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L’histoire de Rob, un travailleur malgache désabusé et meurtri

20 mars 2024, 17:45

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L’histoire de Rob, un travailleur malgache désabusé et meurtri

(Photo illustration) : D’une mésaventure à l’autre, ce Malgache est rentré dans son pays après seulement deux mois de travail à Maurice.

Il s’agit de l’histoire d’un jeune homme, père de famille, qui est venu à Maurice dans l’espoir d’assurer un avenir meilleur aux siens. Cependant, après seulement deux mois, ce Malgache est retourné dans son pays, profondément déçu et blessé par le traitement qu’il a subi dans l’entreprise où il avait trouvé un emploi. Son dossier, ainsi que celui de plusieurs autres travailleurs, est actuellement entre les mains de la Special Migrant Unit, suite aux signalements du syndicaliste Fayzal Ally Beegun.

Rob, comme il souhaite être appelé pour préserver son anonymat, partage son récit avec beaucoup d’émotion depuis Madagascar. C’est à travers son oncle qu’il trouve le courage de raconter son histoire. D’emblée, il affirme qu’il ne compte pas revenir travailler à Maurice, car sa première expérience laisse des cicatrices, même deux mois après. Comptable de formation, il s’est retrouvé au chômage suite aux changements survenus après les dernières élections dans la Grande île. Face à la crise économique et à ses responsabilités familiales, il se met en quête d’un emploi au plus vite. Il entre en contact avec une agence de recrutement pour des postes à pourvoir à Maurice. Après un certain temps, un contrat lui est présenté. On lui propose un poste de manager, avec une charge de travail de 45 heures par semaine et des heures supplémentaires rémunérées. Le document, estampillé par le ministère du Travail, semble clair, raison pour laquelle il y appose sa signature.

Quelques jours après avoir reçu un billet d’avion fourni par l’entreprise qui l’emploie, Rob est confronté à une amère déception une fois qu’il commence à travailler. «Les responsables m’ont fait travailler presque 110 heures par semaine, sans répit, sept jours sur sept. Mon passeport m’a été confisqué et on m’a dit que je pourrais le récupérer temporairement si j’achetais une carte SIM.» Il est rétrogradé du poste de manager à celui de manutentionnaire. Lorsqu’il ose se plaindre des conditions de travail, la direction lui fait comprendre qu’il y a au moins 25 000 Malgaches prêts à être embauchés par cette entreprise.

Son salaire était de Rs 12 500, et bien que la compagnie ait indiqué qu’elle réajusterait les conditions selon les recommandations des autorités, en janvier, alors que le salaire minimum mensuel national est passé à Rs 15 000, le sien est resté inchangé. Il n’est pas le seul à être confronté à cette situation difficile. Il partage cette épreuve avec neuf autres compatriotes malgaches et quatre Indiens. «Et cela sans aucune fiche de paie et sans avoir été rémunéré pour les heures supplémentaires», renchérit son oncle.

Ne pouvant supporter davantage ces conditions de vie, Rob demande à son oncle de l’aider à rentrer au pays. Ainsi, début février, il invente un décès au sein de sa famille et prétend qu’il doit retourner à Madagascar au plus vite auprès des siens, promettant qu’il reviendrait rapidement… Une «promesse» qu’il ne tiendra pas, évidemment.

À ce jour, ils sont tous en mode survie et la souffrance est insupportable, les poussant à chercher désespérément une issue à cette situation. Ils ont donc pris contact avec le syndicaliste Fayzal Ally Beegun. «J’ai déposé une plainte auprès de la Special Migrant Unit», rapporte-t-il. «De nombreux autres travailleurs étrangers subissent également ces mauvais traitements. Ils ont peur de témoigner car la direction de leur entreprise les a menacés de les renvoyer dans leur pays. Il est crucial de se rappeler que ces personnes ont contracté des dettes pour venir à Maurice.»

On apprend que cette unité du ministère du Travail a déjà lancé plusieurs enquêtes suite à ces dénonciations. L’une des plus récentes concerne des travailleurs qui dormaient sous un kiosque à Port-Louis. Il y avait au total trois constructions, dont deux en tôle et le kiosque transformé, où quinze travailleurs étaient logés. Après l’intervention des fonctionnaires du ministère, ces travailleurs ont été transférés dans un dortoir à Baie-du-Tombeau. Le ministère a souligné que la Special Migrant Unit avait réagi rapidement dès qu’elle avait été informée de cette affaire. La compagnie en question a obtenu trois avertissements et sera poursuivie en justice.