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Après la victoire de l’extrême droite
Macron préfère dissoudre le Parlement
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Après la victoire de l’extrême droite
Macron préfère dissoudre le Parlement
Détournant l’attention générale de l’excellent score, aux élections européennes, de la liste du Rassemblement National (RN), Emmanuel Macron a pris, dimanche soir, les électeurs et observateurs français de court en annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue de nouvelles élections – législatives cette fois-ci – les 30 juin et 7 juillet.
Le chef de l’État français, qui répète n’avoir plus d’avenir politique personnel (puisqu’il ne peut plus rempiler après deux mandats comme président), a choisi, au lieu de faire son mea culpa, de placer ses compatriotes devant leurs responsabilités face à la montée en puissance de l’extrême droite de Marine Le Pen-Jordan Bardella, qui pourrait, avec ou sans un coup de pouce de Marion Maréchal, se retrouver à Matignon.
Emmanuel Macron a utilisé une arme ultime, qui a surpris même son Premier ministre et ses ministres, pour chambouler le paysage et forcer l’ennemi à venir l’affronter sur un terrain inconnu, celui du pouvoir exécutif.
Afin de prouver à la gauche désunie et au centre, voire à une section de la droite, qu’il n’a pas peur de les affronter au sein du gouvernement, Macron pense pouvoir ainsi prouver que les élus de l’ex-Front National ne sont pas prêts à régner. En prenant cette posture extrême, Macron prouve par là même qu’il n’était pas satisfait de sa propre équipe gouvernementale et qu’il est prêt à l’envoyer au casse-pipe sans lui donner du temps pour se préparer. Le jeune Gabriel Attal et son Conseil des ministres vont devoir abandonner leurs fonctions de tous les jours pour se jeter dans la gueule des électeurs en colère, qui ont exprimé leur vote sanction en soutenant, à presque 40 %, la droite nationaliste. Celle-ci mène aussi dans les sondages relatifs au premier tour des législatives.
Les éditorialistes, dans une large mesure, estiment que le président de France voulait surtout se sauver, au soir d’une humiliante défaite face au RN de Le Pen, un parti qu’il avait promis de réduire à sa plus simple expression. «Alors même qu’il s’était pleinement engagé dans la campagne, utilisant tous les leviers à sa disposition (commémorations du Débarquement, guerre en Ukraine, dramatisation des enjeux du scrutin…), il n’a pas su enrayer la glissade de la liste menée par Valérie Hayer. Ce scrutin vient affaiblir encore plus un pouvoir qui, privé de majorité absolue, était déjà contraint de naviguer à vue, entravé», observe le directeur de la rédaction du Monde.
«Le macronisme, c’est fini», crient, pour leur part, les jeunes dans la rue parisienne. Politiquement, en procédant à la dissolution du Parlement, Macron n’a pas voulu subir la défaite mais veut, tant bien que mal, démontrer qu’il reste le maître du jeu, du moins jusqu’à la fin de son mandat présidentiel. En redonnant le pouvoir du vote aux Français, il évite toute autocritique ou besoin de remise en question face au score historique du RN, qui n’a jamais été aussi haut, sept ans après l’arrivée de Macron à l’Élysée.
La dissolution de l’Assemblée nationale en France comprend des avantages à la fois stratégiques et tactiques pour le président de la République. Stratégiquement, il veut montrer que le RN ne pourra pas passer des discours (contestataires) aux actes (de gouverner). Tactiquement, il force par les urnes une coalition pour déboucher sur une nécessaire recomposition politique. En d’autres mots, Maçon tente un coup de poker : transformer le «tous contre Macron» en un «tous contre le RN».
Macron prend certes le risque d’un nouveau revers électoral, alors que l’antimacronisme vient d’être l’un des puissants carburants de la campagne pour les Européennes. Il en est conscient : «Je ne saurais, à l’issue de cette journée, faire comme si de rien n’était», a-t-il admis avant d’annoncer sa décision «grave» et «lourde» de convoquer de nouvelles élections législatives. «C’est avant tout un acte de confiance. Confiance en vous, mes chers compatriotes, en la capacité du peuple français à faire le choix le plus juste pour lui-même et pour les générations futures.»
Pour ses partisans, le président, isolé et chahuté, reprend son destin en main, en faisant «un choix gaullien», alors que la gauche/Parti socialiste, requinquée par Raphaël Glucksmann, se dit «estomaquée» que Macron joue aussi dangereusement avec le RN.
«Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance», s’exclame, dans la foulée de l’annonce de dissolution, une Marine Le Pen bien plus déterminée que jamais.
Observation notable : c’est la première fois qu’un président dissout l’Assemblée après des élections perdues par son camp, relève Marie-Anne Cohendet, professeure de droit constitutionnel à l’université Paris-I. Les trois dernières dissolutions, celles de 1981, 1988 et 1997, ont été engagées pour éviter des cohabitations. Lors de son allocution, le chef de l’État a argué que «la France [avait] besoin d’une majorité claire pour agir dans la sérénité et dans la concorde». Le rendez-vous dans les urnes pour les Français est fixé aux 30 juin et 7 juillet – soit le délai minimal de 20 jours prévu à l’article 12 de la Constitution pour tenir des législatives anticipées –, deux semaines avant le début des Jeux olympiques ! Les temps entre-temps seront épiques.
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