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S’achemine-t-on vers le scénario «franse ze konn, angle ze debrouy» ?

10 février 2024, 11:25

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S’achemine-t-on vers le scénario «franse ze konn, angle ze debrouy» ?

Une tendance notée après une analyse froide des résultats des examens du Higher School Certificate tenus en 2023 indique une baisse générale dans la performance des jeunes Mauriciens dans la plupart des disciplines par rapport à l’année 2022.

En mathématiques, en français, en littérature anglaise, en sociologie de même que dans les langues orientales, c’est un recul généralisé d’une année à l’autre. Une fois l’euphorie de l’acclamation des nouveaux lauréats passée, le constat sur la réussite générale serait inquiétant.

La seule bonne note – et celle-là au niveau du School Certificate et pas du HSC – c’est la nette maîtrise du Kreol Morisien (KM) par nos jeunes. Sur 188 candidats optant pour la discipline KM, il y eut 181 cas de réussite, soit 96,6 %. Le KM ne sera hélas pas au programme du HSC.

On se demande maintenant si Maurice ne serait pas engagé dans une tendance qui lui ferait perdre l’un de ses meilleurs atouts, c’est-à-dire l’éducation. En l’absence d’autres ressources naturelles que la mer et ses poissons, Maurice a beaucoup compté sur ses écoles pour préparer les citoyens à se faire utiles et trouver des opportunités. Ainsi, avant même que la mondialisation ne s’impose comme un phénomène du 21e siècle, les Mauriciens étaient déjà capables de saisir les opportunités d’émigration et de fonctionner correctement dans leur nouvel environnement.

L’aspect de notre système éducatif qui se focalise sur la production chaque année d’un certain nombre de lauréats a été décrié comme étant antidémocratique, élitiste et gaspilleur de nos ressources financières. Mais on réalise aussi que la performance de l’élite cache un recul chez la grande majorité des étudiants. Il s’agit là d’une tendance inquiétante dans le contexte du phénomène de la mondialisation. Ainsi, si l’élite parmi les étudiants réussit à fonctionner dans le nouvel environnement mondial, d’autres sont condamnés à être chômeurs à Maurice ou employés d’abattoir au Canada si on cherche la belle vie à l’étranger.

Dans la foulée de la mondialisation, ceux à l’étranger qui réussissent mieux sont ceux qui ont investi dans l’éducation. C’est ce qui permet à l’Inde, par exemple, d’«exporter» des centaines de milliers de ses jeunes vers les pays anglo-saxons et au Proche-Orient. On aura remarqué que lors de sa récente visite en Inde, le président français Emmanuel Macron a exprimé le souhait d’accueillir en France, vers 2030, pas moins de 30 000 étudiants indiens. On comprend par cela que Macron voudrait mettre fin au monopole des Anglo-Saxons dans l’exploitation des talents indiens.

Et les talents mauriciens dans tout cela ? En fait, depuis les années 1960, les Mauriciens se faisaient facilement accepter en Europe, en Amérique du Nord et en Australie. Mais aussi en Afrique. Par exemple, les artisans de nos usines sucrières étaient très demandés dans des pays de notre continent engagés dans la production de cet aliment.

Traditionnellement, la connaissance de l’anglais et du français par le Mauricien moyen lui ouvrait des frontières. Dans le contexte actuel, les Mauriciens devraient se battre contre les Indiens mais aussi les Africains qui ont connu des avancements spectaculaires dans le domaine de l’éducation. À ce jour, de nombreux Africains issus de pays francophones dépassent de loin les Mauriciens dans la maîtrise de l’anglais. Ils se font de plus en plus utiles dans les pays anglo-saxons.

On aura noté au cours des dernières années que plusieurs facteurs sont venus entamer le prestige international de Maurice. Si la tendance actuelle dans l’éducation est maintenue, Maurice risque de perdre encore des galons pour se faire rattraper même par Madagascar. Nous sommes déjà battus de loin par l’ex-francophone et néo-anglophone Rwanda, par exemple. Tout n’est toutefois pas perdu. Le Mauricien connu pour sa vantardise pourrait toujours dire «franse ze konn, angle ze debrouy».