il payait Rs 900 par mois, puis c’est passé à Rs 1 000. Mon époux est décédé depuis cinq ans et je dois continuer à payer. Mais où vais-je trouver cet argent tous les mois ? Si vous ne payez pas, il vous harcèle» , raconte-t-elle. Elle avait mis sa maison en garantie pour ce prêt, et dans le passé, le prêteur avait même envoyé la police et des arpenteurs chez elle pour mesurer son terrain. «Ils vous font vivre dans la peur. Parfois, sa fille disait qu’il arrêterait ces pratiques, mais il continuait car il gagnait beaucoup d’argent.» Elle regrette que son époux ait écouté les conseils d’un ami pour emprunter de l’argent à ce genre de personne. «Depuis l’année dernière, il aurait dû me rendre mon contrat pour ma maison, mais il ne l’a pas fait. Chaque fois, il nous dit qu’il reste encore à payer. Il n’était pas une personne fiable» , conclut-elle.
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Presram sookur et la justice
En 2017, Presram Sookur (photo) était suspecté d’avoir vendu des propriétés et des voitures appartenant à ses victimes, les enregistrant au nom de ses enfants. On estimait alors que sa fortune, acquise de manière douteuse, dépassait les Rs 50 millions. Il avait été arrêté par l’Independent Commission against Corruption (ICAC) pour des accusations de blanchiment d’argent. Il avait été inculpé pour avoir enfreint l’article 3(1)(a) de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA).
On lui reprochait d’avoir illégalement saisi des biens immobiliers, des bijoux et des véhicules appartenant à des personnes à qui il avait accordé des prêts d’argent illégaux. Il avait accordé un délai de remboursement à ses victimes, mais avait rapidement vendu leurs biens mis en garantie sans respecter les accords conclus avec elles. Sept propriétés et 13 véhicules, qu’il avait enregistrés au nom de ses enfants, avaient alors été saisis. De plus, l’ICAC avait mené un audit sur ses biens et sur ceux de son entourage, suspectant que Presram Sookur aurait blanchi ses revenus en Australie, où certains de ses proches sont installés.
L’une des victimes de Presram Sookur l’avait dénoncé, ce qui avait entraîné une perquisition à son domicile en 2017. Lors de celle-ci, des titres de propriété et des horse power de véhicules, appartenant à plusieurs de ses «clients» avaient été saisis. Au moins cinq d’entre eux avaient été convoqués par les enquêteurs, qui avaient fini par apprendre qu’ils n’étaient plus propriétaires de leurs biens, même s’ils étaient encore en train de rembourser Presram Sookur. Selon les déclarations des victimes à la police, Presram Sookur incitait ses victimes à signer une procuration et en profitait pour les dépouiller de leurs biens. Bon nombre d’entre elles ne parvenaient pas à rembourser les intérêts, qui atteignaient parfois les 100 %. Grâce à cette activité, le septuagénaire s’est enrichi pendant de nombreuses années sans être inquiété par les autorités.
En 2013, l’usurier a été condamné par le tribunal de district de Curepipe à six mois de prison, assortis d’une amende de Rs 10 000 pour escroquerie et détournement de fonds. Il était accusé d’avoir revendu le véhicule d’une de ses victimes bien avant le délai de remboursement convenu pour un prêt. Cependant, ce verdict a été annulé, en mai 2015, par la Cour suprême car la juge Saheeda Peeroo a relevé que l’acte d’accusation était incompatible avec le délit commis.
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Mieux comprendre: «kaser, kas kontour ar lalwa»
Un exemple et tout est dit. Pour expliquer le mot «kaser» , le Diksioner morisien indique que c’est: «Dimounn ki pret larzan lor bann lintere for.» Pour montrer comment s’emploie ce mot, le dictionnaire précise : «Souvan bann kaser profit febles bann dimounn pou explwat zot.» Mais quelle est l’origine du mot «kaser» ? Arnaud Carpooran, linguiste, Associate Professor, doyen de la faculté des sciences sociales et des humanités à l’université de Maurice, ainsi que président du Creole Speaking Union, casse une idée reçue. Même si «kaser» en créole mauricien semble proche de «casseur» en français, il affirme : «Il est clair que ce mot n’est pas d’origine française.» Se référant au Dictionnaire étymologique des créoles français de l’océan Indien d’Annegret Bollée, Arnaud Carpooran précise que «kaser» vient de l’anglais «cashier». Si aujourd’hui, «cashier» en anglais se traduit par «caissier» en français, «au départ cela voulait dire le prêteur ou trésorier, money dealer».
Le mot «kaser» pourrait aussi être d’origine populaire, ajoute Arnaud Carpooran. «Cela arrive souvent. Le terme anglais 'cash’ pour argent liquide a débouché sur le mot en créole mauricien ’kash’.» En créole, on ajoute le suffixe d’agent pour dire celui qui fait l’action. Cela donne «fezer», «debarder» , cela a donné «kaser». Dans ce cas, les deux origines se rejoignent, celle de l’anglais «cashier» qui se réfère à l’argent, tout comme celle du mot «cash».
Par association, le mot «casseur» en français – qui a entre autres significations, celle de voyou, qui se «livre, lors d’une manifestation, à des dégradations sur la voie publique, dans des locaux administratifs, etc.» – rejoint le côté hors la loi, «étant donné la réputation des ’kaser’. Cela ajoute à l’épaisseur négative du mot» , explique Arnaud Carpooran.
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Meurtre à Clairfonds: les locataires de Presram Sookur voulaient lui donner une leçon
Cedric Kersley Beegun et sa compagne, Selvina Bundhoo, anciens locataires du couple Sookur, avaient l’intention d’infliger une leçon à leurs propriétaires, qui les avaient expulsés de l’appartement qu’ils louaient. Avec le concours de leurs complices, Nacir Buckreedun, Sandrine Rathbone et Jean Marie Pascal Casquette, ils ont élaboré un plan pour cambrioler le couple, sachant que ces derniers détenaient d’importantes sommes d’argent et qu’ils vivaient seuls.
Cedric Kersley Beegun et Selvina Bundhoo avaient précédemment loué un appartement au couple Sookur mais à un moment donné, ils avaient cessé de s’acquitter du loyer, ce qui avait poussé Presram Sookur à leur demander de vider les lieux le mois dernier. De plus, Presram Sookur les avait accusés d’avoir volé un lecteur DVD. Pour se venger, Cedric Kersley Beegun et Selvina Bundhoo ont décidé de cambrioler la maison du couple et ont sollicité l’aide de Jean Marie Pascal Jacquette, un habitant de Chebel, de Sandrine Rathbone et de Nacir Buckreedun. «Nous avions seulement l’intention de les cambrioler mais les choses ont dégénéré» , a expliqué Cedric Kersley Beegun lors de son interrogatoire.
Ainsi, le mercredi 20 septembre, en utilisant un prétexte pour se rendre sur place, les suspects ont frappé à la porte et les victimes ont ouvert. Ils se sont engouffrés dans la maison et ont maîtrisé Indira Sookur avant de l’étouffer. Puis, ils ont fait de même avec Presram Sookur. Ils ont ensuite fouillé la maison avant de s’emparer du coffre-fort. Cedric Kersley Beegun et Selvina Bundhoo ont pris la fuite à bord d’une voiture tandis que les trois autres ont utilisé la voiture de la victime pour s’enfuir. Cette voiture a été retrouvée à Quartier-Militaire aux premières heures de dimanche.
Le cerveau du double meurtre, Cedric Kersley Beegun, et sa compagne, Selvina Bundhoo, ont ensuite été appréhendés le jour même à Saint-Martin, à l’issue d’une course-poursuite. Le couple a rapidement avoué les faits et révélé les noms de leurs complices, désignant Nacir Buckreedun, adepte des arts martiaux, comme l’auteur du meurtre du couple.
Leurs trois autres complices ont été arrêtés au cours de la semaine écoulée. Tous ont été interrogés et traduits en justice. La police s’est opposée à leur remise en liberté et ils sont maintenus en détention provisoire.
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Meurtre à cassis: Nacir Buckreedun et Sandrine Rathbone ont aussi tué leur autre propriétaire
Lors de leur interrogatoire avec les enquêteurs de la Criminal Investigation Division de Vacoas dans la nuit de mercredi, Nacir Buckreedun et Sandrine Rathbone, arrêtés dans le cadre de l’enquête sur le double meurtre des Sookur, ont finalement avoué un autre meurtre. Ils ont tous deux reconnu avoir tué Khatiba Goburdhun en mars 2022. Pourtant, le rapport d’autopsie effectué par la Dr Shaila Jankee Parsad avait conclu que cette dernière est décédée de cause naturelle.
Cet élément inattendu dans l’affaire de la mort de Khatiba Goburdhun a émergé après les aveux de Nacir Buckreedun et de Sandrine Rathbone dans la nuit de mercredi. Ils ont été soumis à un nouvel interrogatoire par les membres de la Major Crime Investigation Team le lendemain, jeudi. Exercice qui a été suivi d’une séance de reconstitution des faits à Cassis. Le 11 mars 2022, le cadavre de Khatiba Goburdhun avait été découvert dans son lit. Lors de la première intervention de la police à son domicile, rien de suspect n’avait été remarqué et le corps avait été transporté à la morgue de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo à Port-Louis à des fins d’autopsie. Ses funérailles ont eu lieu la même nuit.
Depuis cette révélation à l’effet que la quinquagénaire a été tuée par les mêmes personnes qui ont assassiné le couple Sookur, les habitants de Cassis et en particulier ceux vivant à l’impasse Grégoire, sont choqués. «Et dire que ces deux criminels vivaient parmi nous», déclare un résident. Nacir Buckreedun et Sandrine Rathbone étaient locataires de la maison appartenant à Khatiba Goburdhun.
Cette dernière, âgée de 57 ans, vivait en France avec sa famille depuis de nombreuses années. Elle effectuait des allers-retours fréquents entre Maurice et la France presque chaque année. «Elle venait généralement pour un mois ou deux, puis repartait» , explique un proche. «À la fin de l’année 2021, elle avait prévu de séjourner plus longtemps à Maurice mais elle avait dû annuler son voyage à la dernière minute en raison du décès de sa mère en France. Elle avait alors finalisé ses démarches et était arrivée à Maurice au début de l’année 2022. Elle souhaitait rénover sa maison et avait demandé à ses locataires de partir» , ajoute un autre résident de la rue. Cependant, bien que les locataires de la quinquagénaire semblaient des personnes respectables, ils ne réglaient ni les factures d’eau ni d’électricité et ils ne payaient pas leur loyer. «Khatiba Goburdhun leur avait déjà demandé de partir et leur avait même donné un préavis.»
Puis, soudainement, Khatiba Goburdhun a été retrouvée morte dans son lit. «Cela a été un choc pour nous car elle était en pleine forme, prenait soin de sa santé, aimait faire son jogging et ne montrait aucun signe de vieillissement. Mais comme l’autopsie avait conclu à une mort naturelle, nous n’avions aucune raison de penser qu’il en était autrement» , confie-t-il. Cependant, depuis jeudi, ils sont encore plus bouleversés en apprenant que ce crime a été commis sous leur nez, à leur insu.
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