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Raphaël Audibert, le marronnage décomplexé
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Raphaël Audibert, le marronnage décomplexé
Partir d’un ouvrage historique primé : «Le marronnage à l’isle de France : rêve ou riposte de l’esclave ?» Pour faire œuvre de vulgarisation. Vingt-quatre ans après la sortie du livre d’Amédée Nagapen, Raphaël Audibert s’empare des informations laissées par l’historien, pour recadrer les connaissances sur le marronnage. Résultat : «Leritaz maronaz» a été lancé au centre Nelson Mandela pour la culture africaine, le jeudi 14 septembre.
Une question lancinante. Posée par Raphaël Audibert, 25 ans, artiste pluridisciplinaire. «A quoi sert l’histoire aujourd’hui ?» Une histoire qui «pèse sur nos épaules que nous en soyons conscients ou pas». Cette question, il l’a posée au lancement de son livre, Leritaz maronaz, le jeudi 14 septembre, au centre Nelson Mandela pour la culture africaine. Une publication réalisée avec le soutien du National Arts Fund.
Le point de départ de ce qui est, pour Raphaël Audibert, un cheminement, c’est son expérience de guide touristique. En 2019, l’artiste cherche de quoi financer son album. Il est embauché chez Yanature, pour accompagner des touristes au Morne et dans les Gorges de Rivière-Noire. Quand il range ses chaussures de marche, Raphaël Audibert est un reggaeman. Son nom de scène est Rafiki.
«Je me suis démarqué des autres guides par une analyse plus poussée du marronnage.» Ce qui tranche avec l’accent qui est souvent mis sur la performance physique dans ces sorties en nature. Sur le terrain, le jeune guide est aussi frappé par la concurrence. Celle d’autres sociétés qui lors des randonnées, proposent aux visiteurs de rencontrer des habitants de la région, qui racontent un pan d’histoire orale. Leur contenu «était encore assez léger», déplore Raphaël Audibert.
Lui veut en savoir toujours plus. À force de creuser le sujet du marronnage, des collègues lui proposent un dîner au cours duquel il partagerait ses connaissances. En se documentant, Raphaël Audibert tombe sur des «bouts d’articles» qui «parlent du livre d’Amédée Nagapen, un livre qui est rare. Au centre Nelson Mandela, ce sont des pages scannées qui sont disponibles sur CD».
Leritaz maronaz a pour sous-titre Chroniques de la résistance au colonialisme à l’île Maurice. Le livre de Raphaël Audibert servi par les illustrations de Sébastien Tahucatte, Mathieu Maigrot ainsi que des modélisations et animations numériques s’ouvre avec une galerie de portrait. L’auteur fait revivre Bellaca le «bandit», Coutoupa le «guerrier», Lindor le «marchand nomade», Diamamouve le «cascadeur», Tatamaka «l’intrépide», Barbe Blanche «le roi de la forteresse du Morne».
Il y a aussi des figures féminines comme Anna de Bengale, Esperance, Madame Françoise. Des marrons considérés à leur époque comme des criminels. «Nous les traitons comme des symboles sans en faire des héros parce qu’il ne faut pas oublier leur part de violence», précise Raphaël Audibert.
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Regard critique sur l’histoire des marrons qui se sont jetés du Morne
«Le patrimoine oral a été manipulé au fil des générations jusqu’à devenir un plaidoyer du colonialisme». Propos de Raphaël Audibert auteur de Leritaz maronaz. Il déplore à la fois la version de l’histoire des marrons qui préfèrent se jeter dans le vide, où ces fugitifs sont associés, «à de l’incompréhension et à de la lâcheté». Tout comme son pendant «paternaliste», mettant en avant les bonnes intentions du colonisateur souhaitant leur annoncer l’abolition. «Cela me choque que cette histoire soit entretenue par des descendants d’esclavés. L’histoire du marronnage est établie, sauf que ce n’est pas celle qu’on nous a légués».
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Hommage à Amédée Nagapen
Leritaz Maronaz porte un double héritage. Celui des «guérillos», qui par la fuite ont résisté à un système d’exploitation. Des «grands marrons» ainsi appelés parce qu’ils ont vécu en fugitifs pendant de longues périodes. C’est aussi un hommage à Amédée Nagapen, auteur de l’ouvrage primé, Le marronage à l’Isle de France: rêve ou riposte de l’esclave ? édité en 1999 par le centre Nelson Mandela pour la culture africaine (alors le centre culturel africain). Ses recherches avaient valu au prêtre-historien, membre associé de l’Académie des sciences d’Outre-Mer, le Grand prix littéraire de l’océan Indien et du Pacifique de l’Association des écrivains de langue française. Le livre d’Amédée Nagapen «a fourni le squelette» de Leritaz maronaz. «Notre but est de démocratiser les informations répertoriées, les analyser, et les mettre en valeur à travers un travail d’illustration et de mise en page», écrit Raphaël Audibert en avant-propos.
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Parcours: une âme avide
L’envie d’en savoir plus sur les marrons de Raphaël Audibert ne date pas d’hier. À l’âge de 16 ans, il séjourne pendant un mois dans un petit village de brousse, Manompana, à Madagascar, comme bénévole au sein d’une association locale. «Un vrai voyage initiatique» avant le bac. «C’était une idée de mes parents parce que j’étais en situation de phobie scolaire, l’étape juste avant l’abandon des études. Cela m’a donné confiance en moi, en ma capacité de voyager seul.» Il en garde le regret de n’avoir pu se rendre à l’île SainteMarie où le pirate Levasseur dit La Buse – qui a écumé l’océan Indien – aurait caché son trésor. Après le bac, Raphaël Audibert enchaîne avec un voyage agricole en Jamaïque, «dans des fermes organiques rastafaris. Parmi les obstacles que j’ai eus à surmonter : il n’y avait pour moyen de locomotion que le voilier et faire du bateau-stop d’une île à l’autre». Au fil des rencontres, des rastas jamaïcains, descendants d’esclavés et de marrons, expliquent à Raphaël Audibert le sens profond de Buffalo Soldier, chanson de Bob Marley sur le «dreadlock Rasta (…) Stolen from Africa, brought to America/ Fighting on arrival, fighting for survival».
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Aller à la rencontre du lecteur
Le lancement du livre est une étape dans l’ensemble du projet Leritaz maronaz. Maintenant que l’objet-livre a vu le jour, il ne demande qu’à aller à la rencontre du public. Un calendrier d’activités est prévu, dont des ateliers dans les écoles. Toutes les écoles intéressées sont invitées à prendre contact avec l’auteur.
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