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Machines de guerre

6 septembre 2023, 09:24

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Nos politiciens sont-ils devenus esclaves des partis politiques, et partant, des dynasties qui en sont propriétaires de ces partis ? En affirmant son appartenance ethnique, et en faisant fi du mauricianisme – au nom duquel, du reste, beaucoup disent s’engager en politique – serait-ce la seule façon d’avoir un ticket et de tenter d’entrer au Parlement ?

Et une fois à l’Assemblée nationale, est-on obligé de saluer, resaluer et encore saluer le chef du parti si l’on veut conserver sa berline ou sa place de «yes-person» autour du leader ? Qui a tué l’esprit critique et le débat contradictoire ? L’argent ? À l’université, on nous enseigne que le rôle essentiel des partis politiques est de participer à l’animation de la vie politique. Les partis sont les courroies entre le peuple et le gouvernement. Dans un manifeste diffusé peu avant le scrutin, chaque parti ou bloc élabore un programme présentant ses propositions qui, s’il remporte les élections, seront reprises dans le projet du gouvernement.

En revanche, les partis de l’opposition extra-parlementaire, qui poussent ces temps-ci comme des champignons, privés des ‘goodies’ du pouvoir, doivent proposer des solutions alternatives et remplir ce que certains appellent une fonction «tribunitienne» (selon l’expression célèbre de Georges Lavau, qui renvoie aux «tribuns de la plèbe» sous l’Antiquité romaine), en traduisant le mécontentement d’un certain électorat populaire. Pour faire de l’effet, on ne peut pas souffler le chaud et le froid en même temps. Il n’y a pas de route spéciale entre les deux. Si les nouveaux politiciens n’arrivent pas à sceller un pacte avec les électeurs désabusés, cela risque d’accentuer la désillusion. «Zot tou parey sa/ Enn kou dan loposizion, enn kou dan gouvernman/ Zot rod manz banann dan dé bout», sont les reproches, souvent légitimes, qu’on fait aux politiciens et aux partis qui animent des conférences de presse, souvent fades.

Aujourd’hui, avec la tendance à la professionnalisation de la vie politique, nos partis ont acquis un rôle de sélection des responsables appelés à gouverner au nom du peuple, même si la plupart n’habitent pas leur circonscription, mais optent pour des plaques minéralogiques avec leurs initiales et le numéro de leur circonscription – comme s’ils tatouaient sur leur voiture Duty-Free leur sens d’appartenance à leurs électeurs. Ces signes d’accaparement, comme la conversion de l’Angus Road en chemin à sens unique, accentuent la crise de légitimité de la démocratie représentative et alimentent le sentiment d’aliénation politique. C’est ce qui explique alors la séparation croissante des élus et du peuple, avec des taux d’indécis qui dépassent les 40 % de l’électorat. D’autant que la plupart des partis tuent les initiatives personnelles et les débats contradictoires, et provoquent un nivellement par le bas; la méritocratie n’ayant pas autant de place au sein des bureaux politiques que la souplesse de l’échine du politicien devant son leader ou l’ethnicité (pour montrer un soi-disant bloc arc-en-ciel). Avec des Liders Maximo, les partis agissent comme des factions qui séparent les citoyens du pouvoir politique en détenant un monopole radical sur la représentation démocratique.

Comme notre système politique repose sur des partis qui se battent entre eux pour le pouvoir, ils auraient dû permettre l’expression de la diversité des attentes de la population par rapport à son gouvernement, mais dans la réalité, ce sont des «machines de guerre» dont l’objectif principal est de permettre à un groupe de s’emparer du pouvoir. Intermédiaires quasi obligés entre le citoyen-électeur et ses institutions démocratiques, les partis politiques deviennent, alors, les responsables du détournement de notre démocratie et de l’usurpation du pouvoir par les groupes d’intérêts privés ou dynastiques…