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Législatives en Inde
Malgré un troisième mandat, Narendra Modi perd son éclat
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Législatives en Inde
Malgré un troisième mandat, Narendra Modi perd son éclat
Narendra Modi et ses alliés s’acheminaient hier après-midi vers la victoire, mais avec une majorité parlementaire réduite, selon les chiffres de la commission électorale. CREDIT/AFP
Il y a des victoires qui sont aussi amères que des défaites. C’est probablement le sentiment qui doit animer le Premier ministre indien. À l’issue des législatives, Narendra Modi prêtera vraisemblablement serment dans les prochains jours pour un troisième mandat, mais avec une majorité précaire. Non seulement son gouvernement devra faire face à une opposition ragaillardie, mais il devra aussi dépendre de ses alliés pour sa survie puisque son parti le Bharatiya Janata Party (BJP) n’a pas décroché une majorité des 543 sièges au Lok Sabha, le Parlement indien. Cette situation inédite pour le chef de gouvernement le contraindra à changer de politique et de méthode.
Qui sème le vent récolte la tempête. Narendra Modi paie le prix de sa politique qui a divisé et distillé la haine entre les communautés religieuses depuis dix ans. En pleine campagne électorale le mois dernier, il a fait croire aux familles de religion hindoue que leurs propriétés seraient saisies et données aux musulmans en cas de victoire électorale de ses opposants du Congrès de Rahul Gandhi en l’occurrence. C’est souffler sur des braises.
Le Premier ministre et son parti hindou nationaliste n’ont pas cessé d’alimenter des sentiments discriminatoires, non seulement envers les minorités religieuses, mais aussi chez les Indiens dits de basses castes. Ironie du sort, le pouvoir a perdu des plumes dans l’État d’Uttar Pradesh, son bastion traditionnel. Le BJP ne cache pas sa mission de faire de l’Inde un pays pour les hindous et de l’hindouisme non seulement la religion d’État, mais aussi une philosophie de vie. Les minorités ont largement voté contre le pouvoir en place.
Le feel-good factor qui serait de mise selon le gouvernement Modi n’est que du vent. Il se targue d’avoir fait de l’Inde la cinquième puissance économique mondiale, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni. Mais la réalité est tout autre : la Grande péninsule reste l’un des pays les plus pauvres de la planète. Le fossé entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser. Alors que des familles aisées déploient des richesses de façon ostentatoires, dans les campagnes, le phénomène de suicides des paysans endettés ne s’estompe pas. Faute de latrines, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants dé- fèquent encore aujourd’hui le long des chemins de fer, sur les plages ou dans la nature.
Le coût de la vie grimpe et toute une partie de la population peine à joindre les deux bouts. En revanche, la libéralisation de certains secteurs économiques permet à une poignée d’entrepreneurs proches du pouvoir de réaliser des bénéfices indécents. Selon des analystes indiens, la classe moyenne, dont le pouvoir d’achat a effectivement augmenté, a voté pour le pouvoir en place. A contrario, les partis d’opposition ont séduit l’électorat dans les régions rurales, là où vit la majorité de la population indienne.
Incarnation d’une divinité
Modi cultive le culte de la personnalité jusqu’à faire preuve d’une arrogance vis-à-vis de ses opposants et parfois même de son propre électorat. Pendant la campagne électorale, son entourage le dépeignait comme une incarnation d’une divinité hindoue ayant une responsabilité et mission sacrées. Sa toute dernière initiative consistant à méditer pendant 72 heures dans le sud de l’Inde, au moment même où les derniers électeurs se rendaient aux urnes, est passée pour un gag électoral.
Autre fait du gouvernement Modi qui est passé plutôt mal : tout en se vantant d’être à la tête de la plus grande démocratie au monde, il a continuellement miné la liberté de la presse par tous les moyens. Il a fait taire les journaux critiques, parfois en menaçant les rédacteurs ou encore en facilitant le rachat d’entreprises de presse par des capitalistes proches du pouvoir. Plusieurs chaînes de télévision sont ainsi passées sous la coupe du pouvoir ; désormais, elles chantent jour et nuit les louanges du Premier ministre. L’an dernier par exemple, le groupe Adani, dont le patron Gautam Adani accompagne Modi dans ses missions à l’étranger, est devenu l’actionnaire majoritaire de NDTV, l’une des premières chaînes de télévision. Les visas des journalistes étrangers critiques du régime ne sont pas renouvelés. L’an dernier, les services fiscaux ont effectué un raid dans les locaux de la BBC à New Delhi, accusée de fraude.
Précisons qu’à l’heure de la soumission de cet article et à laquelle nous mettions sous presse, les résultats finaux n’étaient pas encore officialisés.
Les électeurs ont «puni le BJP», estime le chef de l’opposition
Le chef de l’opposition indienne, Rahul Gandhi, a déclaré hier que les électeurs avaient «puni» le parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi, en référence aux projections de la commission électorale montrant une victoire de ce dernier mais avec une majorité réduite. «Les électeurs ont puni le BJP», a déclaré M. Gandhi aux journalistes. «J’étais convaincu que la population de ce pays donnerait la bonne réponse.» Rahul Gandhi a été réélu au Parlement avec une avance de plus de 364 000 voix dans la circonscription méridionale de Wayanad, selon les chiffres de la commission électorale publiés hier. Il s’est présenté pour deux sièges aux élections de député cette année et disposait également d’une large avance de plus de 389 000 voix pour le siège de Rae Bareli, dans le nord de l’Inde.
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