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Canal-Dayot, le mur de la discorde
«Minis pé dir nounn refiz miray akoz lavu. Nou prefer nou lavi a lavu»
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Canal-Dayot, le mur de la discorde
«Minis pé dir nounn refiz miray akoz lavu. Nou prefer nou lavi a lavu»
Jean Marie Brutus vit à Canal-Dayot depuis 24 ans.
Jusqu’ici, ils croyaient que tout le monde les avait négligés lors de la dernière tempête Belal. Eux aussi ont été récemment victimes de la montée des eaux et ont eu l’impression que les autorités les avaient oubliés. Mais c’était sans compter sur le ministre Bobby Hurreeram qui a déclaré, dans une récente conférence de presse, que les habitants se sont opposés à la construction d’un mur dans sa région pour parer à toute montée des eaux car cela aurait obstrué la vue. Quelque chose que certains habitants réfutent catégoriquement, ceux qui étaient hier toujours occupés à nettoyer leur maison.
Il est 14 heures à Canal-Dayot. Sur la route, pas un chat, mais des mouches et des rochers qui traînent ici et là. Sur les murs, les traces de boue témoignent de la récente catastrophe qu’a connue cet endroit. En effet, CanalDayot n’a pas été épargné par la montée des eaux et les averses occasionnées par le cyclone Belal. Des vêtements ont été déposés sur les murs, sans doute abîmés par l’eau boueuse.
Kedhun s’emploie toujours à nettoyer l’entreprise Simelec.
Au loin, les choses semblent s’animer à la compagnie Simelec, qui est dans la vente de prises électriques. Elle a été la proie des eaux et les employés sont affairés ce matin à redonner un coup de neuf au store. Dehors, sur le palier, plus d’une centaine de prises abîmées sont recouvertes d’eau boueuse. À l’intérieur, c’est une scène de désarroi avec de la boue qui a envahi la salle, recouvrant complètement le sol. Estimation de la perte : Rs 12 millions nous dira Kedhun, un des cadres. «Ce jour-là, nous sommes partis vers midi trente lorsqu’ils ont annoncé l’alerte 3, mais l’eau avait déjà commencé à monter. Comme c’était la troisième fois que cela se produisait, on savait déjà qu’on n’allait pas être épargnés. Le niveau d’eau est drastiquement monté et on était que des spectateurs. Tout ce qu’on pouvait faire, c’était de nous sauver car la vie compte avant tout», explique Kedhun.
Pour sa part, il déblaie le store à l’aide d’une pelle. Les boîtes en carton sont empilées et l’odeur de boue a complètement envahi la salle. Depuis le passage de Belal, ils n’ont pas cessé de nettoyer. Qu’en est-il de ce fameux mur que les habitants de la région ont refusé ? «Zamé kikenn inn koz sa ar nou», nous disent-ils. Pourtant, c’est le sujet de la discorde dans la région. Deux aînés en discutent mais refusent de nous parler ouvertement. «Miray li pé dir? Koumsa nou kouyon nou? Nou pou refiz aranz enn miray pou protez nou?» Pourtant, un autre habitant, croisé à Port-Louis, maintient : si, certains ont refusé, dont l’un qui s’est retrouvé inondé lundi.
Le nettoyage continue dans les rues de Canal-Dayot.
Nous rencontrons Jean Marie Brutus, la soixantaine. Il vit à Canal-Dayot depuis plus de 24 ans et sa maison se trouve tout près de la rivière et du monument. Il est le premier à subir la montée des eaux, depuis toujours. «J’ai perdu tellement de choses. À mon âge, c’est très compliqué de tout nettoyer. Mais j’essaie de faire comme je peux. Imaginez-vous le niveau d’eau qui monte et qui m’arrive presque au cou.» Six personnes vivent dans sa maison. Il a pu compter sur l’aide d’une équipe de scouts de la région pour le nettoyage. Pour lui, le projet du mur est un mensonge. «Le ministre dit que les habitants se sont opposés au projet du mur car, apparemment, cela allait obstruer notre vue ? Franchement. C’est une bêtise.» Il ne comprend toujours pas comment un projet qui allait être bénéfique pour les habitants a pu être rejeté.
Comme Jean Marie Brutus, plusieurs habitants et victimes de Belal continuent à ce jour à pleurer la perte d’un patrimoine, de tout ce qu’ils possédaient. Et voilà que Candice pointe le bout de son nez…
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