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Réalités
Il est touchant de constater à quelle fréquence les revendications salariales s’appuient sur la progression du chiffre d’affaires d’une compagnie, comme si cette progression était un ‘surplus’ que l’on pouvait automatiquement distribuer…
On lit ainsi dans le Week-End de dimanche dernier, les récriminations des employés du Mauritius Duty Free Paradise (MDFP) qui s’étonnent qu’en temps normal… le paiement déboursé (en «bonus de production») a été de 1,75 mois pour un chiffre d’affaires de Rs 1,8 milliard, alors qu’il leur est maintenant proposé seulement 0,7 mois de «bonus de production» alors que le chiffre d’affaires est de Rs 3,6 milliards. Le personnel de MDFP estime dès lors qu’un bonus d’un minimum de deux mois leur est dû, d’autant, disent-ils, qu’Airports of Mauritius, avec un chiffre d’affaires qui est inférieur, paiera 1,25 mois de salaires en bonus…
Si seulement c’était aussi simple…
D’abord, notons qu’il y a peut-être une confusion entre les termes «production» et «productivité» ? Ensuite, soulignons que ce qui peut, à la limite, suggérer des bonis distribuables ce sont toujours les profits, plutôt que les ventes ! Finalement, faut-il rappeler que même des profits ne sont pas souvent suffisants pour payer des bonis, par exemple s’il y a des réserves financières à (re)constituer, ou des dettes à rembourser ou un investissement crucial à concrétiser d’abord, pour assurer l’avenir de l’entreprise à plus long terme ?
Entendons-nous, une Mercedes neuve immatriculée (et donc achetée) en octobre 2023, comme chez MDFP, ne fait certainement pas partie des investissements cruciaux d’aucune entreprise qui se respecte… Ni ne se respectent les casinos du pays qui vont apparemment payer Rs 68 millions pour honorer les 14e mois dus depuis 2019, mais en ne faisant plus référence aux critères d’éligibilité de présence et de productivité, afin de «faciliter le paiement», précise-t-on ! Tu parles !
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La trêve négociée à Gaza a favorisé la levée au moins partielle de l’embargo frappant la population gazaouite, rassuré donc la conscience de beaucoup de monde, permis au Hamas de respirer et de se regrouper et a rendu possibles des échanges de prisonniers palestiniens contre des otages israéliens. C’est bien tout ça. Toutefois, rien de fondamental n’a changé.
D’abord parce les bombardements ont repris. Ensuite, parce que l’on ne reconnaît d’aucune manière l’absence d’équivalence morale entre, d’une part, des civils israéliens innocents que l’on kidnappe sans raison, sauf celle de les utiliser comme monnaie d’échange et, d’autre part, des civils palestiniens arrêtés pour ‘atteintes à la sécurité’ d’Israël, même si parfois arbitrairement. Il faut souligner, à ce propos, que les Palestiniens emprisonnés par les Israéliens, étaient, vers le 7 octobre, environ un millier, qu’ils ne sont pas sous le contrôle des cours de justice et des lois civiles d’Israël, qui est pourtant une démocratie, mais qu’ils sont détenus sous des tribunaux et des lois militaires. Cependant, il est généralement clair que l’on peut leur reprocher quelque violence perpétrée personnellement, ce qui n’est pas du tout le cas des otages israéliens ! La proportion de trois prisonniers palestiniens à être libérés pour chaque otage israélien rendu aux siens ne laisse pas moins perplexe aujourd’hui qu’en 2011, quand on échangeait, cinq ans après sa capture lors d’un raid du Hamas en Israël, un seul soldat israélien, Gilad Shalit, contre à peu près un millier de Palestiniens prisonniers ! On affirme que, de ce millier de prisonniers ; 280 avaient été condamnés à la prison à vie et que, collectivement, ces prisonniers avaient tué 569 Israéliens, soldats et civils compris. C’est dire ! (*)
Avec un tel taux d’échange Israélien/Palestinien, même s’il est, cette fois-ci réduit à 1 pour 3 pour des otages non militaires ; qui peut croire que même si l’infrastructure cruciale du Hamas, y compris sa super structure humaine, est un jour éventuellement considérée comme détruite, qu’il n’existera pas la tentation d’aller chercher un otage ou deux en Israël pour négocier à nouveau? Qui peut dès lors encore croire que la paix sera possible grâce, exclusivement, à une ‘solution’ militaire, sans solution politique compréhensive ? D’autant que les colons israéliens (solidement assistés par l’armée) tuent aussi et terrorisent des civils palestiniens tous les jours en Cisjordanie (**).
De son côté, la Tribune de Genève, quotidien suisse, citait le Club des prisonniers, une ONG palestinienne défendant les droits des prisonniers, qui affirmait, après la libération des 39 premiers prisonniers palestiniens, vendredi dernier, que les militaires israéliens avaient arrêté 17 nouveaux Palestiniens le même jour… On peut supposer que la trêve n’interdisait pas aux Israéliens d’arrêter tout trouble-fête palestinien, notamment en Cisjordanie, mais à cette cadence-là, les prisons israéliennes pourraient rapidement être re-stockées…
Il est quand même remarquable de voir deux ennemis qui jurent la destruction violente et complète l’un de l’autre, trouver le moyen de dialoguer, même si c’est à travers des intermédiaires ! Cela permet-il un espoir de paix éventuel ? C’est possible, mais cela reste très improbable ; les chaudrons de la haine étant, à nouveau, remplis à ras bord, alors que ceux qui alimentent le feu dessous sont maintenant encore plus galvanisés soit par les massacres du 7 octobre, les prises d’otage du même jour, les semaines de bombardements lourds de Gaza qui suivirent et la désolation et la misère accélérées causées au peuple civil palestinien, en conséquence. Le Hamas et/ou le gouvernement Netanyahu devront/devra disparaître…
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Le speaker du Parlement ainsi que le gouvernement qu’il défend invariablement ne semblent pas vouloir changer leur fusil d’épaule et aggravent au contraire la situation en multipliant les refus de questions supplémentaires, en tolérant les actions dilatoires, en n’insistant pas pour des réponses promptes et complètes déposées à la bibliothèque du Parlement et en maniant expulsions et suspensions avec gourmandise. La démonétisation du Parlement, qui est pourtant la plateforme privilégiée pour assurer la transparence des affaires publiques qui utilisent l’argent du peuple, est donc malheureusement constante et garantie.
Nous sommes évidemment un pays indépendant, mais nous ne possédons aucune structure indépendante pouvant étudier l’état de notre Parlement et passer un jugement sur ce qui peut/doit y être amélioré pour notre bonheur démocratique. Serait-il temps de chercher un regard neutre extérieur ? Pourquoi ne pas inviter le bureau de sir Lindsay Hoyle ou John Bercow, son prédécesseur, qui a sûrement plus de temps à sa disposition et dont le seul déshonneur semble d’avoir été un ‘bully’ pour certains de ses collègues, à venir nous rendre visite et nous laisser un rapport QUI DEVRA ÊTRE RENDU PUBLIC ?
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La Banque centrale indique qu’à fin Octobre 2023, nos réserves de devises se montaient à 6,7 milliards de dollars, soit l’équivalent de 10 mois d’importations. Ce que l’on est moins disposé à montrer c’est ce qu’il aura fallu emprunter, en devises bien évidemment, pour maintenir ce niveau de couverture de 10 mois d’importations. Ces prêts sont-ils d’ailleurs toujours sans conditions ?
Il se passe, par ailleurs, des choses plutôt bizarres et résolument improbables dans les chiffres ‘officiels’ du pays et le ministre de NOS finances nous doit bien, je ne suis pas le seul à le penser, quelques explications à ce sujet. Azad Jeetun (***) souligne ainsi que l’on a révisé la croissance du secteur de la construction, qui est passée à 28,6 % pour 2023, soit VINGT FOIS PLUS que ce qui fut réussi en 2022 et déjà TROIS FOIS PLUS que le taux estimé en juin 2023. Ces révisions improbables dépendent, de plus, anormalement des travaux du secteur public dont la croissance de l’investissement se doit d’exploser à 40,9 % cette année ci-après 0,1 % en 2021 et 1,1 % en 2022… Vraiment ?
Sur le plan des exportations des services qui étaient enregistrés, bon an, mal an à environ Rs 150 milliards entre 2017 et 2019, on veut nous faire croire à un bond à Rs 218,6 milliards en 2022(+45 %) et 250,1 milliards en 2023 (+67 %). Cela paraît impossible sans une révision de la façon de compter… Le ministère des Finances n’a pas beaucoup tenté une explication !
Somme toute, Jeetun nous confirme ce que Sushil Khushiram soulignait dès août 2022 sur l’artificialité de la dette nationale par rapport au PIB ; démontrant, entre autres, que la dette réelle du secteur public était de 105 % du PIB (et non les 86 % du discours du Budget) si l’on mettait de côté tous les ajustements valorisants que l’on avait trouvé bon de faire jaillir du chapeau (****).
Plus récemment, Khushiram, jamais démenti depuis, avait méthodiquement souligné l’invraisemblance des progressions révisées pour l’investissement public, la construction ou l’exportation des services qui, selon Statistics Mauritius, permettait alors de revoir la croissance du PIB des 5,3 % envisagée en juin, au chiffre autrement plus ragoutant de 6,8 % de septembre 2023.(*****)
Soit la fille est belle, soit encore elle a constamment besoin d’être maquillée !
Sans aucune excuse à l’industrie de la cosmétique…
(*) Wikipedia l Gilad Shalit prisoner exchange
(**) Al Jazeera l Israeli settlers steal Palestinian farmers’ land in occupied West Bank
(***) Trends in key macro indicators – l’express- 29/11/2023
(****) Lexpress.mu l Data Spinning
(*****) Lexpress.mu l GDP Overestimation
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