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Puisqu’on ne peut remorquer Maurice hors du chemin des cyclones

22 janvier 2024, 09:00

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La guerre par communiqués entre Ram Dhurmea, le directeur des services météorologiques, hier démissionnaire et aujourd’hui suspendu, et le ministre de la Gestion des risques de catastrophes, Anwar Husnoo, ne devrait pas détourner notre attention des vrais enjeux qui nous menacent. Le changement climatique et les risques accrus d’aléas naturels. Les deux hommes ne doivent pas chercher à toujours esquiver les coups. Or personne ne veut reconnaître ses manquements et continue à pointer l’autre du doigt.

Les commis de l’État, comme la Permanent Secretary qui avait quitté la fonction publique sur la pointe des pieds après avoir autorisé l’achat massif des comprimés Molnupiravir, et les ministres, qui sont censés nous servir, pensent pouvoir avoir le beurre et l’argent du beurre, soit de vouloir s’accrocher à leur poste (en restant dans les bons papiers des seigneurs du jour) tout en évitant de se mouiller au maximum (afin de ne pas payer personnellement pour un système vicié car trop politisé). Ils incarnent aux yeux de beaucoup une fonction publique qui courbe l’échine devant des politiciens, et qui n’a pas pu s’adapter au monde d’aujourd’hui. Le gros des contribuables, de plus en plus exigeants, veulent la transparence totale de la part de nos institutions et rejettent l’amateurisme flagrant ou le je-m’en-foutisme indubitable de certains.

Hélas, nos hauts fonctionnaires ou ceux qui reviennent sur contrat préfèrent rester muets et regarder ailleurs. Ils ne sont pas là pour réinventer la roue. C’est plus facile de se taire, de profiter de son dimanche avec la famille, à faire la causette chez son marchand de légumes, qui va, lui, se plaindre des pluies de Belal. Nos hauts fonctionnaires, hormis (feu) sir Bhinod Bacha, préfèrent raser les murs et éviter la critique sociale. La question à se poser : qu’est-ce qui réduit au silence nos hauts fonctionnaires, qui auraient pu éclairer le troupeau, remettre en question la gouvernance et l’ordre établi ?

Alors toutes sortes de scénarios, les uns plus loufoques que les autres, émergent de l’imaginaire mauricien par rapport au couvre-feu inattendu ou à la levée brutale de l’alerte cyclonique, nous ne pouvons que regretter le silence de ceux qui en savent plus que nous mais qui choisissent de se taire, par peur des représailles politiciennes ou par timidité personnelle ? À leur façon, ils bloquent le progrès et perpétuent l’immobilisme.

Pour progresser, il nous faut favoriser un lieu de production et d’échange d’idées neuves. On doit cultiver des liens entre tous ceux qui croient en la force des idées comme moteur de l’activité humaine, notamment avec nos hauts fonctionnaires, technocrates, experts. Cette logique d’échanges et de confrontations de réflexions doit être organisée et amplifiée – afin que les idées prennent le dessus sur les partis et les hommes qui sont à leur tête. L’universitaire Edward Said mettait souvent en avant que la mission des intellectuels est de «break down the stereotypes and reductive categories that are so limiting to human thought and communication». Noam Chomsky, autre activiste de la pensée sociale, avance, sans détours : «It is the responsibility of intellectuals to speak the truth and to expose lies.»

La politique doit être l’affaire de toutes et de tous les citoyen(ne)s. Il faut s’en mêler même si c’est sale et dénoncer tous ces politiciens qui ont pris le système en otage, qui ont fait de la politique locale leurs fonds de commerce ou des affaires de famille – de grand-père à petit-fils. Du leader inamovible qui perd une par une ses dents jaunies aux gendres médiocres qui attendent leur part d’héritage comme des charognards affamés, qui ne souhaitent aucune réforme électorale.

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Post-Belal. Ces jours-ci, à grand renfort de tronçonneuses, de serpes et de sabres, on élague sauvagement les arbres dont les méchantes branches ont fait tomber les fils électriques ou téléphoniques. Dans le Sud, où les arbres sont rois, le travail est colossal. Mais forcément, ces arbres repousseront et leurs branches, de plus en plus hautes, feront l’année prochaine tomber idem… C’est en somme un système très profitable – aux entrepreneurs et bûcherons, aux importateurs de tronçonneuses, serpes et coupe-coupe – et qui coûtera un bon petit budget d’élagage au CEB, n’est-ce pas M. Joe Lesjongard ?

Nous nous inspirons ainsi du modèle technoéconomique édifiant qui consiste à fouiller des trous puis à les reboucher. Nous appliquons une variante culturelle : nous élaguons, puis les branches repoussent.

C’est comique, et tragique.

Cependant, toujours rigoler, critiquer ou pleurnicher devant la bêtise de ceux qui dilapident notre argent, peut être aussi négatif que de fouiller des trous qui vont se reboucher d’eux-mêmes. Il faut donc se risquer, faute de pouvoir remorquer Maurice hors du chemin des cyclones, à préconiser une politique (pardon pour le mot sale) – un projet qui aurait le mérite d’implanter (cette fois le mot est approprié!) une culture arboricole appropriée ; un programme écologique maîtrisé qui ne serait pas du tape-à-l’oeil et du faire-semblant onéreux.

Au fil des cyclones et des décennies, l’express l’a plusieurs fois suggéré aux différents responsables. Il faudrait que, tout le long des réseaux distributeurs électriques et téléphoniques majeurs, sur une bande de tant de pieds, de chaque côté, on ne plante plus que des arbustes atteignant un maximum de tant de pieds de haut. Une législation ferme et impérative (c.-à-d. appliquée, quelles que soient les pressions ou lobbies) ferait l’affaire.

Évidemment, un budget initial public et privé serait nécessaire pour éliminer les grands arbres et planter les espèces naines florifères appropriées. Et rien ne peut être envisagé à cet effet sans la disponibilité de ces arbustes choisis dans de grandes pépinières. On recyclera ainsi nos bûcherons en pépiniéristes et mini-horticulteurs.