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Littérature
Nathacha Appanah retrace l’acte de rébellion de son «tranquille» grand-père
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Littérature
Nathacha Appanah retrace l’acte de rébellion de son «tranquille» grand-père
L’autrice mauricienne Nathacha Appanah.
Après des fictions à succès, la romancière mauricienne Nathacha Appanah s’est penchée sur sa famille et a élucidé l’histoire du coup de sang de son «tranquille» grand-père, ouvrier agricole, contre un Blanc aux temps des colonies.
C’est le temps fort de «La Mémoire délavée», récit publié jeudi aux éditions Mercure de France. Délavée car la transmission de la mémoire avait ses lacunes. Certaines des nombreuses histoires qu’avait entendues la future écrivaine restaient nimbées de flou. Ce coup violent asséné à un colon, surtout. À une époque où il n’était pas question pour un travailleur de plantation de canne à sucre d’avoir une autre vie que sa besogne quotidienne, cet homme se rebelle. Et c’est une tache dans l’histoire familiale, dont personne n’osait parler. «Mon grand-père était très taiseux. Ma grand-mère avait une façon un peu... éclatée de raconter les histoires», explique la romancière à l’AFP. Dans le livre, elle rapporte qu’en créole, on le qualifiait de «trankil trankil».
«Je savais vaguement»
Cet aïeul est l’un des héros de l’hommage de la Mauricienne à sa lignée issue d’un village de l’Andhra Pradesh, dans le sudest de l’Inde, et transplantée à Maurice, loin au bout de l’océan. Il est né en 1911, près de quatre décennies après l’arrivée des premiers «coolies» de la famille, ces Indiens «engagés» à qui l’Empire britannique promettait une vie meilleure sur l’île tropicale. Pour les parquer dans des camps. «Je savais vaguement que mon grandpère avait été emprisonné (pour son acte de rébellion, NdlR). Je ne savais pas vraiment dans quelles conditions. Je ne savais pas que son premier enfant était bébé et qu’il en attendait un deuxième. Que lui et ma grand-mère avaient dû partir», raconte sa petite-fille. Même, «il y a une partie de ma famille qui ne savait pas du tout». En interrogeant tous ses membres encore en vie, en fouillant les archives, elle a rassemblé les pièces éparses d’un dossier oublié. Le jeune homme de 23 ans est laboureur, dans ces années 30 où la crise économique mondiale fait chuter le niveau de vie à Maurice comme ailleurs.
«Tout recommencer»
«Je le voyais dans sa jeunesse, comme je ne l’ai pas connu. Fort, beau, grand, dépassant tout le monde de plusieurs têtes, alors que nous sommes petits... Et ça c’était merveilleux», dit l’autrice. À la fin d›une journée, un contremaître s›avise de le pénaliser parce qu›il n›aurait pas fait le travail exigé de lui. «Le Blanc a menti», racontera-t-il une seule fois à sa petitefille. «Il ne m’écoutait pas, je lui ai mis un coup, il est tombé.» Mais d’après son fils, dans cette altercation, l’élément déclencheur avait été une insulte en créole contre la mère du laboureur, morte quand il était enfant. Les conséquences seront terribles. Condamné à de la prison, banni par ses employeurs, réprouvé par sa communauté, il perd tout. «Je ne sais pas où il a passé ses mois d’incarcération. Je ne sais pas comment il se sentait. Est-ce qu’il était triste, est-ce qu’il était en colère ? Comment était ma grand-mère ? Ce sont des choses que je ne saurai jamais», souligne Nathacha Appanah. Les trous ne sont pas comblés. Elle indique seulement où il refera sa vie et surmontera la misère. «Mon grand-père, cet homme qui a été expulsé de la plantation, qui a fait que ma famille a dû tout recommencer dans des conditions très difficiles, je pense qu’il a transmis ça à son fils, qui l’a transmis à mon frère et moi: la difficulté de trouver sa place. Est-ce qu’un jour on va nous demander de partir de là où on est ? Je ne savais pas d’où ça venait, moi.»
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