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Pourquoi les seniors sont plus heureux que les jeunes…

22 mai 2024, 11:23

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Pourquoi les seniors sont plus heureux que les jeunes…

À la lumière d’un classement établi par visualcapitalist.com, publié le 17 mai, Maurice se retrouve en tête de liste des pays où les jeunes de moins de 30 ans sont moins heureux que les vieux, entendons par-là, les seniors de plus de 60 ans. Sous le titre Diverging Happiness, la publication en ligne, s’appuyant sur les statistiques du World Happiness Report 2023, place Maurice en haut du classement, avec un large écart de 57 places, devançant les États-Unis et le Canada, alors que le Kyrgyzstan, la Mauritanie et le Tchad clôturent le classement aux 18e , 19e et 20e places respectivement.

Sans doute faut-il se réjouir du fait que les 60 ans et plus soient heureux et ressentent un degré de confort et de satisfaction au moment où ils amorcent une nouvelle vie, avec peut-être plus de sérénité et dans de meilleures conditions. D’autant plus qu’ils se considèrent comme encore utiles à la société. D’ailleurs, la «silver economy», tirée par les retraités, est un créneau économiquement porteur et beaucoup d’États y investissent à l’échelle nationale.

L’Economic Developement Board (EDB) s’est lancé dans plusieurs roadshows pour attirer des silvers expatriés à la recherche d’une paisible retraite à Maurice, en prenant avantage de certains atouts: un service de santé gratuite, des résidences de luxe répondant à leur niveau de vie, un environnement et un climat idéaux, qu’ils ne retrouvent pas peut-être dans leurs pays d’origine. À ce jour, il existe plus de 1 800 riches retraités étrangers venant principalement de France et d’Afrique du Sud.

Il faut en même temps comprendre que ce sentiment de bonheur que les retraités peuvent ressentir, et sur lequel visualcapitalist.com s’est basé pour expliquer ce grand écart intergénérationnel, est le résultat d’une politique sociale ciblée vers cette catégorie de gens depuis 2010. Notamment à coup de diverses prestations sociales, plus particulièrement l’augmentation de la pension de vieillesse à Rs 13 500 aujourd’hui. Ce qui aura permis au pouvoir en place de faire en sorte que les retraités ressentent qu’il existe une amélioration de leur niveau de vie et qu’ils peuvent se permettre de satisfaire certaines aspirations.

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Semblant de bien-être

Or, l’économiste Rajeev Hasnah a une tout autre théorie, celle qu’il a développée et défendue ces derniers mois. «Il faut parler plutôt d’une illusion monétaire qui crée ce semblant de bien-être, voire temporaire, car il y a eu ces dernières années des demandes persistantes de compensations salariales.» Ajouté à cela, il faut, dit-il, rappeler que l’augmentation des dépenses publiques de manière substantielle couplée à une explosion de la dette publique, ces quatre dernières années, ont résulté en un état d’esprit proche de la théorie de «l’équivalence ricardienne», empruntée de l’économiste britannique David Ricardo auprès des travailleurs et des jeunes. Car au final, c’est la population, notamment les jeunes, qui passera à la caisse pour porter ce fardeau financier.

Du coup, on peut comprendre les inquiétudes des jeunes dans le sillage de ce classement face aux aînés du pays et leur démarche d’émigrer vers d’autres cieux. «Ce n’est pas qu’ils sont jaloux des retraités à cause de leur pension de vieillesse. Les retraités sont évidemment contents d’avoir une pension de Rs 13 500 ou plus. Toutefois, à la longue, il y aura un conflit intergénérationnel du fait que les jeunes actifs auront à financer lourdement en impôts les dizaines de milliards de roupies que coûte la pension de vieillesse», explique l’économiste Eric Ng. Sans compter, dit-il, que le taux de chômage chez les jeunes est très élevé, de l’ordre de 18 %, et qu’ils ne reçoivent pas d’allocation.

Certes, les retraités constituent un réservoir de votes conséquent. À l’approche de prochaines élections, toutes les parties rivaliseront de promesses pour amadouer cet électorat avec une surenchère sur le quantum de la pension à proposer. Pravind Jugnauth connaît déjà le poids électoral des seniors. Ils représentent presque 27 % des votants, soit un peu plus d’un électeur sur quatre, dont le plus grand nombre, soit 123 135, provient de la tranche d’âge de 76 ans à 89 ans.

Pour autant, le Premier ministre serait mal inspiré s’il pense pouvoir rééditer l’exploit électoral de 2019, en ciblant majoritairement les seniors, pour récolter les dividendes politiques quant aux investissements de l’État sur cette frange de la population. Pour cause, les nouveaux bénéficiaires de la pension de Rs 13 500, âgés de 60 ans à 64 ans, au nombre de 82 692, sont professionnellement actifs dans leur grande majorité et ne dépendent pas forcément de cette augmentation pour joindre les deux bouts. Cela, contrairement aux 70 ans ou plus, qui sont financièrement vulnérables et qui dépendent de cette pension, celle-ci étant leur principale source de revenus, comme le rappelle l’économiste Azad Jeetun,

L’ancien directeur de la Mauritius Employers’ Federation comprend certes que des partis essaieront de mettre le grappin sur les 260 000 électeurs en vue des prochaines législatives avec de nouvelles annonces; en revanche, ce qui l’interpelle, c’est le coût de financement de ces mesures électoralistes, qui mettent des pressions sur les finances publiques.

Le 7 juin prochain, à la faveur du dernier grand oral du ministre des Finances de la présente législature, il faudra s’attendre à une nouvelle série de mesures pour conforter financièrement les seniors en vue de faire perdurer leur «happiness index», mais aussi envers les jeunes pour stopper cet exode. Deux réservoirs de votes dans le collimateur du gouvernement sortant.

En attendant, le Budget de la Sécu, déjà à Rs 50 milliards pour l’année fiscale 2023/24, est bien parti pour exploser.