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Questions à Robert Furlong
«Je m’étonne qu’il n’y ait pas de French Speaking Union»
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Questions à Robert Furlong
«Je m’étonne qu’il n’y ait pas de French Speaking Union»
Robert Furlong, président du Centre culturel d’expression française
Alors que Robert Furlong entame son troisième mandat de président du Centre culturel d’expression française (CCEF), il s’interroge sur les travers de la politique de promotion des langues, alors que le français est «largement parlé. On dit même qu’il est en progression». Le CCEF fêtera ses 65 ans d’existence en 2024.
Vous entamez votre troisième mandat de président du Centre culturel d’expression française (CCEF). Qu’êtes-vous fier d’avoir accompli jusque-là ?
Je suis associé au centre depuis l’âge de 15 ans. Les activités évoluent à cause de facteurs qu’on ne contrôle pas toujours. Pendant une dizaine d’années, il n’y a pas eu d’activités culturelles grand public. L’accent était sur les cours de français et les ateliers.
Maryse d’Espaignet, présidente juste avant moi, a développé une approche extrêmement dynamique de la littérature mauricienne. Pendant une quinzaine de séances, on a décortiqué des auteurs mauriciens. C’était un travail de groupe. On lisait des extraits, on parlait de la vie de l’auteur. Si des parents d’un auteur disparu étaient disponibles, ils étaient invités à en parler. On a fait le tour, il fallait élargir. Quand je suis devenu président, nous avons gardé la littérature comme axe important en ouvrant la porte à des après-midi culturelles plus généralistes. Le CCEF a été le seul à célébrer les 250 ans de la presse en janvier 2023. Pour le Festival du livre de Troud’Eau-Douce, nous espérons faire quelque chose de spécial. Il y a des activités préparées longtemps à l’avance et celles joyeusement opportunistes.
Nous préparons le 65e anniversaire du CCEF, qui aura lieu en juin 2024. Ce sera la célébration de cette ruche que nous avons en plein Curepipe. Nous ne sommes pas là pour supplanter qui que ce soit, pour dire que le français est meilleur mais pour regrouper les gens qui se reconnaissent dans la langue française et qui veulent la mettre en pratique, tout en utilisant d’autres langues. Il y a une fausse perception du CCEF. On se dit : on n’y parlera pas le créole.
Il y a des activités en créole au CCEF ?
Ce ne sont pas des activités d’expression créole, mais des activités où le créole, qui est la langue mauricienne, a sa place. Pour 90 % de notre public, le créole est leur langue quotidienne. w Vous n’êtes pas des fanatiques du français ? Nous ne sommes pas dans cet état d’esprit-là. Nous prenons position si jamais nous sentons qu’il y a une menace par rapport à la langue française. Nous avons pris position publiquement au sujet du grading – voilà un mot en anglais – pour les examens de français et de mathématiques. On s’est demandé pourquoi rabaisser le niveau de prise en compte des capacités dans ces deux matières. Nous avons appris qu’il y aura des changements majeurs au niveau des examens du School Certificate l’an prochain. Nous attendons d’en savoir plus. Nous sommes dans une démarche de vigilance par rapport à l’enseignement et l’usage de la langue française.
Il y a eu une réponse officielle à votre prise de position ?
Il n’y a pas eu de réponse.
Même pas pour vous dire de quoi vous mêlez-vous ?
Je ne suis pas sûr que le ministère de l’Éducation soit champion des réponses. Peut-être qu’il est champion de raisons de se poser des questions. Vous remarquerez que dans le système actuel, il y a l’English Speaking Union, la Creole Speaking Union, mais pas de French Speaking Union.
Est-ce qu’il en faut une ?
En tout cas, je m’étonne. Pourquoi pas de French Speaking Union ? Ce dispositif permet d’avoir des financements de l’État, sur lesquels il faut rendre des comptes. La plupart de ces unions font ce qu’elles peuvent. Certaines sont très actives (NdlR : il y en a 11 au total). Pourquoi est-ce que dans cette organisation, il n’y a pas au moins eu le projet de faire, pour cette langue largement parlée à Maurice – on dit même qu’elle est en progression – une French Speaking Union ?
Nous sommes dans une démarche de vigilance par rapport à l’enseignement et l’usage de la langue française
Vous êtes l’ambassadeur de ce projet ?
Je ne revendique rien. Je m’étonne. Tout ce que nous faisons est réalisé avec des moyens extrêmement modestes.
Ce qui veut dire rien de l’État ?
Nous n’avons pas de subvention.
Et vous n’en demandez pas ?
Non, on ne va pas taper à la porte. L’État a peut-être d’autres vecteurs d’actions au niveau des langues. Nous restons une association. Nous ne voulons pas devenir un organisme para-étatique. C’est pour cela que je dis que nous ne revendiquons pas d’être une Speaking Union dans le sens que l’État donne à ce terme. Je m’étonne juste qu’il n’y en ait pas.
Expliquez-nous le financement du CCEF.
Il vient de la cotisation des membres, environ 150. Pour être réalistes, parmi nos membres historiques, certains sont très âgés et ne peuvent plus se déplacer, d’autres nous ont quittés.
Notre colonne vertébrale ce sont les cours qui préparent aux examens de l’Alliance Française, de la classe de quatrième jusqu’à la terminale, dispensés à 125 à 150 élèves. Il y a aussi les cours pour le primaire. Nous ne surtaxons pas les cours, nous prenons de quoi payer les profs. Cela ne rapporte pas énormément.
Il y a des ateliers de peinture, de théâtre, de musique, de piano. Pour offrir un verre de l’amitié après les activités, il y a un plateau à la porte. Pour reprendre l’expression de Senghor, le centre est au «carrefour du donner et du recevoir». On ne vient pas au centre pour parader, mais pour s’instruire. Nous avons l’avantage d’être au centre de Curepipe, à cent mètres de la gare routière et du métro. Pendant un certain temps, nous avons perdu bon nombre de participants potentiels à cause du manque de parking et des embouteillages. Nous avons besoin de membres et tous ceux qui ont besoin de nous ne le savent pas encore.
C’est une perception que le ccef est une affaire de curepipiens. La ville a changé de visage.
Vous parliez des perceptions. Le CCEF en pâtit-il parce que son image est associée à une catégorie sociale ?
À partir de 1959 jusqu’à l’Indépendance, nous avons régulièrement reçu des gens de toutes les catégories sociales.
Comme intervenant ou comme visiteur ?
Les deux. Le poète et écrivain René Noyau est venu avant l’Indépendance, il en a parlé devant un parterre où il y avait des pour et des contre. Le Dr Kissoonsingh Hazareesingh est venu parler de Rabindranath Tagore et de l’histoire des Indiens à Maurice. Aunauth Beejadhur était l’un de nos membres.
À l’époque de la ciné-conférence Connaissance du monde, la composition de la salle était extrêmement variée. C’est une perception que le CCEF est une affaire de Curepipiens. La ville a changé de visage. Il y a des activités qui ne sont plus au goût du jour.
Vous avez remis la dictée dans l’air du temps. Y a-t-il un engouement pour se mesurer à l’orthographe ?
La dictée pour adultes qui aura lieu le 30 septembre répond à une demande. Cela montre bien que l’intérêt pour la langue française est aussi pour la façon de l’écrire. On n’est pas passéiste. Le CCEF n’est pas un club de troisième âge.
C’est pourtant encore l’une des perceptions associées au centre. C’est tout à fait inexact. Venez à 14 h 30 en semaine. Il y a des ados de 13-18 ans pour les cours. On ne peut pas leur mettre un bandeau sur la bouche et leur dire taisez-vous, écoutez seulement. Ils apportent leur jeunesse. Nous sommes dans un triangle entre le Collège Royal, le Collège Saint-Joseph, le collège de Lorette et il y a la Carnegie Library. Sans lui faire de concurrence, on peut venir profiter de notre bibliothèque de 6 000 ouvrages pour adultes. On peut être abonné à notre bibliothèque sans être membre du CCEF.
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