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Promesses électorales

Puisque personne n’a voulu changer un système et le Droit qui nous insultent…

2 septembre 2024, 09:10

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Dans l’opinion et chez les opposants au gouvernement, l’on s’offusque de ces annonces que lance le gouvernement à tour de bras lors des grands rassemblements et destinées à faire plaisir à son auditoire. Lorsque l’on sait que les élections sont derrière la porte, il y a dénonciation de ce que d’aucuns pensent être des mesures pouvant influencer l’électorat dans son choix des futurs dirigeants du pays. Mais la réalité veut que tout ce que promet, annonce ou donne le gouvernement comme cadeau, payé bien sûr des caisses de l’État, donc de l’argent du contribuable, ne peut être attaqué en justice en tant qu’acte de bribery, en vue d’influencer les résultats du prochain scrutin.

En effet, le Privy Council a déjà statué sur la question dans l’affaire Dayal. Dans sa décision d’octobre 2023, le conseil avait entériné le jugement de notre Cour suprême qui allait, en juillet 2022, dans le même sens, et avait trouvé tout à fait conformes au Droit les annonces faites par le gouvernement avant les élections de 2019. Aujourd’hui, l’on gagnerait à lire cette décision du Privy Council où sont exposés les arguments pour qualifier de bribery électorale une promesse ou quelque annonce sur le PRB, l’augmentation de la pension, entre autres. L’on constatera que le gouvernement du jour prend soin de ne pas s’égarer de la décision du Privy Council, qui constitue un modus operandi afin que ces annonces, promesses et promotions ne puissent tomber dans la définition de bribery électorale.

Cette situation devrait amener tous les partis politiques à réfléchir sur les lois ayant trait à l’organisation des élections à Maurice et la corruption, et de proposer dans leurs manifestes un réel désir de changement du système. Cela donnerait à notre système de justice des outils, des textes de loi appropriés, sur lesquels les juges pourront s’appuyer pour mettre un frein à des pratiques considérées comme pouvant empêcher la tenue des élections libres et justes à Maurice. Et si nécessaire, pourquoi pas une révision de la Constitution à ces mêmes fins ?

Lorsqu’on connaît le contexte mauricien, lorsque l’on sait que les élections sont derrière la porte, même si le Nomination Day n’a pas été annoncé ; les détenteurs de l’appareil de l’État feront usage des moyens dont ils disposent afin d’amadouer les différentes composantes de l’électorat mauricien ; ils voudront faire régner ce qu’ils appellent un feel good factor, qui leur serait favorable pour rester au pouvoir. Éthiquement, ou sous un angle de fairness, d’équité ou du respect des principes, les générosités ou les annonces faites par un gouvernement peuvent être considérées comme condamnables, comme pouvant influencer le vote. Mais le Droit est implacable : le juge n’est pas là pour juger les principes de la morale, fussent-ils les plus nobles et souhaitables, alors qu’il y a un texte de loi précis, mais bancal, qui statue sur la question.

Le parti qui aspire à gouverner doit prévoir d’amender la loi, de l’abroger et de la remplacer par une nouvelle. Le texte nouveau, corrigé de tous ces défauts, et pouvant être exhaustif à couvrir tous les scénarios possibles à l’avenir, sera utile : il permettra au juge d’avoir une justification pour condamner les actes considérés comme répréhensibles, pouvant influencer le vote de l’électeur.

Nous avons hérité d’un système légal de nos anciens colonisateurs. Mais nous n’avons rien fait en 56 ans d’indépendance pour le changer, alors que la culture du pouvoir de notre élite politique a évolué, dans le sens où le texte, les mots sont devenus plus importants que l’esprit de la loi.

L’on peut se plaindre aujourd’hui de l’utilisation qui est faite d’un système dépassé, des textes de loi devenus absurdes dans leur application et interprétation alors que les divers régimes qui se sont succédé au pouvoir à l’Hôtel du gouvernement n’ont rien fait pour changer les conditions dans lesquelles se déroulent des élections à Maurice. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Les partis politiques peuvent insérer une initiative de révision légale ou même constitutionnelle dans leurs programmes et promettre de la réaliser une fois arrivés au pouvoir.

Une autre promesse, hélas!