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Observation des Nations Unies

Personnes en situation de handicap: Maurice pas très bon élève

11 septembre 2024, 20:00

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Personnes en situation de handicap: Maurice pas très bon élève

Les dispositifs d’assistance, comme les fauteuils roulants, sont jugés trop coûteux par le comité des Nations unies.

Lors des 740e et 741e réunions, tenues les 26 et 27 août, le comité des Nations unies sur les droits des personnes en situation de handicap a examiné les rapports périodiques combinés de Maurice et a adopté des observations finales lors de sa 749e réunion, le 2 septembre. Bien que des avancées notables aient été réalisées, notamment avec l’adoption de la Protection and Promotion of the Rights of Persons with Disabilities Act de 2024, le comité souligne, dans son rapport rendu public, des lacunes persistantes dans l’harmonisation des lois avec un modèle de droits humains. Il déplore l’absence d’une véritable inclusion des personnes en situation de handicap dans les processus décisionnels, ainsi que la persistance d’inégalités en matière de discrimination, d’accès à l’éducation, à l’emploi et aux services publics. Le comité des Nations unies insiste sur la nécessité d’adapter les infrastructures et les lois pour garantir une pleine participation des personnes en situation de handicap dans tous les domaines de la société mauricienne.

Harmonisation des lois

Le comité s’inquiète du manque d’harmonisation complète des lois et politiques nationales concernant le handicap avec le modèle des droits de l’homme. Bien que la Protection and Promotion of the Rights of Persons with Disabilities Act ait été adoptée en 2024, le comité estime qu’elle perpétue une approche médicale du handicap, plutôt que d’adopter une vision centrée sur les droits humains. Le comité recommande que Maurice harmonise toutes les lois en fonction d’un modèle de droits humains, en retirant ses réserves concernant certains articles de la convention relative aux droits des personnes handicapées.

Participation dans des processus décisionnels

L’absence de consultation significative des personnes en situation de handicap, notamment lors de l’élaboration de lois et politiques comme la Protection and Promotion of the Rights of Persons with Disabilities Act et le plan d’action sur le handicap 2015-2020 a aussi été mise en exergue. Le comité recommande une participation active des personnes en situation de handicap à travers leurs organisations représentatives dans tous les processus décisionnels.

Égalités

Bien que la Protection and Promotion of the Rights of Persons with Disabilities Act 2024 interdise la discrimination, le comité déplore que la Constitution de Maurice ne mentionne pas explicitement la discrimination fondée sur le handicap. Il appelle également à reconnaître le refus d’aménagements raisonnables comme forme de discrimination et à rendre les mécanismes de plainte accessibles et efficaces pour les personnes handicapées.

Femmes et enfants

Le comité est particulièrement préoccupé par l’absence de perspective de genre dans les lois relatives au handicap. Les femmes et filles en situation de handicap, dit le comité dans le rapport, sont sous représentées dans des organismes clés comme le National Women’s Council. Le comité recommande que leurs droits soient mieux intégrés dans les politiques de genre. Concernant les enfants, le comité a noté que bien que la Children’s Act de 2020 interdise la discrimination, elle ne couvre pas de manière adéquate les besoins spécifiques des enfants en situation de handicap. Il demande une formation plus inclusive pour les agents de la petite enfance et une meilleure sensibilisation des parents.

Accessibilité et situations de risque

Le comité a aussi exprimé son inquiétude face à l’inaccessibilité persistante des infrastructures publiques et privées, malgré les modifications apportées à la réglementation y relative en 2022. Il recommande une collaboration public-privé pour améliorer rapidement l’accessibilité et une prise en compte accrue des personnes en situation de handicap dans la gestion des risques liés aux catastrophes.

Liberté contre l’exploitation, la violence et les abus

Selon le rapport, les statistiques annuelles sur les violences à l’égard des personnes en situation de handicap ne reflètent pas la réalité, notamment en raison d’un manque de sensibilisation. De plus, les refuges sont souvent inaccessibles, surtout pour les femmes et filles handicapées, et il y a un manque de suivi indépendant des institutions qui accueillent ces personnes. Le comité recommande la création de politiques pour réduire la violence, sensibiliser à la protection des personnes handicapées et améliorer l’accessibilité des refuges.

Mobilité personnelle

Les dispositifs d’assistance – comme les fauteuils roulants – sont jugés trop coûteux, et l’accès aux voitures sans taxes est limité à certaines catégories de personnes handicapées. Le comité propose de rétablir la fourniture directe d’aides techniques, d’élargir l’accès aux véhicules adaptés et d’améliorer l’accessibilité des transports publics, notamment les bus et les stations de métro.

Liberté d’expression et accès à l’information

Le manque de mesures pour garantir l’accès à l’information dans des formats appropriés, comme le Braille ou la langue des signes, est aussi souligné dans le rapport. Il recommande de fixer des normes d’accessibilité pour les médias et de promouvoir l’utilisation de la langue des signes mauricienne, y compris sa reconnaissance en tant que langue officielle.

Éducation

Le rapport fait état du manque de compréhension de l’éducation inclusive de qualité, l’investissement persistant dans des structures éducatives ségrégatives comme les institutions pour besoins éducatifs spéciaux et les unités intégrées. Les élèves handicapés, soulignent les experts des Nations unies, rencontrent des difficultés pour obtenir un soutien individualisé, et l’accessibilité des programmes, infrastructures et supports pédagogiques reste faible. De plus, il n’y a pas de système d’évaluation multisectoriel efficace, et les certificats ne sont pas toujours délivrés aux élèves handicapés. Le comité recommande d’inclure les élèves handicapés dans l’éducation générale à tous les niveaux, de promouvoir une culture d’inclusion, d’adapter les matériels pédagogiques et d’améliorer l’accessibilité des écoles.

Santé

Les femmes et filles en situation de handicap rencontrent des obstacles dans l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, et des attitudes négatives de la part des professionnels de santé compliquent l’accès aux soins. Le comité recommande de promouvoir un design universel pour les équipements médicaux, de garantir des services de santé sexuelle accessibles pour les femmes handicapées, et de former le personnel médical sur les droits des personnes handicapées et les méthodes de communication inclusives.

Travail et emploi

Le comité se dit préoccupé par le faible taux d’emploi des personnes en situation de handicap sur le marché du travail, particulièrement pour les femmes et les jeunes, ainsi que du manque d’application de la loi sur les quotas d’emploi des personnes handicapées. Il recommande de promouvoir l’accès à l’emploi pour les personnes handicapées et d’appliquer strictement le système de quotas avec des sanctions et des incitations fiscales.

Participation à la vie politique et publique

Le comité est préoccupé par les restrictions légales qui empêchent les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial de voter ou de se présenter aux élections, ainsi que par le manque d’accessibilité des bureaux de vote et d’informations électorales. Il recommande de modifier les lois électorales pour garantir la participation des personnes handicapées et de rendre les procédures électorales accessibles.

Finalement, l’absence de participation significative des personnes en situation de handicap dans la coopération internationale et la mise en œuvre des objectifs de développement durable est aussi montrée du doigt dans le rapport. Le comité recommande que des mesures soient prises pour garantir la participation active des personnes handicapées dans la mise en œuvre de ces programmes. Les experts du comité ont demandé que Maurice se tourne rapidement vers la création de la National Empowerment Authority, ainsi que l’Independent Monitoring Mechanism. Maurice est appelé à mettre en œuvre les consignes contenues dans ces observations finales. Il est recommandé de transmettre ces observations pour examen et action aux membres du gouvernement et du parlement, aux responsables des ministères concernés, aux autorités locales et aux membres des groupes professionnels, tels que les professionnels de l’éducation, de la santé et du droit, ainsi qu’aux médias, en utilisant des stratégies modernes de communication. Maurice a choisi de faire son rapport suivant la procédure simplifiée. Dans ce cadre, le comité enverra à une liste de questions avant le rapport, au moins un an avant le 8 février 2032, date à laquelle le rapport périodique combiné – quatrième, cinquième et sixième – de Maurice est attendu.