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Pr Saths Cooper

L’ex-détenu de Robben Island qui en est devenu le président

2 décembre 2023, 22:00

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L’ex-détenu de Robben Island qui en est devenu le président

Le professeur Saths Cooper, après une visite du Morne Heritage Trust, veut réactiver son jumelage avec le Robben Island Museum.

Sathasivian «Saths» Cooper, condamné dans le procès «Black Consciousness», a été détenu comme prisonnier politique à Robben Island entre 1976 et 1982. Il a poursuivi ses études en psychologie, entamées en cellule, jusqu’au doctorat. Il est l’actuel président du conseil du Robben Island Museum et souhaite réactiver son jumelage avec Le Morne.

Un ex-détenu devenu le président du conseil d’administration de son ancienne prison. C’est le parcours atypique du Pr Sathasivian «Saths» Cooper. Le psychologue clinicien sud-africain, ancien prisonnier politique incarcéré pendant plus de cinq ans à Robben Island, est l’actuel président du Robben Island Museum (RIM). Il a animé une conférence, le samedi 25 novembre, au centre Nelson Mandela pour la culture africaine. Elle avait pour thème «Exploring the essence of African identity and culture».

Durant son séjour, il a parcouru le paysage culturel du Morne, qui est classé – comme le RIM – sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Il a également évoqué, avec les responsables du Morne Heritage Trust Fund, la réactivation du jumelage entre les deux sites historiques. Ce jumelage avait été signé le 20 mars 2017, c’est-à-dire trois ans avant que le Pr Saths Cooper ne devienne le président du RIM. Cette île-prison au large de Cape Town est surtout connue parce que Nelson Mandela, le premier président élu démocratiquement de l’Afrique du Sud, y avait passé 18 de ses 27 ans d’incarcération.

Quelle est la pertinence du jumelage entre le RIM et Le Morne ? Deux sites classés patrimoine mondial qui ont des «ressemblances majeures, de même que des différences majeures», dans leur passé lié à l’esclavage. Le nouveau partenariat devrait s’articuler autour de ce qui peut être fait non seulement pour mettre en valeur les deux institutions, mais aussi les deux pays. «De nombreux visiteurs viennent à Maurice en faisant escale en Afrique du Sud. C’est vital de créer une route du patrimoine culturel pour nous relier.»

«Plus intellectuel que financier»

Le président du RIM rappelle que, si les premiers travailleurs engagés sont arrivés à Maurice le 2 novembre 1834, ils ont débarqué au Natal, en Afrique du Sud, à partir de 16 novembre 1860. «La Grande expérience qui a commencé à Maurice s’est poursuivie dans les domaines sucriers au Natal, aujourd’hui Durban.» Le Pr Saths Cooper, qui confie avoir visité le Sugar Museum durant son séjour à Maurice, est d’avis que «l’on ne voit pas assez ces ressemblances» entre nos histoires.

Interrogé sur le bilan du jumelage jusqu’ici, le président du RIM affirme qu’alors que «les aspirations étaient très élevées, je ne crois pas que les deux parties avaient les capacités pour les réaliser». Était-ce principalement dû à un manque de ressources financières ? «I think it was intellectual more than financial», lance-t-il. «Parfois, vous n’avez pas besoin d’argent pour faire ces choses». Il ajoute que le partenariat doit avoir plusieurs dimensions : «Patrimoniale bien sûr, mais aussi intellectuelle et touristique.» Le Pr Saths Cooper indique que le RIM a reçu «plus de 230 000 visiteurs l’an dernier. L’objectif est d’en accueillir 300 000 l’an prochain». Des visiteurs venus pour la plupart des États-Unis et de Grande-Bretagne. «Le nombre de visiteurs africains est en hausse. À partir de l’année prochaine, la visite sera gratuite pour tous les enfants de moins de 12 ans, locaux comme étrangers.»

Pour un ancien détenu, devenu par la force des choses le président du conseil d’administration de son ancienne prison, est-ce difficile d’accomplir sa mission ? Saths Cooper rappelle que Robben Island n’est plus une prison depuis 1982. Président du RIM depuis 2020, son mandat doit durer jusqu’en 2025. «So it’s easy to go back there and do whatever needs to be done», affirme-t-il.

Ce sont d’anciens prisonniers politiques qui dirigent les visites guidées du RIM. Le temps ayant fait son œuvre, ces ex-détenus sont âgés. Saths Cooper a lui-même 73 ans. Il précise : «Les épouses et les enfants d’anciens prisonniers ont commencé à faire les visites guidées. Si l’approche a changé, cela assure la continuité. L’association des anciens prisonniers politiques a favorablement accueilli ces visites.»

Au nom du «black consciousness»

Saths Cooper fait partie du groupe de neuf étudiants condamnés à l’issue du procès «Black Consciousness». En 1972, il devient le premier «Public Relations Officer» de la Black People’s Convention. L’année suivante, le voilà en résidence surveillée avec d’autres militants, incluant Steve Biko. Il est arrêté en 1974 pour avoir participé à l’organisation de rassemblements de solidarité pour l’Indépendance du Mozambique. Il est le premier des accusés du procès de la South African Student Organisation/Black People’s Convention (SASO/BPC), connue comme le procès «Black Consciousness». En décembre 1976, il est condamné à six ans de prison à Robben Island. Interdit d’études jusqu’à ses deux dernières années de prison, il s’oriente vers la psychologie. Après sa libération le 20 décembre 1982, Saths Cooper poursuit ses études jusqu’au doctorat à l’université de Boston aux États-Unis, devenant psychologue clinicien. Il est également le président de la Pan-African Psychology Union.

Elle a dit

Propos de Hlamalani Nelly Manzini, haute-commissaire de l’Afrique du Sud à Maurice, le samedi 25 novembre, en guise de présentation du Pr Saths Cooper : «Certains se demandent si les personnes d’origine indienne sont africaines mais le Pr Saths Cooper est différent. Bien qu’il soit né de parents d’origine indienne en Afrique du Sud, il est un Africain à part entière. Il a vécu la transition ; il a souffert pour ces choses-là. Il a été détenu à Robben Island ; sa maison a été la cible de cocktails molotov. Il a eu la vie d’un authentique Africain.»