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Lettre ouverte au ministre de l'Énergie

20 février 2024, 18:55

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Comme vous le savez, après une alerte dite « rouge », le vendredi 16 février 2024, la Réunion est actuellement en « vigilance renforcée » avec l’indisponibilité de plusieurs moyens de production d’électricité. Il y a un risque imminent de coupures localisées programmées par créneaux horaires de 2 heures, soit des « rolling load sheddings », comme cela existe quasi-quotidiennement en Afrique du Sud. Le cas de l’île sœur n’a pas les mêmes causes que pour ce dernier pays, mais il est impératif qu’à Maurice nous agissions en urgence à la lumière de ce qui y arrive. Surtout avec un cyclone dans les parages.

  1. La demande de pointe

Déjà, nous avons connu un pic record de la demande cette année chez nous et il faut s’attendre à un maximal de plus de 510 MW avant l’hiver, sinon en fin d’année. Comme à la Réunion, l’utilisation massive de climatiseurs, entre autres, face aux vagues de chaleur et d’humidité, est largement responsable de ce déséquilibre entre l’offre et la demande, particulièrement pendant la pointe du soir. Il est essentiel de sensibiliser systématiquement les consommateurs à l’urgence d’une sobre et juste gestion de la demande ici aussi. Sinon, des coupures préventives et tournantes seront inévitables. Il ne s’agit nullement du spectre d’un black-out généralisé, un terme que certains manipulent pour effrayer, mais bien de la nécessité d’appeler à davantage de responsabilité de la part de tous les utilisateurs. Nous ne pourrons indéfiniment dépendre des centrales à charbon, surtout, et aussi des moteurs à l’huile lourde, souvent vétustes, afin de répondre à une demande incontrôlée, voire abusive.

  1. La transition énergétique

Autre enseignement du cas d’école réunionnais, c’est comment une transition énergétique peut mettre en danger la sécurité d’approvisionnement en électricité. En misant sur des méga projets tels que des centrales dépendant l’importation de la biomasse ou de l’huile de colza, au lieu des ressources locales plus abordables comme davantage d’unités photovoltaïques décentralisées sur les toits des bâtiments, l’indisponibilité de ces moyens de production à grande échelle pèse lourd dans l’équilibre entre le demande et la fourniture. Les problèmes techniques sont plus pratiques à résoudre sur des mini-systèmes distribués beaucoup plus résilients, sinon ils ont moins d’impact sur l’ensemble du réseau national. Le choix d’exploiter de vastes superficies de terres agricoles « prime land » pour des fermes photovoltaïques n’est pas, non plus, raisonnable, ne serait-ce que dans le but d’atteindre une meilleure autosuffisance alimentaire. Une approche systémique dans l’application de notre feuille-de-route pour les énergies durables est essentielle. Il est crucial d’élaborer un plan holistique pour l’aménagement durable de tout le territoire, avec une prise en compte de la vulnérabilité climatique pour savoir quelles zones consacrer, par exemple, à la production électrique. Une autre situation à l’ile sœur que nous devons éviter ici est l’impossibilité d’alimenter les voitures électriques, donc de se déplacer pour certains, lorsqu’il n’y a pas d’électricité.

  1. Cyclone et Flash-flood

Avec le dérèglement climatique, il faut repenser nos infrastructures comme nous le faisons aussi pour les sources d’énergie. La centrale hydraulique de Rivière de l’Est à la Réunion est réduite en capacité de production à 20% depuis le passage du cyclone Belal. Des travaux importants y sont nécessaires actuellement. Il faut s’assurer à ce que nos dispositions de génération, de transmission et de distribution électriques soient à l’abri de phénomènes climatiques extrêmes comme les cyclones ou les flash-floods. Il faut, certes, entreprendre l’élagage des arbres qui représentent une menace grave pour nos lignes, surtout celles de haute tension. Mais le cas de la Réunion nous démontre aussi que les centrales existantes n’ont nullement été conçues à l’origine pour les conditions excessives que nous devons subir aujourd’hui. Le risque peut venir autant du débordement d’une rivière de son lit que de son obstruction par des déchets, un scenario-catastrophe pour l’opération de certaines centrales thermiques mais aussi des centrales hydro-électriques si cruciaux face aux pics de la demande.

Conclusion

Que Dieu nous protège, certes, mais peut-on prendre des mesures à l’instant afin de rester debout face au cyclone Djoungou, sinon nous remettre sur nos pieds aussitôt son probable passage ? Tout de suite, après, il faudra s’assurer que les unités de production soient en mesure de fonctionner. Par exemple, ce sera surtout au charbon si le stock n’est pas affecté par les pluies et rafales cycloniques, ou à partir de produits pétroliers puisés d’une réserve stratégique que nous devons prévoir. Dans le moyen terme, après, il faudra consolider notre résilience, mais cette fois avec le défi d’intégrer un mixte optimal de ressources locales propres. Une transformation du paysage énergétique fondée sur une juste transition et la maîtrise de la demande, une prise en compte du dérèglement climatique, nous permettra alors de ne pas faire face aux problèmes de la Réunion. Mieux, ce sera une opportunité d’aller promptement vers une indépendance énergétique durable.