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Nouvelle drogue saisie à l’aéroport SSR

Quand les feuilles de khat s’invitent dans la panoplie de stupéfiants chez nous

3 septembre 2024, 21:00

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Quand les feuilles de khat s’invitent dans la panoplie de stupéfiants chez nous

Dimanche dernier, une opération des policiers de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) et ceux de la Customs Antinarcotics Section de la douane a conduit à l’arrestation de deux individus à l’aéroport international SSR. Les deux suspects, en provenance de Madagascar, avaient en leur possession des feuilles de khat.

Les personnes interpellées sont Raina Soamanjary, âgée de 28 ans, télé agente résidant à Mahajanga, Madagascar, ainsi qu’Andrianandrasana Tolojanahary Fiderana, 28 ans, travaillant dans une boulangerie à Pailles. Les deux individus ont été arrêtés pour possession d’un sac en plastique translucide enveloppé de ruban adhésif. Le sac contenait une certaine quantité de matière végétale soupçonnée d’être du khat, une drogue stimulante illégale, pesant 440 g et évaluée approximativement Rs 500 000. Les deux suspects ont été arrêtés.

Les deux suspects malgaches arrêtés dimanche..jpg Les deux suspects malgaches arrêtés dimanche.

L’enquête se poursuit pour déterminer la provenance de la drogue. Selon les explications de la suspecte aux enquêteurs, elle ne savait rien à propos de ces feuilles. C’est le deuxième suspect qui lui a demandé de transporter une partie de celles-ci. Les deux accusés ont été placés en détention, respectivement au poste de police de Quartier-Militaire et au centre de détention de Vacoas.

Le 5 septembre 2023, un Kenyan de 32 ans a été arrêté à sa descente d’avion. Il avait 73,76 grammes de feuilles de khat valant Rs 92 000 dans son sac à dos.

Les feuilles de khat c’est quoi ?

Comme les feuilles de khat ne sont pas connues des Mauriciens, nous avons sollicité Kunal Naik, psychologue et addictologue, Imran Dhunnoo du centre Idriss Goomany et José Ah-Choon du centre ANOULA de Baie-du-Tombeau pour des éclaircissements.

Le psychologue et addictologue Kunal Naik explique que le khat est une plante dont les feuilles sont mâchées pour leurs effets stimulants. Elle est principalement utilisée en Afrique de l’Est. Kunal Naik parle de drogue qui est très connue au Kenya où les chauffeurs de poids-lourds, qui font de longs trajets, l’utilisent pour les garder éveillés. Certains consomment les feuilles de khat mélangées à du tabac.

Kunal Naik, psychologue.jpg Kunal Naik, psychologue et addictologue.

Le khat a des effets stimulants car il contient des composés appelés cathinone et cathine, qui sont des stimulants du système nerveux central. Ces composés peuvent provoquer une sensation de bien-être, d’euphorie et d’énergie accrue. «Les utilisateurs peuvent ressentir une meilleure concentration, une diminution de la fatigue et une amélioration de la vigilance.»

Il ajoute qu’il peut y avoir des effets psychologiques tels qu’une augmentation de l’extraversion rendant le consommateur plus communicatif, sociable et ayant plus de confiance en soi. Cependant, certains utilisateurs peuvent également éprouver de l’anxiété ou avoir des comportements agressifs. «La consommation de khat peut provoquer une augmentation du rythme cardiaque, de la pression artérielle et de la température corporelle. Des symptômes comme des insomnies, des troubles digestifs et une perte d’appétit sont également possibles.»

Il parle aussi de ses méfaits car l’usage régulier de khat peut entraîner une dépendance psychologique. Des effets à long terme peuvent inclure des problèmes dentaires, des troubles digestifs chroniques et des impacts négatifs sur la santé mentale car ceux qui consomment le khat en excès peuvent avoir des cauchemars, souffrir de la paranoïa, avoir un comportement agressif. «Je pense que les autorités concernées doivent mettre l’accent sur la sensibilisation par rapport à ces feuilles qui peuvent entraîner des dégâts chez les consommateurs.»

Il y a beaucoup de différences entre le cannabis et le khat. Par exemple, les feuilles de khat sont mâchées pour libérer les composants actifs. Par contre, le cannabis peut être consommé de différentes manières, y compris par inhalation ou vaporisation. La consommation de khat a des effets stimulants, similaires à ceux des amphétamines.

Le rôle de transit de Madagascar

José Ah-Choon, travailleur social, indique que depuis 2023, il a sonné l’alarme sur la consommation des feuilles de khat à Maurice. «Avec l’évolution des marchés de la drogue, le khat a trouvé un nouvel usage dans la production de drogues synthétiques.» Les trafiquants exploitent le khat pour en extraire des substances, qui sont ensuite transformées en drogues synthétiques plus puissantes.

José Ah-Choon.jpg José Ah-Choon du centre ANOULA de Baie-du-Tombeau.

«Cette adaptation représente une menace majeure, car ces nouvelles substances peuvent avoir des effets dévastateurs sur la santé mentale et physique des consommateurs. Les dérivés synthétiques du khat peuvent être mélangés avec d’autres substances chimiques pour créer des drogues dont les effets sont souvent imprévisibles et potentiellement dangereux», ajoute-t-il.

En ce qui concerne cette importation de Madagascar, le travailleur social explique : «Comme il n’y a pas de culture de khat à grande échelle à Madagascar, je pense que ce pays sert de transit pour cette drogue. Je soupçonne ces Malgaches arrêtés de jouer un rôle d’intermédiaires dans ce commerce illicite. Cette situation met en lumière un problème complexe où la communauté locale se retrouve prise dans un réseau global de trafic de drogue.»

Il ajoute que la clé pour lutter contre cette exploitation du khat réside dans la sensibilisation, l’éducation et la mise en place de mesures législatives efficaces.

«Les trafiquants ont fait un grand pas»

Imran Dhanoo du centre Idriss Goomany indique qu’on retrouve les feuilles de khat en Éthiopie, Somalie, au Kenya. «Si ces feuilles ont été saisies à Maurice, les trafiquants ont fait un grand pas. Parce qu’au centre, nous avons des drogués en désintoxication dont la majorité sont accroc au Brown Sugar et à la drogue synthétique mais pas encore aux feuilles de khat.»

Imran Dhanoo.jpg Imran Dhanoo du centre Idriss Goomany.

Il explique que ces feuilles sont une drogue répertoriée dans la Convention 1961 sur les stupéfiants comme un problème de santé publique. «Il est vrai que certains jeunes cherchent souvent des sensations fortes ou des expériences nouvelles, et cela peut les amener à explorer différentes substances, y compris le khat. La recherche de sensations peut être motivée par divers facteurs, comme le désir d’évasion, la curiosité ou des influences sociales. Il est important de noter que la consommation de khat peut comporter des risques pour la santé tels que des troubles du sommeil et des effets négatifs sur la santé mentale et sociale.»