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On nous coupe en deux...
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On nous coupe en deux...
Pour dire le moins, 2023 aura été une année particulièrement chaude, mouvementée et éprouvante sur les plans politique, économique et social. Pas tant à cause du changement climatique qu’en raison des tensions relatives aux élections générales qui se profilent.Deux mois après avoir remporté son procès en appel devant le Privy Council dans l’affaire Suren Dayal, Pravind Jugnauth ne cesse de répéter que «Privy Council finn sot fizib lalians bann konploter», et de souligner que «c’est la preuve que notre système d’organisation des élections est crédible et intègre».
Alors, plus que jamais, la question demeure : Pravind Jugnauth pourra-t-il conserver le pouvoir, ou est-ce que Navin Ramgoolam saura combiner ou composer avec le MMM et le PMSD pour lui arracher ce pouvoir tant convoité ? Bien évidemment, d’autres acteurs politiques sont en échauffement le long du terrain, mais, dans une large mesure, l’on ne sent pas encore leur poids… Les lois – dont la scélérate Financial Crimes Commission qui vient d’être approuvée dans l’euphorie de décembre, des achats, bonus, nouvelles grilles salariales –, l’agitation des institutions, les déclarations ministérielles et la servitude amplifiée de la MBC, la mise sous bol des conseils de district et de l’appareil d’État, presque tout porte à croire que nous allons assister, de façon crescendo, à une vraie guerre ouverte, avec tout ce que cela implique en manipulation des esprits et attaques sur et sous la ceinture.
Une guerre, sans pitié, comme dans la bande de Gaza devenue un tombeau à ciel ouvert, où les corps qui s’amoncellent montent vers le ciel comme des sapins de sang et de chair, ou sur les frontières sanguinolentes de l’Ukraine, non pas entre deux adversaires, mais entre deux ennemis personnels, deux dynasties qui ont régné et qui voudraient, coûte que coûte, protéger leurs acquis.
Le pays est déjà coupé en deux. Et nous tous avec.
On nous coupe en deux ; on les voit faire ; on n’y peut rien.
Écartelés, il nous faudra aussi conjuguer avec les suiveurs du MSM qui vont se mesurer à ceux du PTr. Tant pis pour ceux, comme nous, qui n’ont pas une vision manichéenne de la vie. Les principes absolus du bien et du mal nous seront servis à la sauce orange ou rouge. Sans nuances, et sans état intermédiaire. Les autres influenceurs politiques vont sûrement se ranger dans l’un ou l’autre camp. Ayant réalisé, sans doute par manque d’audace, ou par pure complaisance exotique, que Maurice n’est pas encore prêt à se débarrasser à la fois d’un Jugnauth et d’un Ramgoolam, afin d’écrire un nouveau chapitre.
Nous l’avons écrit : Pravind Jugnauth, après sa victoire au Privy Council en octobre, surfe sur une vague avec les cadeaux qu’il distribue sur son passage. Il est encore tôt pour savoir quel sera l’impact sur le feel good factor que le Premier ministre et son ministre des Finances tentent de distiller parmi la classe des travailleurs, ceux au bas de l’échelle salariale, les jeunes de 20 ans, les personnes âgées, avant de solliciter un autre troisième mandat consécutif pour le MSM.
Une élection, notamment celle controversée du 7 novembre 2019, et deux victoires, la première annoncée par la Commission électorale et validée ensuite par la Cour suprême, et la deuxième proclamée, le 16 octobre 2023, à l’unanimité, par cinq Law Lords du Privy Council, nommément Lord Lloyd-Jones, Lord Sales, Lord Hamblen, Lord Stephens et Dame Sue Carr. Qui dit mieux !
Pravind Jugnauth, Leela Devi Dookun-Luchoomun, Yogida Sawmynaden, le MSM, le gouvernement, le Sun Trust, les agents orange, la MBC, les fonctionnaires, le bureau du commissaire électoral et ce dernier ont de quoi célébrer.
De l’autre côté de la barrière politique, les Suren Dayal, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, Xavier-Luc Duval, tous ceux qui ont travaillé sur la douzaine de pétitions électorales de l’opposition (qui ont toutes été rejetées) n’ont pas d’autre choix démocratique que de respecter la décision consensuelle du Judicial Committee du Privy Council, même s’ils sont déçus. Comme ils ne peuvent pas blâmer le Conseil privé du roi d’ingérence ou de partialité, comme ils le font, à demi-mot ou pas, par rapport à l’Inde sur le dossier Agaléga, les membres de l’opposition parlementaire tentent laborieusement de changer de stratégie et de fusil d’épaule.
Pravind Jugnauth, débarrassé juridiquement du boulet de MedPoint et maintenant de celui de son élection de novembre 2019, a un boulevard devant lui alors qu’il entame la cinquième année de cette législature. Il a souvent dit qu’il a tout le temps pour organiser les prochaines législatives et a laissé entendre qu’il y aura un Budget (celui de 2024-2025) avant d’affronter les urnes pour un troisième mandat consécutif.
Mais, attention, sa victoire devant le Privy Council ne doit pas être interprétée comme un chèque en blanc. Les juges britanniques se sont penchés sur deux points techniques de la pétition, déjà examinés par la Cour suprême, et ne se sont pas ingérés dans l’organisation et le folklore de nos élections dont le système doit être revu. C’est donc au MSM de relativiser le jugement et d’éviter de faire de la surenchère. Par exemple, en utilisant sa faible majorité au Parlement pour imposer une Financial Crimes Commission Act qui vient remettre la Constitution en question par rapport aux poursuites et au rôle diminué du DPP.
Pravind Jugnauth sort gagnant et peut se permettre de toiser l’opposition parlementaire, avec l’aide d’un speaker-bully qui joue son rôle à fond pour acculer toute l’opposition, tout en protégeant les maillons faibles de la majorité gouvernementale…
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